Scénariste, dessinateur de bandes dessinées, Seydina Issa Sow présente dans sa dernière Bd, une version romancée de l’enfance du talentueux footballeur de Bambaly. «Sadio» est un condensé d’expériences et d’aventures qui véhiculent des valeurs positives. Après «Cayor», Seydina Issa Sow poursuit son chemin dans ce monde de la Bd qui peine encore à faire recette au Sénégal.La bande dessinée «Sadio», c’est en référence à Sadio Mané ?

Disons que je me suis un peu inspiré de la vie de Sadio Mané, de son enfance notamment. Depuis qu’on a gagné la Coupe d’Afrique, je souhaitais faire quelque chose en hommage à Sadio Mané. Je trouve qu’il a grandement contribué à cette victoire, c’est ce qui m’a poussé à faire cette Bd. Il y a certains éléments de la Bd qui sont directement tirés de son enfance. Par exemple, le fait qu’il soit issu d’une famille qui n’est pas très aisée.

Physiquement aussi, j’ai choisi de faire un personnage qui lui ressemble avec la même coiffure. Le fait qu’il soit orphelin de père, que son oncle ne voulait pas qu’il joue au foot, je l’ai aussi tiré de la vie de Sadio Mané, et aussi qu’il soit fan d’un joueur du Brésil. Sauf que lui était fan de Ronaldinho, mais moi j’ai opté pour Ronaldo, un choix personnel. Les autres péripéties de l’histoire sont sorties de mon imagination à 100%.

Quel était le message de cette Bd ?
Il y a plusieurs messages en fait. J’ai fait un personnage qui aime aider les gens. Sur un passage, il y a un non-voyant qui a failli marcher sur un scorpion. Et non seulement Sadio l’a aidé, mais il l’a conduit ensuite à sa destination. J’ai voulu mettre en avant l’altruisme du personnage. Même si ses parents ne voulaient pas qu’il joue au foot, il a tenu bon, a été persévérant. L’amitié aussi a une grande place. Sadio et ses amis se disputent et se battent même, mais quand ils sont face à une humiliation, ils ne vont pas hésiter à se réconcilier et chercher la victoire ensemble. C’est le pouvoir de l’amitié et le sens du pardon. Sadio n’a pas hésité à demander pardon pour repartir sur de nouvelles bases. Et dans les histoires africaines, il y a toujours une part de mystère, et j’ai voulu faire sortir cela aussi.

Vous avez réalisé les textes et les illustrations ?
J’ai écrit le scénario, j’ai fait les illustrations, ainsi que la colorisation. En général, quand je travaille, je réfléchis à un scénario. Au fur et à mesure que j’avance dans l’histoire, des choses peuvent changer. Du coup, le scénario du début est diffèrent du scénario de fin. Ensuite, il y a un travail d’illustration en plusieurs étapes : le story-board, le brouillon, le crayonné, l’encrage, la colorisation, l’ajout de texte, etc. Il y a une méthode pour faire une bande dessinée. Soit je travaille sur papier ou sur ma tablette. Et quand je termine la Bd, je m’occupe de l’édition. Pour Sadio, j’ai travaillé avec Saraaba Edition. Je leur ai juste envoyé les planches et ils se sont chargés de l’impression.

Est-il plus simple de travailler sur une tablette ou sur du papier ?
C’est plus pratique de travailler sur une tablette. Par expérience, mes premières Bd, je les ai faites sur papier, mais ça prend plus de temps, ça demande plus d’investissement aussi. Même si la tablette coûte cher, on l’utilise longtemps et on a la possibilité de revenir en arrière quand on fait des erreurs. Ce qui n’est pas possible quand on travaille sur du papier.

Et le parcours d’impression, est-ce que c’est simple pour vous qui avez commencé par l’autoédition ?
Avec Cayor, j’ai fait de l’autoédition. Le marché de l’édition n’est pas très facile. Contrairement aux pays européens, aux Etats-Unis ou au Japon, la Bd au Sénégal n’est pas du tout développée. Quand on a un livre, il faut aussi trouver le moyen de le vendre. Ceux qui achètent, ce sont surtout les gens qui viennent de pays qui ont déjà la culture de la Bd. Il y a aussi des Sénégalais, mais ce n’est pas un marché très vaste.

En tant qu’illustrateur et bédéiste, vous arrivez à vivre de ça ?
L’illustration est avant tout une passion, et ce n’est pas mon seul métier. C’est vrai que ça me prend beaucoup de temps maintenant, et ce serait difficile de dire si je vis de ça. Avec la bande dessinée, on est obligé de vendre des livres pour avoir des rentrées d’argent. Mais il y a d’autres prestations que je fais, des illustrations ou des Bd de commande pour les Ong. Ça donne plus de marge, mais avec seulement les Bd vendues en librairie, je ne peux pas dire que je suis au niveau où je peux en vivre.

Le problème serait-il que la Bd n’est pas populaire chez le jeune public ?
Déjà, je dirais que ce n’est pas à la portée de tout le monde. Etant donné que le coût de production est quand même assez élevé, ça se répercute sur le prix de vente, et tout le monde n’a pas forcément les moyens d’acheter une bande dessinée. Mais, ce n’est pas très populaire aussi parce que beaucoup de gens ne savent pas qu’il y a des bandes dessinées sénégalaises.

Le fait que les jeunes ne lisent plus beaucoup, n’est-ce pas aussi un frein ?
Je pense qu’ils n’ont pas forcément envie de lire des romans, mais les Bd les intéressent. Ça pourrait même être une alternative pour les intéresser davantage à la lecture. Avec Cayor déjà, j’ai remporté le Prix Teranga Lecture et certaines écoles avaient acheté des exemplaires. Mais ce sont surtout des écoles dans le programme français.

Cayor parle de quoi précisément ?
C’est une fiction, mais ça évoque l’histoire du Cayor et il y a aussi des évènements qui se sont passés dans la Bd. Il y a quand même des Sénégalais qui achètent, et j’en suis content. Moi-même, j’ai été amateur de Bd et elles me venaient toutes de la France ou de la Belgique. C’est ce qui m’a poussé à m’investir dans ça.

Que faudrait-il faire selon vous pour vulgariser la Bd ?
Il faudrait que tous les acteurs jouent leur rôle. Je veux dire par exemple que certaines librairies, quand elles écoulent leurs stocks, elles peuvent mettre six à sept mois avant de verser l’argent. Et pendant ce temps, elles ne prennent pas d’autres livres. Dans ces librairies, ils disent que tant qu’ils ne règlent pas, ils ne reprennent pas de nouveaux stocks. Ce qui fait que le livre est en rupture de stock alors que moi, j’ai un stock à partager. Je me dis que si les librairies jouaient leur rôle, ce serait mieux. Mais il y a aussi d’autres acteurs comme le ministère de la Culture. Je n’ai jamais bénéficié du Fonds d’aide à l’édition. Mais ça pourrait aider.

Est-ce que le vrai Sadio a reçu le livre ?
Non, je ne crois. Mais j’aurais bien aimé lui remettre un exemplaire.
Propos recueillis par Mame Woury THIOUBOU (mamewoury@lequotidien.sn)