1000 F Cfa au lieu de 700 Cfa la tonne de marchandises déchargées et des horaires de travail plus humains sont les revendications des manutentionnaires du port. Qui bloquent le fonctionnement de ce site économique depuis samedi dernier. 

 

Par Malick GAYE – «Arrêtez de me malmener. Je suis un être humain comme vous. On ne traite pas un humain de la sorte.» Xavier (un pseudo) aurait certainement préféré braver les rayons du soleil plutôt que d’affronter une foule composée essentiellement de jeunes musclés à la fleur de l’âge. «Tu es un défaillant. Comment peux-tu filer en douce et compromettre notre grève ? C’est à cause de gens comme toi qu’on ne peut rien réussir. Tu ne mérites pas notre estime», rétorque un jeune qui, visiblement, n’avait qu’une envie : en découdre avec lui. Ce dernier, Malien de nationalité, a été surpris en train de charger du riz sur un camion alors qu’il y a un mot d’ordre de grève depuis samedi, de l’Association des manœuvres du port. Qui exige la relève du prix de la tonne transbordée, de 700 à 1000 Cfa, une amélioration de leurs conditions de travail et la suppression du chef d’équipe qui est recruté par le Gie qui a gagné le marché, mais qui est payé par les manœuvres. N’eût été l’intervention du président de l’Association des manœuvres, Xavier aurait passé un sale quart d’heure. «Nous sommes contre la violence», s’exclame Lamine Sylla.

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Le  Secrétaire général adjoint de l’Association des manœuvres du port poursuit : «Nous avons saisi les manutentionnaires et les Gie pour échanger sur notre situation. Vous savez que nous sommes payés 700 Cfa la tonne de marchandises. Et cette somme doit être partagée entre 9 personnes. C’est-à-dire les 8 qui font le travail et le chef de l’équipe qui est recruté par le Gie qui a gagné le marché, et qui ne travaille pas. En plus de l’insécurité qui augmente les risques dans notre travail. Nous travaillons 24 heures d’affilée», a expliqué Lamine Sylla devant la porte du Môle 1. Il indique que l’association a saisi, par lettre, deux fois de suite, les autorités pour éviter une paralysie du port. Ses interlocuteurs sont restés aphones.

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C’est pourquoi ils ont décidé d’enclencher un mouvement d’humeur, illimité dans le temps. «On les écoute. S’il n’y a pas de solution, on va user de tous les moyens légaux pour obtenir gain de cause. On fait 80% du travail dans le port. Si les armateurs sont au courant de notre mot d’ordre, ils vont accoster aux ports concurrents et tout le monde va y perdre», a ajouté Lamine Sylla. Faut-il le préciser, les manœuvres du port complètent le travail des dockers. Ces derniers déchargent les bateaux de leurs cargaisons et les manœuvres chargent et déchargent les camions qui distribuent les produits à l’intérieur du pays. Si une solution n’est pas trouvée, les conséquences de cette grève pourraient impacter négativement le panier de la ménagère. En effet, si les magasins ne sont plus approvisionnés correctement par exemple en riz et en sucre, le consommateur n’est plus à l’abri d’une fluctuation des prix. «Il y a des gens qui ont fait ici 30 ans. A leur retraite, nous avons cotisé pour leur payer le transport. Nous ne voulons plus de ça. Nous avons une famille. Si rien n’est fait, nous allons vivre la même situation», a déclaré Lamine Sylla. Qui n’exclut «rien pour obtenir gain de cause».

Par ailleurs, un tour aux môles 1, 2 et 3 fait constater l’ampleur de la grève. En effet, des camions vides sont garés à l’intérieur du port. L’éternel va-et-vient qui caractérisait les lieux à cédé la place à un silence inhabituel. Pendant ce temps, les manœuvres bloquent la porte du Môle 2 comme des «guetteurs». C’est en 2022 que le prix de la tonne de marchandises déchargées est passé de 500 à 700 Cfa. Les anciens tarifs étaient en vigueur depuis 1984. «Nous sommes des Sénégalais. Tous les produits ont connu une hausse. Et nous avons des familles à nourrir. Avec ce que nous gagnons, nous ne parvenons plus à joindre les deux bouts, en plus de la charge de travail qui est très pénible. Nous ne sommes pas violents et savons que la grève n’arrange personne, nous y compris. Mais nous n’avons pas le choix. Nous voulons cette augmentation pour vivre correctement», a conclu Lamine Sylla. Qui promet que ses camarades et lui pourraient passer à la vitesse supérieure si rien n’est fait.

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Les effets du blocage du Port de Dakar se font déjà sentir parmi les acteurs. Plusieurs opérateurs ont commencé à se plaindre de voir leurs marchandises bloquées au sein du port. Certains, qui ont importé des milliers de tonnes de riz, ne peuvent les faire débarquer. L’une de ces personnes a contacté Le Quotidien pour se plaindre de ce qu’il allait devoir payer des surestaries du fait que le bateau qu’il avait affrété n’avait toujours pas commencé à décharger, après plus d’une dizaine de jours d’attente au port. Le manque à gagner est déjà important pour plusieurs des acteurs du port.
mgaye@lequotidien.sn