L’Ecole Polytechnique de Thiès (Ept) au Sénégal vient de franchir une étape historique en obtenant l’accréditation de la Commission des titres d’ingénieur (Cti) pour ses diplômes d’ingénieur. Cette reconnaissance prestigieuse atteste non seulement de la qualité exceptionnelle de l’enseignement dispensé à l’Ept, mais permet également à l’établissement de se hisser parmi les meilleures écoles d’ingénieurs européennes, bénéficiant d’une reconnaissance internationale. Entretien avec Pr Alassane Gningue, directeur de l’Ept, qui explique les enjeux qui tournent autour de cette certification.M. le directeur, c’est une première au Sénégal, avec l’Ecole polytechnique de Thiès (Ept) qui vient d’obtenir l’accréditation de la Commission des titres d’ingénieur (Cti) pour ses diplômes d’ingénieur. Quel sera l’impact d’une telle accréditation ?

La Commission des titres d’ingénieur (Cti), un organisme indépendant créé par la loi française en 1934, chargée d’évaluer les formations d’ingénieurs, a pour mission de développer la qualité des formations afin de les accréditer et de promouvoir le titre et le métier d’ingénieur en France et à l’étranger. Son rôle est crucial pour garantir des formations répondant aux standards académiques et professionnels les plus élevés. L’accréditation de la Cti confère une reconnaissance explicite et internationale à l’Ept, en alignant ses programmes avec les normes académiques et professionnelles européennes. Cette accréditation est le résultat d’un travail collectif entre les équipes pédagogiques et administratives de l’Ept, en particulier le service qualité, et les divers partenaires de l’institution.

Quelles conséquences, quels bénéfices pour l’Ecole polytechnique ?
Sur les conséquences et les bénéfices pour l’école, avec cette reconnaissance internationale, l’Ept est désormais reconnue au même niveau que les meilleures écoles d’ingénieurs en Europe, ce qui renforce sa position sur la scène académique mondiale. Cette accréditation rendra l’Ept plus attractive pour les étudiants internationaux, les chercheurs et les partenaires industriels. Elle assure de la qualité. Du coup, les employeurs peuvent avoir une confiance accrue dans les compétences et les qualifications des diplômés de l’Ept, sachant que leur formation répond aux standards internationaux. L’accréditation de la Cti marque une avancée significative pour l’Ecole polytechnique de Thiès et une fierté pour le Sénégal. Elle démontre le potentiel des institutions académiques sénégalaises à atteindre et maintenir des standards internationaux de qualité dans l’enseignement supérieur. Une reconnaissance qui ouvrira de nouvelles opportunités pour les diplômés de l’Ept, les préparant à une carrière internationale dans le domaine de l’ingénierie.

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Une première au Sénégal qui va ouvrir beaucoup de portes, surtout au niveau international, dirait-on ?

Effectivement, c’est une première au Sénégal et c’est une accréditation qui va nous ouvrir pas mal de portes. En fait, l’accréditation est tellement importante pour nous, parce que c’est une continuité. Je crois que cette accréditation, nous l’avons commencée depuis 2018. Après avoir eu certaines accréditations, on s’est dit qu’il faut aller chercher la Cti, et nous avons travaillé dans un consortium où on était avec d’autres pays tels que le Togo, le Cameroun et certaines institutions de la France, de la Belgique, etc., pour essayer de voir comment travailler pour l’obtenir. Et nous rendons grâce à Dieu, cela s’est concrétisé. Cela veut dire que cette accréditation va permettre à l’école, non seulement d’être reconnue sur le plan international, surtout cela, mais parce que nos étudiants, d’habitude, quand ils partaient au Canada ou bien même au niveau de certaines institutions françaises pour lesquelles on avait même une double diplomation, ils partaient une fois qu’ils avaient les diplômes d’ingénieur. Quand ils partaient là-bas, ils faisaient deux années au lieu d’une. Maintenant, le problème ne se pose plus. Comme on a une équivalence, cela veut dire que celui qui fait 4 ans à l’Ecole polytechnique de Thiès, c’est comme s’il avait fait 4 ans dans une école d’ingénieurs en France.

Aujourd’hui, le problème ne se pose plus, les étudiants peuvent venir directement s’inscrire en cinquième année, en toute tranquillité. Mais, là où c’est vraiment intéressant, c’est pour les jeunes, parce que, souvent, nous les parents, on a tendance à dire quand nos enfants qui sont très jeunes, qui ont 17 ans, au maximum 18 ans, ont le Bac, à les envoyer en France, dans un environnement qu’ils ne connaissent pas, très hostile, et où, des fois, le problème de réussite se pose. Maintenant, avec cette accréditation, on a le même label que toutes les grandes écoles françaises. Et donc l’étudiant qui est là, qui étudie à l’Ecole polytechnique, s’il sort, si demain il veut aller travailler en France ou bien dans un pays avec lequel la France a des équivalences de diplômes tels que le Québec, etc., il suffit juste de présenter son diplôme de l’Ecole polytechnique avec l’accréditation, et, donc, on doit l’accepter comme un ingénieur de ce pays. Je l’ai dit comme ça bien que ce ne soit pas le but.

Voudriez-vous dire que ces jeunes, désormais, n’auront plus de problème de labellisation de leurs diplômes ?
Effectivement, les jeunes qui sont là n’auront plus de problème de labellisation de leurs diplômes. Le diplôme de l’Ecole polytechnique de Thiès va avoir la même valeur que les autres. Ça veut dire que ça va être une reconnaissance mondiale. Maintenant, ce qu’il y a lieu aussi de dire, c’est que nous, en tant que pays, il faut qu’on forme beaucoup plus d’ingénieurs pour booster le développement du Sénégal, parce qu’aujourd’hui dans nos pays, si nous voulons nous développer, il faut former beaucoup d’ingénieurs. Nous avons même ce qu’on appelle le Réseau des institutions de formation d’ingénieurs du Sénégal, mais le nombre d’ingénieurs formés au niveau du réseau ne suffit pas pour booster le développement du Sénégal. Et il faut qu’on s’y mette tous et, pour nous, un des projets, et qu’on va démarrer même l’année prochaine, parce que nous allons tout faire pour demander aux autorités de terminer nos chantiers, donc les 1000 lits qui sont là. Ainsi, on pourra recruter 200 étudiants, au lieu actuellement des promotions de 70, 75 maximum, des fois 80. Maintenant, cela va être derrière nous. Nous voulons chaque année mettre sur le marché sénégalais 200 ingénieurs qui vont nous permettre de booster l’économie du Sénégal. Mais, en fait, il faut que tous ces écoles et instituts où on forme des ingénieurs aussi nous emboîtent le pas.

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Je trouve que c’est extrêmement important et, nous-mêmes, ce qu’on va demander à l’Etat, c’est qu’il dise aux jeunes de rester étudier au Sénégal, ce n’est pas la peine de prendre nos enfants pour les amener en terrain hostile, qu’ils ne connaissent pas. Et puis ce sont de brillants jeunes qui ont eu le Bac avec la mention «Bien» ou «Très Bien» et, donc, des fois, qui ne réussissent pas, et on a une déperdition de presque 80% des jeunes qu’on envoyait en France et qui ne reviennent pas. Et dans ces 80%, il y a ceux qui ne réussissent pas et ceux qui réussissent et qui restent, avec tout ce que cela peut engendrer comme coût, ça veut dire que c’est une perte énorme pour le Sénégal.

Pr Alassane Gningue, concrètement, qu’est-ce que les étudiants vont gagner ?
Sur l’impact de l’accréditation et les conséquences, il y a beaucoup de bénéfices. Je crois qu’aujourd’hui on n’aura plus de soucis, même sur le plan de la coopération, la mobilité des élèves de manière générale. Parce qu’aujourd’hui à l’Ecole polytechnique, on a beaucoup de mobilité d’étudiants. A présent, certains sont en Allemagne, dans une université, d’autres sont au niveau d’une école d’ingénieurs des sciences de l’eau, à Strasbourg, en France, et là, c’est important parce que c’est une double diplomation et nos étudiants qui étaient partis étaient majors de leur promotion. Il y a aussi Sup’Aéro, une école de Toulouse où on fait de l’aéronautique, et dans cette école, nous avons une double diplomation. Nous avons des étudiants qui sont là-bas. Ainsi de suite. Juste pour dire que concernant la mobilité et les diplômes, vraiment c’est quelque chose que l’école est en train de booster. Il y a aussi une mobilité dans l’autre sens, ça veut dire qu’on reçoit des étudiants qui nous viennent de l’étranger et ils trouvent que c’est vraiment top comme institution.

Je trouve qu’il y a vraiment pas mal d’avantages et qu’une reconnaissance mondiale nous permet aussi de nous améliorer, et même nous, à l’interne. Ça veut dire qu’au bout d’un certain nombre d’années, ils vont revenir pour voir si toutes les recommandations qu’ils avaient faites ont été réalisées, donc on est obligés de réussir. Cela veut dire que c’est un suivi permanent de la qualité de l’enseignement à l’Ecole polytechnique de Thiès. On est condamnés à le faire.
Propos recueillis par Cheikh CAMARA – Correspondant