Les 27 magistrats qui composent le Pool judiciaire financier ont été installés hier. Cette juridiction, qui supplante la Crei décriée à son époque à cause de ses procédures, est un nouvel instrument judiciaire pour lutter contre les crimes économiques et financiers.

 

Par Justin GOMIS – C’est fait : les magistrats du Pool judiciaire financier ont été installés hier. Pour lutter contre les actes de prévarication en vue d’asseoir une gouvernance basée sur l’éthique, l’Etat du Sénégal a renforcé son pourvoir judiciaire en mettant en place cet instrument judiciaire. «Cette juridiction spécialisée hérite des dispositions pertinentes de la loi relative à la Crei, prend en compte les critiques formulées contre celle-ci et intègre les engagements internationaux de notre pays en matière de lutte contre les pires formes de criminalité transnationale organisée», a expliqué le ministre de la Justice.

Situation économique : L’inquiétude du Fmi

Le Pool judiciaire financier «allie les besoins d’efficacité dans la répression et l’efficience dans la gestion des ressources humaines», poursuit Ousmane Diagne. «Il ne se limite pas seulement à remplacer la Crei, mais se veut plus innovant et conforme aux exigences du moment. La mise en place du Pool judiciaire financier est une réponse aux nombreux défis posés par l’exigence citoyenne de redevabilité, la mondialisation de l’économie, les flux rapides de capitaux, le développement des technologies de l’information et de la communication, ainsi que les multiples réseaux criminels qui ne connaissent pas de frontières et ne sauraient donc être démantelés que par des mécanismes judiciaires adaptés», note le Garde des sceaux.

Remboursement de la dette : Les comptes flambent

Composé de 27 magistrats, le Pool judiciaire financier a un domaine de compétence plus élargi que la Crei. «Le Pool prend en compte d’autres incriminations telles que la corruption et pratiques assimilées, les détournements, escroqueries et soustractions de deniers publics, le faux-monnayage, les infractions fiscales et douanières, le trafic de stupéfiants, les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication, les infractions liées à la règlementation des marchés publics, la piraterie maritime, le financement du terrorisme, le trafic de migrants, les infractions liées à la règlementation bancaire», détaille l’ancien procureur de la République. Il précise que «pour certaines de ces infractions, il partage la compétence avec les juridictions de droit commun, et pour d’autres, il l’exerce de manière exclusive».

D’après le ministre Ousmane Diagne, «des mécanismes sont aménagés pour prévenir ou résoudre les éventuels conflits de compétence». Estimant que cette nouvelle formation judiciaire aidera à lutter «efficacement contre les détournements de deniers publics», le ministre de la Justice demande aux 27 magistrats qui forment le Pool financier de se donner pour l’atteinte de ces objectifs. «Je vous exhorte à donner le meilleur de vous-mêmes pour l’atteinte des objectifs assignés à cette juridiction. L’Etat, de son côté, ne ménagera aucun effort pour vous mettre dans les conditions optimales de performance et d’épanouissement professionnels. Les moyens appropriés seront déployés, au besoin, en rapport avec les partenaires au développement que je voudrais remercier au passage», enchaîne M. Diagne.

En écho, Abdoulaye Ba, qui trouve aussi que le Pool financier est un pouvoir puissant, invite à son tour les magistrats au respect de la loi. «Ils savent ce qu’ils doivent faire, car ils n’ont jamais cessé de le faire. Je leur demande d’appliquer la loi, rien que la loi», demande le Premier président de la Cour d’appel de Dakar. Selon lui, «l’Exécutif a déjà joué sa partition en votant la loi pour la mise en place de ce Pool judiciaire financier».

Inflation – Politique monétaire : La Bceao maintient ses taux

Pour Me Aly Fall, Bâtonnier élu de l’Ordre des avocats du Sénégal, l’installation de ce pool est une avancée. «C’est une bonne chose, parce que vous l’’avez constat sur ces infractions, c’est l’Etat qui est partie civile. Ces infractions peuvent vraiment faire mal à une économie parce qu’elles peuvent saper les fondements du développement. Et même les questions de sécurité se posent parce que ces juridictions poursuivent aussi les financements relatifs au terrorisme. Même les questions de sécurité nationale se posent. C’est une bonne chose que ce soient des magistrats exclusivement dédiés à la poursuite de ces infractions. C’est une bonne chose, même si le Barreau, en tant qu’acteur, veillera à ce que cette loi soit appliquée de façon efficace par les juges spécialisés», a-t-il promis. Il poursuit : «Le Barreau assurera son rôle de veille pour les mis en cause. Un procès équitable, c’est quelque chose d’important pour que la décision qui en soit rendue soit équitable.»

En tout cas, le ministre de la Justice reste très optimiste quant à la réussite de cette juridiction. «Je sais que l’espoir placé en cette nouvelle juridiction est immense et les attentes multiples, mais je demeure convaincu qu’avec l’implication de tous, dans la quête d’une gouvernance économique et financière irréprochable, ainsi qu’une collaboration permanente des différentes institutions de lutte contre les nouvelles formes de criminalité, les résultats seront au rendez-vous», expose Ousmane Diagne. In fine, il a demandé aux magistrats «de se servir des principes d’indépendance et d’intégrité auxquels ils sont profondément attachés comme viatique dans l’accomplissement de leur mission».
justin@lequotidien.sn