Cotonou – Investigation sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme : 35 journalistes outillés par le Giaba

Le Giaba a organisé une formation régionale sur le journalisme d’investigation en matière de criminalité économique et financière au profit de 35 journalistes issus des pays de la Cedeao. Ce fut une belle occasion de permettre aux participants de maîtriser les outils sur ces problématiques.Par Bocar SAKHO (Envoyé spécial à Cotonou)
– A Cotonou, une «promotion» de 35 journalistes, issus des 15 pays de la Cedeao, a bénéficié, pendant trois jours (du 12 au 15 août), d’une formation sur le journalisme d’investigation organisé par le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba). Il s’agissait d’une session de renforcement de capacités des médias dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Lbc/Ft) dans la sous-région confrontée aux enjeux liés à ces questions. Il y a eu des débats sur les techniques d’investigation, les terminologies sur le Lbc/Ft, les stratégies mises en place par les réseaux criminels dans le cadre du blanchiment des capitaux, le rôle du Giaba dans ce combat pour la promotion de la bonne gouvernance, entre autres. Lors de son discours d’ouverture de la cérémonie, Armand Donald Regan Houngué, Premier substitut du Procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) du Bénin, a mesuré l’importance du travail des journalistes d’investigation dans la lutte contre les crimes financiers et économiques. Il dit : «Chers participants, nous espérons que vous donnerez vie à cette espérance du Giaba. Cela, afin que nous ayons aussi nos John Lee Anderson, Ali Anzoula, Carmen Aristegui, figures et modèles emblématiques du journalisme d’investigation, pour cesser de voir sur la toile des écrits qui meublent avec amertume le vide du journalisme professionnel d’investigation.» Il ajoute : «Nous ne doutons point que cette formation favorisera une meilleure diffusion de l’information sur le dispositif du Lbc/Ft.»
Responsable principal par intérim, communication et plaidoyer du Giba, Timothy Melaye a prononcé le discours du directeur du Giaba, qui n’a pas «pu effectuer» le déplacement de Cotonou, a expliqué les raisons de cette formation : «Les médias demeurent un véritable vecteur de sensibilisation de la population. C’est pourquoi le Giaba a collaboré et noué des partenariats avec différents groupes de médias et des journalistes individuels pour sensibiliser le public aux conséquences négatives du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Par conséquent, la présente formation est un nouvel effort pour nouer et consolider d’autres partenariats avec les professionnels des médias de la région. Nous vous exhortons par conséquent à devenir les ambassadeurs de la Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Lbc/Ft).» Il enchaîne : «Depuis 2009, le Giaba mobilise les médias à travers des programmes de sensibilisation pour faciliter leur compréhension des enjeux de Lbc/Ft. L’un des résultats importants du programme est la mise en place d’un réseau régional de journalistes impliqués dans la couverture des crimes économiques et financiers. Le réseau est une plateforme d’échange et de diffusion d’informations sur le bien-fondé de la mise en œuvre de mesures fortes de Lbc/Ft par les Etats membres du Giaba. Par conséquent, le présent atelier vise à réunir un large éventail de médias de toute la région au sein d’un seul groupe afin d’identifier et de pister le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme à l’intérieur et à l’extérieur du pays, doter les journalistes des bons outils pour couvrir, rapporter et enquêter sur le blanchiment de capitaux et d’autres crimes financiers de la meilleure façon qui puisse aider à endiguer la marée dans la région, doter les journalistes des connaissances indispensables pour conscientiser les autres dans leurs organisations, régions, villes et villages respectifs.»
Aujourd’hui, l’implication des médias est essentielle dans la Lbc/Ft. Pourquoi ? «Il s’avère évident que la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne peut être efficace sans l’implication active des médias, qui ont la double capacité d’éduquer le public sur la menace du blanchiment de capitaux et d’enquêter directement et de traquer les personnes impliquées», rappelle M. Melaye dans son discours.
Mme Régina Bandé, gestionnaire de projets, coach de vie et d’entreprises et gestionnaire du Centre d’informations du Giaba basé à Abidjan, insiste sur l’importance de mener ce combat. «Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme sont de grands fléaux qui minent toutes nos sociétés. Cela ne concerne pas seulement nos quinze Etats membres. Les conséquences sont perceptibles à l’échelle internationale, à travers des pertes en économie, l’impact des déstabilisations et d’insécurité, etc. Nous sommes conscients aujourd’hui que la porosité des frontières reste un défi pour pouvoir lutter de manière efficace contre le Bc/Ft», note-t-elle.
Perspectives
Pour les journalistes, ce fut un moment de partage d’expériences et de mise à niveau qui va contribuer à affiner leurs compétences dans ce secteur, notamment dans une sous-région où les menaces sont à la fois complexes et prégnantes. «Les enseignements reçus vont me permettre de pouvoir mener avec professionnalisme mes investigations sur les crimes économiques», assure Mme Fatoumata Bouyguilé, journaliste à l’Office radiodiffusion télévision du Mali (Ortm). «J’ai retenu qu’il faut exiger l’identité de la personne à qui l’on vend un objet, surtout dans ce contexte de crise sécuritaire que nous connaissons. Car le journaliste qui mène l’enquête peut tomber dans le piège de l’argent. On nous a donné l’exemple d’un commerçant qui a vendu un véhicule à un client sans prendre la précaution d’identifier l’intéressé. Ce véhicule, acheté à des fins de terrorisme, a ensuite été utilisé dans une attaque kamikaze contre une institution des Nations unies», enchaine en écho Alhasqen Ba, journaliste à guinéenews.
Il faut savoir que lors de cet atelier régional, il y a 11 sessions intenses, animées par des experts du Giaba et d’autres secteurs, qui ont porté sur «comprendre le rôle, le mandat et la mission du Giaba comme initiative régionale, l’introduction aux normes internationales de Lbc/Ft, sur le cadre théorique du journalisme d’investigation, sur une Enquête sur un cas fictif de criminalité économique et financière, la compréhension des Rem, la situation de Lbc/Ft et le cadre d’évaluation nationale des risques des pays. Sans oublier l’éthique dans le journalisme d’investigation, l’utilisation des outils Tic dans le journalisme d’investigation et de la terminologie de Lbc/Ft dans la rédaction des rapports d’enquête, le traitement des sources dans le journalisme d’investigation et favoriser la coopération, le réseau régional des journalistes sur la Lbc/Ft».
Observations et recommandations : Les journalistes formulent leurs attentes
Lors de l’atelier de formation régionale sur le journalisme d’investigation organisé par le Giaba, les différents participants ont formulé des observations comme «l’importance de l’implication des journalistes dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est une nécessité dans la zone Cedeao, l’utilisation des Tics pour accéder aux informations provenant de sources obscures dans le cadre de la réalisation d’une enquête journalistique, la publication d’informations dans les rapports d’évaluation mutuelle ne suffit pas». Ils ont aussi estimé qu’il «faut une meilleure stratégie pour mettre en œuvre les recommandations du Giaba» et que la «lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme demeure une priorité pour les Etats, la Cedeao et les médias». Par conséquent, les participants ont également formulé quelques recommandations en demandant aux «autorités nationales de faciliter l’accès des médias aux sources d’information, d’intensifier le combat dans la Lbc/Ft».
Par ailleurs, les journalistes ont suggéré au Giaba de «poursuivre la capacitation des professionnels des médias dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le terrorisme, de nouer un partenariat avec les médias avec l’organisation des réunions avec des experts de la structure, de créer un réseau régional de journalistes sur la Lbc/Ft et mettre en place un Coordonnateur national dans chaque pays avec un réseau de journalistes comme point focal du Giaba». Sans oublier la nécessité de renforcer les relations avec les différents journalistes et de mettre en place un système de réseautage des journalistes, et surtout l’institutionnalisation d’un prix en journalisme d’investigation.
bsakho@lequotidien.sn