La musique est l’art de nourrir les esprits. En réalité, elle n’est pas confinée dans cette définition. A travers les chants, les jeunes Africains, qui organisaient au Sénégal leur 9e Camp du Chœur africain des jeunes, ont démontré, à travers des chants traditionnels et populaires, des valeurs de solidarité, d’amitié et de fraternité en embarquant la foule dans une mélodie saisissante et émotive qui n’a pas laissé beaucoup de personnes indifférentes.Par Justin GOMIS –

Le Chœur africain des jeunes s’est produit pour la première fois sur scène, à Dakar, le samedi 27 juillet 2024, à l’Espace Vema. C’était dans le cadre de la clôture de son 9e camp annuel, organisé du 22 au 28 juillet 2024 à Gorée, à la Maison d’éducation Mariama Ba. Occasion pour ce prestigieux chœur de démontrer tout le talent de ses jeunes choristes et la richesse du répertoire africain. Placé sous le thème : «Unir la jeunesse africaine dans sa diversité», ce camp, sous un format de résidence musicale et artistique, a vécu une clôture en apothéose. Le spectacle offert au public venu nombreux a permis de célébrer la diversité culturelle africaine à travers un kaléidoscope de pièces musicales et de chorégraphies, mais aussi des costumes de scène inspirés d’une Afrique authentique. Au niveau du répertoire, les thèmes du panafricanisme et de l’unité africaine étaient bien au cœur du spectacle à travers Ndan Edin en langue du Cameroun et O mama Africa du Ghana, qui ont provoqué un torrent d’émotions et fait couler des larmes, Bwana na yi en langue Apindji du Gabon, une pièce sollicitant l’intimité avec le divin dans une mise en scène bien inspirée. Les costumes de scène, illustrant les pays d’origine des choristes, ont traduit la diversité et la beauté des tenues traditionnelles du continent africain, qui ne demandent qu’à être mises en valeur, tant leurs couleurs, coupe et texture nourrissent le plaisir des yeux. Avec une maîtrise du geste qui n’avait d’égale que la fusion réussie des timbres de voix, les choristes se sont déployés sur la scène à travers des pas de danse savamment orchestrés lors de l’exécution des pièces comme Santa kouyie, en langue Ditamari du Nord du Benin, une ode à la gratitude face aux aléas de la vie.

La richesse des styles musicaux a permis au public de naviguer entre la puissance de la Negro Folk puisée sur les bords du fleuve Congo, à Kinshasa, avec la pièce Heri wao walio en swahili, et le charme des mélodies traditionnelles du pays baoulé à travers Biandé, une adaptation d’une chanson célèbre de l’artiste ivoirienne Reine Pélagie. Au-delà, la promotion des langues et cultures africaines, un des objectifs majeurs de ce projet, était aussi au rendez-vous. Sur des airs traditionnels populaires du Sénégal à travers Gaal gi, chant populaire en wolof des rameurs sur un rythme Assiko alternant avec le «Goumbé», ou Yaay tiin ma, évoquant la cérémonie de tatouage gingival chez les jeunes filles, la ballade sénégalaise a traversé le pays de la Teranga du Nord au Sud. Aux envolées poétiques de Jama jengi et Fuuta tooro, accompagnées par la magie de la flute peule, s’est jointe la frénésie des rythmes diolas dans un medley tiré du pays Banjaal de la Casamance.

Une résidence d’une semaine
Ainsi, après une semaine intense d’activités, au rythme des ateliers de chant et de découverte de répertoire, des veillées culturelles, des séances joignant l’utile à l’agréable, les jeunes choristes ont été plongés dans un bain culturel et nourris aux valeurs de e la solidarité, de l’amitié et de la fraternité, sur fond d’interculturalité, de panafricanisme et d’intégration africaine. L’encadrement artistique et musical était assuré, lors de ce camp, par une équipe de chefs de chœur chevronnés, sous la supervision du comité artistique composé des anciens chefs qui se sont succédé à la tête du chœur depuis le début du projet.
Moment symbolique de la clôture de ce camp annuel qui a rassemblé 21 choristes, la passation de témoin entre l’Ivoi­rien Boffouo Pierre Kouamé, chef du chœur depuis 2019, avec le Kenyan Ken Wakia, et le nouveau chef, Jean-Benoît Bakhoum du Sénégal, à qui il revient désormais le privilège de conduire les destinées du Chœur africain des jeunes jusqu’en 2025 sur les scènes africaines et du monde. Le Chœur africain des jeunes a partagé la scène, lors de ce concert de clôture, avec la chorale d’enfant Saint Michel de la paroisse des Martyrs de l’Ouganda et le Chœur panafricain de Dakar Afrikiyo, qui ont gratifié le public d’un spectacle plein de couleurs.

Une cinquantaine d’œuvres depuis 2012
Au total, sept pays ont pris part à ce 9e Camp du Chœur africain des jeunes qui, après douze ans aujourd’hui, confirme sa pertinence et son importance au regard des initiatives en cours en faveur de la sauvegarde et de la promotion du patrimoine immatériel sur le continent africain dans le domaine de la musique chorale. La cinquantaine d’œuvres recueillies, retranscrites et exécutées depuis le début du projet, en 2012, méritent une attention particulière de la part des autorités et acteurs de la culture en vue d’une publication et d’une diffusion sur le continent africain et au-delà, pour une transmission aux générations actuelles et futures des trésors de savoir, de savoir-faire et de savoir-être qu’elles véhiculent. Le défi pour les porteurs du projet reste celui de la pérennisation des acquis. Compte tenu des enjeux d’un monde de plus en plus globalisé, l’implication et le soutien accru des autorités de tutelle, tant au niveau de chaque pays qu’à l’échelle du continent, s’avèrent d’une importance capitale pour la préservation de nos patrimoines chantés. La présence, à cette activité, de représentants des missions diplomatiques de la Côte d’Ivoire, du Gabon et de la République démocratique du Congo notamment, constitue, à ce titre, un signe d’espoir pour l’unité parfaite de l’Afrique à travers le chant.

Il y a quelque chose que je m’interdis de devenir : le gestionnaire des humeurs des gens…
justin@lequotidien.sn