Les agents du projet Ismea observent 48 heures de grève renouvelables à compter d’aujourd’hui. Ils dénoncent, entre autres, leur situation salariale dont les retards de salaire, et s’inquiètent sur leur avenir à la fin de ce projet qui tire à sa fin. Par Khady SONKO –

Les agents du projet d’Investir sur la santé de la mère, de l’enfant et de l’adolescent (Ismea) ont décrété 48 heures de grève renouvelables à partir d’aujourd’hui. «Les collègues du projet Ismea sont invités à cesser toutes activités de soins et à rester chez eux à partir d’aujourd’hui jusqu’au paiement des salaires», a déclaré hier Youba Badiane, en point de presse à l’Hôpital régional de Ziguinchor.

Selon cet infirmier d’Etat à l’Hôpital de la Paix dans le cadre dudit projet, Ismea est «une bamboula de 76 milliards au détriment du personnel de santé». Ce projet a pour objectif principal d’améliorer l’utilisation des services essentiels de la santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et des adolescents et la nutrition (Srmnia-N) répondant aux normes de qualité dans 6 régions d’intervention : Kaffrine, Tambacounda, Kédougou, Kolda, Sédhiou et Ziguinchor. «Sur 905 agents à recruter, le projet, autorisé par la Banque mondiale en mai 2021, en a recruté 889 dont 159 agents pour Kaffrine, 107 pour Kédougou, 171 pour Kolda, 133 pour Sédhiou, 163 pour Tamba et 157 pour Ziguinchor, explique l’infirmier.

Ces six régions avaient les indicateurs les plus au rouge, et, par conséquent, affectaient négativement les efforts de santé publique au niveau national. Ainsi, à la suite de l’approbation des partenaires financiers avec quelques réserves sur les niveaux de salaires proposés par le Sénégal, l’affectation du personnel a été effective à partir du mois de novembre 2021. Les 889 agents sont constitués de 35 médecins généralistes, 1 médecin spécialiste (pédiatre affecté au Chr de Tambacounda), 29 techniciens supérieurs en biologie médicale, 400 sages-femmes d’Etat, 399 infirmiers d’Etat, 18 pharmaciens, 3 techniciens en maintenance hospitalière, 4 nutritionnistes. «Ces ressources humaines qualifiées ont largement contribué à combler le gap des déserts médicaux dans ces zones, améliorer la prise en charge médicale des populations et impacter ainsi positivement les indicateurs de santé», a déclaré Youba Badiane.
«Depuis le début du projet, beaucoup de démissions ont été notées eu égard aux difficultés d’exercice dans ces zones éloignées. Certaines démissions étaient surtout dues à la déception liée aux conditions qu’on leur avait fait espérer et qui se sont révélées être un appât pour les amener à accepter de servir dans ces zones», a poursuivi l’infirmier.

A l’en croire, sur un apport de 76 milliards de nos francs des partenaires, le budget des salaires ne dépasserait pas les 16 milliards durant les 3 ans que doit durer le projet.  Par ailleurs, regrette M. Badiane, «nous constatons parallèlement la forte propension des coordinateurs à mettre le maximum de fonds disponibles dans des projets de construction, d’achat de véhicules, de motos, d’ambulances et le financement de diverses activités, de réunions de toutes sortes des services de santé du pays. On serait tenté de dire que chaque service ou direction du ministère de la Santé et de l’action sociale a eu sa part du gâteau». Et le comble, dénonce-t-il, «pour un budget déjà dégagé, le personnel peine à percevoir son salaire à temps depuis quelque 4 mois».
A la date d’hier, les salaires du mois de juin n’étaient pas encore payés. «La contractualisation avec le personnel Ismea prenant fin le 31 octobre prochain, nous agents du projet Ismea ne savons plus à quel saint se vouer quant à notre avenir professionnel. Initialement, il avait été avancé que nous serions reversés dans la Fonction publique à la fin du projet. Puis, il a été annoncé finalement que nous serions plutôt repris dans les contrats «Cobra» du Msas qui ne seront signés qu’en janvier 2025, et que tous ne seraient pas maintenus», s’inquiètent les agents.
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