Durant le mois d’octobre 2020, comme pour capitaliser par anticipation sur le plan  Port Horizon 2023 initié et lancé par le Dg Cheikh Kanté, le port souscrit à un emprunt de 60 milliards pour financer –prétendument-  les infrastructures terrestres du Port de Ndayane. Entretemps, le management du Port a changé de cap au gré de directeurs généraux qui se succèdent, souvent de très fortes personnalités de l’ex-régime. Le Port de Ndayanne, une extension logistique du Pad,  reste quand à lui un immense éléphant blanc qui menace tout un écosystème parmi les plus fragiles, sur la Petite-Côte. Et malheureusement il continue de servir de prétexte à un endettement lourd et pesant de l’Etat via le Pad,  sans qu’aucune avancée sérieuse  ne soit notée dans sa mise en œuvre, alors  que les impactés et autres expro­priés  attendent toujours  de rentrer dans leur dû.

Le port est l’épine dorsale de  l’économie du Sénégal. Ce sont 40% de recettes budgétaires sur les 90% de recettes douanières, c’est presque un poumon. Malheureusement, sa compétitivité demeure problématique non pas à cause de facteurs géostratégiques  -tirant d’eau et terre-plein-, mais plutôt d’une gestion politicienne d’un outil économique et technologique essentiel. Tous les régimes ont instrumentalisé le Pad en y installant au top management un ponte politique pour bâtir ou fidéliser une base ou une clientèle politique. On est loin du Port vraiment autonome par définition.

Le Port génère beaucoup de cash et de la  trésorerie au quotidien, les régimes qui se sont succédé en ont fait  un fonds politique, au grand dam de l’économie du corridor et même de tout l’hinterland, à un moment où le Port de Conakry et même le Port de Nouakchott -les nouveaux clusters- grignotent nos parts de marché. Le Port d’Abidjan et, subsidiairement, San Pedro Port,  avec le contrat pour le lithium issu des mines du Mali et le coton, nous dépassent depuis : le rail y est plus fonctionnel et les installations techniques plus modernes.

Tous les ports sur le corridor atlantique sont en sursis, le Pad risque de perdre de sa position de choix avec le prochain port atlantique de Dakhla au Maroc. Ce prochain port sur l’Atlan­tique va complètement redessiner la carte de la desserte maritime, surtout la côte atlantique. Avec Tanger Med, le Maroc préempte presque 50% du commerce intra-africain en perspective de la Zlecaf… Notre politique d’infrastructures maritimes ici au Sénégal manque d’intelligence économique jusqu’à présent, et malheureusement le Port de Ndayane, extrêmement cher et coûteux, sur le plan environnemental, désastreux, est une vraie diversion. En effet, depuis plus de 30 ans,  le Port de Dakar n’a  été ni modernisé ni réadapté aux nouvelles routes maritimes, et l’accommodation aux super géants  du transport logistique avec les Panamax, malheureusement aussi  les transbordements effectués au port de Tanger Med pour l’Asie et Algésiras pour l’Europe, a relégué le Pad au statut d’acteur secon­daire dans la route Afrique-Chine… Une route majeure…  le Port Dakar 2000, du Dg Bara Sady, a été le premier flop… et nous en souffrons depuis.

Si le Pad perd en compétitivité et voit ses parts de marché diminuer, le Port du futur le sera d’autant, car Ndayane n’est qu’une extension du Port de Dakar, son seul avantage sera ses immenses terre-pleins, mais en l’état actuel de la technologie à flux tendus, on n’a plus besoin d’immenses espaces de magasinage, de fret, de transit  ou de stockage. Je crains fort que le dragage intensif  pour le tirant d’eau ne comporte que risques pour les berges et plages de la côte atlantique… Le tourisme pourrait en être affecté.

Dakar doit absolument auditer et diagnostiquer toutes les concessions : Bolloré puis Msc,  Dpw et Sea Invest, le roulier, le céréalier, le stockage d’hydrocarbures, nos manutentionnaires, etc. Le Port de Dakar est tellement nébuleux qu’aucun régime n’a osé remettre à plat cette tour de Babel. Tous les lobbys économiques depuis les indépendances sont concentrés autour du Pad. La Cciad en tête ; une moralisation des relations port-Cciad serait presque une révolution dans notre pays.

L’écosystème très fragile sur la Petite-Côte ne permet même  pas d’envisager  le Port de Ndayane qui n’est que le caprice d’un émir -Rachid Al Maktoum-, loin d’une rationalité économique et financière, surtout dans le contexte de surendettement du Sénégal,  et d’exploitation en haute mer  du pétrole de Sangomar, c’est l’écosystème maritime et fluvial sur le flanc centre-ouest qui est systématiquement menacé, déjà en proie à une avancée agressive de la mer sur la Petite-Côte et la salinisation accélérée des sols dans la région centre. Le Port de Ndayane est un désastre écologique, environnemental et même social qui n’aurait jamais pu être validé au terme d’une étude d’impact environnemental et social rigoureuse. Cette menace s’accentue avec le Port minéralier Bargny Sendou. Deux ouvrages qui n’ont pas leur raison d’être dans un pays affecté par les changements climatiques et une urbanisation non maîtrisée le long du littoral.

Le Projet porté par le nouveau régime n’a-t-il pas mieux que ces deux éléphants blancs du Pse ? Nous attendons impatiemment la déclinaison de ce nouveau référentiel des politiques économiques, en attendant notre seule consolation, hier au terme du Conseil présidentiel sur l’économie maritime, aura été la revitalisation des ports secondaires pour relancer l’activité économique et commerciale à l’intérieur du pays et les décisions sur  le rail, au moins le Premier ministre est resté pragmatique.

Hier -Conseil interministériel sur les infrastructures maritimes-,  la première mesure aurait été de mettre en place une commission de requalification environnementale de tout le projet Port de Ndayane et Sendou-Bargny, et ensuite  permettre à un cabinet indépendant d’auditer toutes les ressources publiques englouties dans le Port de Ndayane, afin d’endiguer ce gouffre à milliards. Les cabinets techniques à la Primature, au ministère de l’Economie maritime et même le ministère des Finances et du budget n’ont pas donné les meilleures options stratégiques et techniques  au Pm. L’enjeu sur le corridor et l’hinterland pourrait même constituer l’objet d’un conseil présidentiel pour peu qu’une Due diligence sérieuse et exhaustive soit effectuée en amont du conseil d’hier, tant les enjeux et implications vont au-delà de notre pays et notre sous-région, c’est notre connexion, voire notre interconnexion au commerce international -vecteur de richesse pour les économies- qui en est la finalité.
Moustapha DIAKHATE
Expert et consultant Infrastructures