Port du voile dans les écoles : Le laïcat corrige le Pm

Se sentant visé par les propos du Premier ministre sur l’interdiction du voile dans des écoles dites «étrangères», le Conseil national du laïcat (Cnl) a tenu à rétablir la vérité. Dans un document, cette organisation de l’Eglise catholique a dénoncé cet acharnement de Ousmane Sonko «à stigmatiser l’Enseignement privé catholique».Par Dieynaba KANE –
Va-t-on vers une rentrée des clashes ? La sortie du Premier ministre lors de la réunion interministérielle sur la rentrée tenue jeudi dernier concernant le règlement intérieur de certaines écoles privées, qu’il considère comme étant «étrangères», n’a pas plu au Conseil national du laïcat (Cnl). Cette organisation, qui relève de l’Eglise catholique, a regretté, dans un document publié ce samedi, «la persistance dans l’erreur du chef du gouvernement à considérer les écoles privées catholiques comme des «écoles étrangères»». Dans le document signé par Dr Philippe Abraham Birane Tine, il est dénoncé «cet acharnement à stigmatiser l’Enseignement privé catholique». D’après Dr Tine, c’est «étranger aux valeurs culturelles qui cimentent et sédimentent l’exception sénégalaise faite de pluralités vivant en harmonie». S’adressant à Ousmane Sonko, le Conseil national du laïcat l’invite en tant que «chef du gouvernement à faire montre de plus de respect et de considération à l’endroit de l’Enseignement privé catholique basé sur les valeurs évangéliques». Pour les responsables de cette structure, «les menaces sont inopérantes». Et de prévenir : «L’Eglise ne connaît pas la peur. Elle marche dans la Vérité, la Justice et la Paix. L’Eglise est républicaine et, en matière d’éducation et de formation, elle fonde son action sur la Constitution. Son engagement à cet égard ne saurait être flétri par un arrêté.» Poursuivant leurs propos, ils ajoutent que «face aux graves défis multiples et urgents de l’heure, le Cnl engage le gouvernement à ne désormais conjuguer de verbe que celui de l’action pour le bien-être des populations sénégalaises dont il tient le mandat».
«Les menaces sont inopérantes»
Par ailleurs, le Cnl a invité «tous les fidèles chrétiens, tous les frères et sœurs de toutes confessions religieuses et tous les citoyens épris de justice et de paix, à demeurer vigilants face à ces signaux alarmants qui tendent, à s’y méprendre, à ostraciser la communauté catholique et, partant, à fragiliser la cohésion sociale». Et le Dr Tine d’ajouter dans son document : «Les chrétiens du Sénégal ne sauraient être considérés comme des citoyens de seconde zone.» Dans la même note, il est rappelé que «l’Enseignement privé catholique demeure ancré dans les principes fondamentaux édictés par la Constitution de l’Etat laïc du Sénégal qui, en son article 8, consacre respectivement le droit à l’éducation et le droit de savoir lire et écrire à chaque citoyen sénégalais». Dès lors, le Cnl demande à «tous les établissements privés catholiques du Sénégal, établissements au demeurant tous sénégalais et placés sous la responsabilité des autorités diocésaines que sont les Evêques du Sénégal, à demeurer fermes dans la promotion des valeurs chrétiennes qui fondent leur projet éducatif, dans le respect des principes constitutionnels d’égalité, de liberté, de respect mutuel, au total du vivre-ensemble». Pour le Cnl, «des Sénégalais de toutes conditions et de toutes obédiences font confiance à l’Enseignement privé catholique». Et d’avertir : «Rien ni personne ne doit le détourner de l’essentiel : la formation de l’Homme et de tout l’homme dans l’amour et la charité, sans aucune discrimination.»
Pour rappel, lors de la réunion interministérielle organisée en prélude à la rentrée scolaire, le Premier ministre avait relancé le débat sur l’interdiction du voile dans certaines écoles. A ce propos, Ousmane Sonko a déclaré que «nous sommes dans un pays où l’Etat a malheureusement fait montre de beaucoup de faiblesse et chacun réglemente à sa façon. Dans d’autres pays, quand il est dicté que tel port vestimentaire n’est pas autorisé, tout le monde s’y conforme. En République, ça marche comme ça». D’ailleurs, parmi les décisions prises lors de cette réunion, il y a celle qui fait explicitement allusion à la question du voile. «Afin d’assurer les conditions d’une éducation inclusive, garantissant le libre accès de tous les enfants à l’école, sans distinction aucune, notamment portant sur le port vestimentaire, le ministre de l’Education nationale devra soumettre, au plus tard le 27 septembre 2024, un arrêté invitant les établissements scolaires à conformer leurs règlements intérieurs aux dispositions de la Constitution», a exigé le Pm. En donnant cette instruction, M. Sonko a ajouté que cet arrêté «réglera définitivement cette question de sorte qu’aucun élève ne puisse être discriminé sur cette base». Il a même précisé qu’il «s’appliquera à toutes les écoles, y compris celles dites étrangères». «Elles sont en terre sénégalaise et il n’y a que les représentations diplomatiques qui sont considérées comme territoires étrangers. Elles appliqueront ce que le Sénégal aura décidé», a-t-il fulminé.
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