J’ai suivi avec une distance certaine cette polémique cyclique qui, tel un épouvantail automatisé, se réveille de son sommeil et s’ébouriffe, ressuscitant l’envol des passions, le choc des identités, et alimentant l’expression des ressentis refoulés pour installer et cimenter à long terme un clivage social sur la base d’identités exogènes qui ont fini d’envahir nos psychés originelles fondatrices. Que nous arrive-t-il ? Nous avons remisé notre identité propre en sommeil comateux et, arc-boutés sur les béquilles vacillantes de modèles sociétaux étrangers, ennemis mutuels historiques, toutes à conceptions impérialiste et exclusiviste de la vérité… nous voguons, bercés de versets et paraboles religieux à qui mieux mieux… d’un Dieu oublieux de rétablir sa vérité, au milieu de ce capharnaüm de paroles et écrits de tous bords qui lui sont prêtés… se recoupant et se contredisant à souhait… chacun tirant la couverture de son côté, prêchant pour sa paroisse ou sa mosquée, nous écharpant à la borne fontaine, dans cette approche impérialiste et exclusiviste importée de la vérité. Pourrons-nous demain boire ensemble à cette fontaine en acceptant que pour chacun, cette eau ait une saveur différente ? Que Dieu ait une saveur et un vécu différents et, valables pour chaque humain ? C’est le sens réel de la laïcité dans notre pays qui n’est en aucun cas absence de culte ou de Divin dans la sphère républicaine. Le plus désolant dans ce crêpage de soutanes et de turbans est que nous perdons de vue deux aspects qui me semblent être de loin bien plus prégnants que le bout de tissu sur la tête de la petite innocente écolière. Premièrement, des forces extérieures travaillent depuis longtemps à trouver un point d’achoppement à la cohésion sociale de ce pays. Nous leur servons sur un plateau un point d’inflexion sur lequel elles peuvent exercer, au moment voulu, le degré de pression nécessaire pour infliger des dommages critiques ou décisifs à la structure. Nous sommes un point d’intérêt particulier, dans le contexte géopolitique actuel, avec les besoins en gaz de nos voisins du Nord dont on ne connaît que trop bien les capacités de nuisance et le besoin vital de nous maintenir dans un certain degré de dénuement et d’asservissement. Si vous ajoutez à l’équation les engagements de renégociation des contrats pétroliers du pouvoir en place, un régime sortant plein aux as qui cherche les moyens d’exister et, ne parlons même pas des risques liés à la nature des instabilités frontalières…, vous comprenez que le momentum est loin de cette polémique… Cependant, aux antipodes de toute logique de survie, misons qu’à la rentrée prochaine, cette altérité qui s’exacerbe trouve de malheureux acteurs pour la réincarner et livrer ses fâcheux effets à plus ou moins long terme. Deuxièmement, dès qu’il y a une petite discorde, nous oublions souvent que : Africains d’abord, et musulmans ou chrétiens, nous avons beaucoup plus en commun que nos différences. Je m’attarderai juste sur l’importance que tous nous accordons à la famille : un père, une mère, des enfants, et la famille au sens large qui, tel un liant, cimente notre matrice sociale. Cette vision partagée est, nous le savons tous, fortement et, de manière systémique, combattue par l’approche genre occidentale qui n’avance plus masquée. Vous avez sûrement vu cette vidéo de Macron, le compagnon de Brigitte, qui, dans une salle de classe, disait à des écoliers, qu’il y a plusieurs types de familles et qu’il est possible d’avoir des parents de même sexe… La réaction interloquée de la petite Africaine dans la salle a fait le tour des réseaux sociaux. C’est ce projet qui, aujourd’hui, est en face de nos systèmes éducatifs et va tout faire pour les assimiler et détruire le socle familial de toutes les manières possibles. Pourquoi j’en parle ? Nous avons dans notre pays des écoles françaises, américaines et autres qui enseignent ce genre d’idéologie à des enfants sénégalais, fils de nantis qui poursuivront sûrement leurs études à l’extérieur dans de grandes universités et reviendrons dans des positions de leadership pour reproduire, en bons ambassadeurs, ce qu’ils ont appris… Si je ne m’abuse, c’est le gouvernement turc qui vient ce mois d’août d’interdire à tous les citoyens turcs de s’inscrire dans ce type d’école dans leur pays. Ils peuvent former leurs concitoyens suivant leur corpus éducatif mais, pour les nôtres, nous devons en assumer l’entière responsabilité pour une bonne cohésion sociale. C’est là, à mon sens, un danger bien plus grand que de savoir si l’écolière dans une école ouvertement catholique a le droit d’y porter le voile islamique. Notre gouvernement devrait prendre la décision courageuse d’interdire toute nouvelle inscription de Sénégalais dans ces établissements prônant une éducation et des contre-valeurs à 180 degrés à l’opposé des valeurs qui régissent notre société. Au-delà de toutes les thèses narratives entendues sur le sujet, se présentant en fait comme des tautologies de différenciation identitaire et l’extrémisme d’une eschatologie exclusiviste, un même éculé qui a valu à bien des pays de sombrer dans les pires abimes…, ma rationalité est triturée par ces parents qui utilisent de petites écolières, les exposent et leur font porter un combat qui pourrait leur laisser bien des traumas. Je suis d’accord et encourage tout Homme à mener ses combats, et suis prêt à l’y rejoindre si nos visions se recoupent, mais utiliser une petite fille comme bélier pour enfoncer les gongs d’organisations religieuses à l’opposé de ses propres obédiences n’en fera jamais partie. L’excellence supposée d’une institution éducative s’anéantit au niveau individuel si ses orientations s’opposent aux valeurs fondatrices que vous cherchez à transmettre à votre progéniture et qui plus est, si cette dernière n’y trouve répit. L’offre éducative de valeur est réelle et diversifiée dans ce pays… aidons nos enfants et menons nos combats autrement en adultes responsables. Chaque épisode d’éveil de ce malheureux épouvantail façonne et revigore une opposition dialectique dans laquelle les extrémismes totalisants, antithèses mutuelles, se donnent à cœur joie pour un récit gagnant et fourbissent leurs armes revanchardes pour la prochaine éruption, se sentant défiés et décidés à faire plier l’autre. L’émotivité, qui est le ressort principal de cette querelle, devrait faire face à la raison que les autorités de ce pays se doivent de servir à toutes les parties en se tenant loin de cette altérité hors sol. Nous avons des combats bien plus judicieux et pressants auxquels les nouvelles autorités ont appelé cette Nation, et cette jeunesse a répondu de la manière que nous savons… Mobiliser les énergies vers cette nouvelle matrice prometteuse doit être un engagement qui ne souffre pas de succomber au caractère éblouissant du ralliement à la possession du récit gagnant d’un sentiment religieux.
Guy Aris NDOUYE
gandouye@yahoo.fr
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