Vous avez dit simples «impôtiers» ?

Cent jours ! Depuis cent jours, ils sont là, au pouvoir, tenant ainsi (entre leurs mains) le destin d’un Peuple plein d’espoir ; un Peuple qui scrute et implore quotidiennement le ciel afin de vivre des jours plus heureux.
Que nenni !
L’odeur d’une bonne cuisson ne remplit pas un ventre en disette, mais au moins il sait ou doit en aiguiser encore plus l’appétit. Dans la langue de Kocc que la quasi-totalité des citoyens de ce pays partage, l’adage nous enseigne que «cin bu naree neex, bu baxee xeeñ».
Il est vrai qu’en cent jours, on ne construit pas un château impérial, mais au moins on aurait dû en percevoir (à défaut d’en apercevoir) le contour des fondations. C’est pourquoi aujourd’hui je me surprends à applaudir avec véhémence mon Président, le mieux élu de l’histoire des alternances (54% des suffrages au premier tour s’il vous plaît), qui doit enfin sortir de son confinement (mbete waxtoob Covid) pour s’adresser à la Nation. Il était temps bon sang !
Au-delà des appartenances et de l’adversité politico-politiciennes, quel est objectivement le Sénégalais qui puisse nous dire, qui puisse nous expliquer clairement en quoi et comment sommes-nous gouvernés pendant tout ce laps de temps ? Quel est le cap visé pour nous sortir des affres sulfureux du sous-développement ? Où se trouve cette rupture tant chantée ? Le fameux «Projet» serait-il la simple continuation du très visible sur le terrain, le «Pse» de Macky ? Je donne ma langue au chat…
En vérité, ce pays est à l’arrêt : aucun secteur de la vie nationale ne suscite l’espoir, ne fait naître l’enthousiasme chez les goorgoorlus. Rien ne marche, la machine est grippée !
Cent jours pendant lesquels on agite et on s’agite sur des audits et des impôts. Où se trouve le génie de rappeler qu’une entreprise quelconque ait l’impérieux devoir de s’acquitter de ses impôts ? Que trouve-t-on de féerique au fait que tout citoyen ayant manipulé nos deniers publics, nous rende compte de sa gestion ?
Seulement, il faut être actif pour payer l’impôt ? Il faut entreprendre pour nous devoir des impôts ? S’attaquer aux groupes de presse ne nous divertit pas. Autant elles nous doivent des impôts, autant notre Etat a l’obligation de les soutenir ; ne serait-ce que dans la préservation des emplois créés par ces patrons de presse que personne ne doit jeter en pâture, à la vindicte populaire : ils ont eu le courage d’investir dans notre pays, dans leur propre pays. Sinon, y aurait-il un agenda caché derrière toute cette oppression qui ne dit pas son nom ? En tout cas, museler ou essayer de museler la presse libre est affaire de dictature hitlérienne…
Désolé ! Des audits ne peuvent pas faire office de programme de gouvernement. Comme les conclusions des Assises sur la Justice ne nourrissent pas nos ventres affamés et nos corps alités. Les discours creux d’un Pm qui fait trop d’ombre au Président élu ne trouveront jamais au grand jamais des emplois décents à notre jeunesse qui défie les vagues meurtrières de l’océan pour l’hypothétique eldorado du monde occidental. Les bains de foule et les reniements incessants ne nous protégeront en aucun cas des inondations survenues précocement (taw bu njêkk rekk). Faire tout ce vacarme et toute cette fixation sur des patrons de presse, qualifiés de voleurs, n’apaisera pas le cœur des marchands ambulants aujourd’hui, très remontés par des promesses non tenues. Brandir des audits, comme arme de répression et comme sucette pour les plus incrédules, ne construira ni hôpitaux ni autoroutes. Mieux, cela ne nous ouvrira pas la voie qui mène à l’autosuffisance alimentaire. Nous aspirons à mieux !
Le Sénégal est plus grand que le simple fait de faire payer l’impôt aux entreprises, que le seul brandissement menaçant d’audits qui, jusqu’ici, n’ont encore incriminé personne. Notre pays demande plus que la seule reddition des comptes, même s’il n’y a rien de plus normal. Il demande plus de lignes électriques, plus de routes, plus d’hôpitaux, plus d’universités, plus d’écoles, plus d’eau potable et accessible à tous, plus de sécurité, plus d’emplois pour une jeunesse aux abois ; il réclame véhémentement une sécurité alimentaire durable et pérenne.
Retoucher la Constitution est une aberration, le seul fait d’y penser est un crime. Retrouvez-moi cette Société civile qui criait il y a peu de temps encore : «Ne touche pas à ma Constitution.» Notre Constitution a permis d’élire sans accroc un Président, et de fort belle manière. Alors que lui veut-on ? Peut-être faire une place dorée à un Pm surpuissant avec des attributions constitutionnelles taillées à sa majestuosité. Dites, sommes-nous devenus un régime parlementaire par hasard ?
Le Président fera face à la presse, et cela est réconfortant. Il est une voix autorisée pour nous dire où l’on va ou ce qu’on veut faire de nous. Il se substituera ainsi (prenons ça comme Dpg) au fantasque Pm toujours aphone chaque fois qu’il s’agira de parler des choses sérieuses qui intéressent la vie de la Nation. Laissons-lui volontiers les polémiques stériles et les querelles de borne-fontaine.
Amadou FALL
Iee à Guinguineo
zemaria64@yahoo.fr