Le cours de fierté africaine du Surintendant de nos finances, Adesina

La conférence inaugurale du Sommet des leaders des médias africains à Nairobi aura été une occasion particulière de découvrir tout un argumentaire sur une fierté africaine bien placée de la part du président de la Banque africaine de développement (Bad), le Nigérian Akinwumi Adesina. Dans un Kenya en proie à des inondations monstrueuses, il prendra le soin de témoigner de l’empathie de toute la communauté africaine à la Nation-hôte, en soulignant les ravages que sont en train de faire les pluies au même moment également en Tanzanie et au Rwanda. Les changements climatiques dont l’Afrique subit sans répit tous les effets, tout en n’étant pas à l’origine, sont une occasion pour ce fils du continent de témoigner du soutien indéfectible de sa structure pour une reconstruction durable.
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«Mon job est de marketer les opportunités de l’Afrique», souligne Adesina, qui donne un indicateur clair de sa vision en tant qu’exécutif de premier rang du continent devant accompagner 54 Etats dans leurs stratégies de développement. Cette approche sans complexe est essentielle pour un continent qui est sans cesse chahuté et pour lequel les leaders d’opinion battent toujours en retraite dans le concert des nations pour se faire entendre. A certaines positions, il faut avoir le courage de s’assumer et regarder les gens dans le blanc des yeux. On ne peut pas avoir sur le continent africain 11 des 20 économies les plus croissantes dans le monde alors que l’essentiel du discours et du traitement médiatique est articulé sur des clichés, des préjugés et des reportages biaisés sur des sujets d’un autre âge.
L’information sur l’Afrique de l’intérieur comme de l’extérieur, il faut le dire, est un condensé de préjugés et de traitements orientés par des stéréotypes dépassés. Cela n’aurait pas posé problème si c’était l’apanage de groupes de presse d’autres régions et l’œuvre de leurs correspondants à la quête de sujets exotiques ou opérant avec leurs prismes éditoriaux. Le drame est malheureusement que cette posture est même adoptée par les médias africains qui rendent visibles ces stéréotypes.
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Docteur Adesina n’a pas manqué de rappeler cela aux éditeurs et responsables de presse africains, en leur faisant une invitation à vendre une information positive sur notre continent. Il est assez précautionneux pour rappeler qu’il ne cherche guère à orienter le traitement médiatique sur l’Afrique. Toutefois, il reste, à son avis, beaucoup de bonnes choses à dire et faire connaître sur l’Afrique. «Je ne vous demande pas d’écrire des histoires qui ne sont pas factuelles», se défend le président de la Bad, tout en invitant les leaders de médias africains à mettre une emphase particulière sur la transparence et la reddition des comptes, gages de démocratie et de stabilité partout en Afrique.
C’est l’heure pour un changement de paradigmes et celui-ci s’obtiendra avant toute chose en évitant d’écorcher le continent. Pour le président de la Bad, c’est tuer tous les espoirs de toute la jeunesse africaine en écorchant le continent. Il donne un exemple patent de la couverture des sujets qui ont trait à la migration en soulignant qu’on oublie souvent le fait que le gros des mouvements de populations est interne et se fait d’une région à l’autre du continent.
De sa position à la tête de la Bad, Dr Adesina dit mesurer l’usage de l’information au plus haut point. Son organisation bénéficie d’une notation enviable, un triple A pour excuser du peu. Quand on sait comment fonctionnaient les notations et l’évaluation du risque par certains organismes, avec une grosse prise en compte de l’information véhiculée sur les pays en termes de transparence, de bonne gouvernance et de respect des normes démocratiques, on se dit qu’à cette ère de bataille d’informations, un organisme de développement au service des Africains mesure l’enjeu d’avoir une maîtrise sur le discours entretenu sur l’Afrique. La prise d’initiative sur le discours dans ce nouvel écosystème où les audiences n’interrogent plus de façon critique les contenus qu’elles reçoivent, est fondamentale pour que l’Afrique ne soit pas dépeinte à son désavantage.
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L’information bonne et positive sur l’Afrique est obstruée, peu reportée et disqualifiée. Dr Adesina aura le courage d’appeler les dirigeants de médias africains à oser mettre en place un média majeur avec des moyens pour parler d’une Afrique positive. L’engagement est pris par la Bad, l’Africa ExIm Bank et les différentes structures régionales pour financer une voix audible et crédible de l’Afrique. On ne peut que croiser les doigts et encourager cette initiative de toute force. Quand on a cette addiction de l’Afrique, on ne souhaiterait qu’elle nous quitte qu’après notre mort.
Des témoignages du président de la Bad à l’égard du Sénégal, après l’épisode éprouvant et challengeant de la dernière élection présidentielle, m’auront rassuré sur un leader d’une Afrique décomplexée et surtout audacieuse.
La note d’amour de Adesina au Sénégal
Dans son argumentaire sur le traitement biaisé de l’Afrique par une certaine presse, docteur Adesina commentera le mal-être et le stress qui l’ont rongé. Cela, tout le temps de la Présidentielle, parce que le Sénégal est un pays pour lequel il a un profond amour et une histoire particulière. «J’aime le Sénégal et vous le savez tous», clame Adesina, qui confie s’être rendu dans la capitale sénégalaise et sur l’île de Gorée en 2015, au tout début de son élection à la Bad, pour s’imprégner du challenge qui l’attendait.
Le cas du Sénégal est assez symbolique pour le banquier en chef du continent, car il se disait déstabilisé par toutes les informations publiées sur le Sénégal, car c’est un pays qu’il connaît bien. Tout était fait pour caricaturer le pays. Et de son expérience personnelle, doublée de sa proximité avec les autorités sénégalaises, il ne pouvait laisser de telles idées prospérer.
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Il n’a cessé d’appeler le Président Macky Sall et des observateurs électoraux pour s’enquérir de la situation et surtout se rassurer que rien de trouble ne se produirait dans le bastion démocratique qu’est notre pays. Son attente, le Président de la Bad ne pouvait la contenir en débarquant à Dakar le lendemain du scrutin. Il confiera au Président Macky Sall qu’entre son trajet de l’aéroport au palais de la République, il n’aurait pensé qu’une élection venait de se produire. A 18 heures, les bureaux de vote sont bouclés ; à 20 heures, les premières tendances sont données. «Ils sont formidables au Sénégal», s’exclame Dr Adesina, soulignant que c’est ce genre d’histoire positive de l’Afrique qu’il faut présenter à la face du monde.
A l’endroit de l’ancien Président Macky Sall, le président de la Bad dira que c’est un sacré travailleur avec lequel il aura réalisé, en trois ans et demi, des mégas projets comme le Train express régional (Ter), la ville de Diamniadio, Promovilles et le désenclavement de la Casamance. Il clame ne pas renier des amitiés et ne guère oublier ceux qui font un grand travail. Avec le Président Diomaye Faye, il continuera d’être cet ami du Sénégal. Il estime que si un Président jeune échoue, ce sera l’échec de tous sur ce continent. En une intervention de haute facture, Dr Adesina aura semé de belles graines de fierté dans un esprit africain.
Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn