En choisissant d’investir dans la sphère des médias, un secteur passionnant mais difficile, vous avez de fait accepté d’en partager l’aura avec vos compatriotes. En homme d’affaires audacieux, vous avez pris des risques financiers, pour démultiplier vos entreprises et asseoir ainsi votre réussite dans les médias et la finance. En atteste la progression de vos entreprises (radio Zik Fm, SenTv, le quotidien La Tribune, l’agence de communication Dak’Cor, les guichets de paiement électronique…) avec des fortunes diverses pour certaines d’entre elles. En somme, vous avez mis en place un holding qui vous distingue comme un bon entrepreneur. Vous avez remarquablement contribué à la création d’emplois, offrant ainsi une sécurité sociale à vos compatriotes, les jeunes en particulier.
Vous avez du mérite car vous auriez pu, comme d’autres hommes d’affaires égoïstes, vous complaire à la facilité de la promotion immobilière et vivre comme un rentier peinard. Votre mérite est d’autant plus accentué que vous avez mis vos moyens audiovisuels au service de la démocratie. Et pour élever leur capacité, vous avez fait confiance aux professionnels qui avaient énormément besoin d’avoir un cadre d’épanouissement, aussitôt après l’obtention de leurs diplômes. C’est un autre risque que vous n’avez pas hésité à prendre, afin de donner du tonus au débat démocratique. L’organisation de débats sur les plateaux de SenTv est un facteur d’approfondissement du champ démocratique au Sénégal. Cepen­dant, mon frère Bougane, vous devez, en toute honnêteté, admettre qu’aujourd’hui, on est loin du temps où la SenTv se disputait l’audimat avec des chaînes de télévision comme Walf Tv et Tfm, à travers certaines de ses émissions comme Ndoum­bélane, Essentiel, «90 chrono», pour ne citer que celles-ci.
En effet, le constat est fait, à raison ou à tort, que depuis la manifestation de votre divergence de vues avec Ousmane Sonko sur la marche du pays, vous avez fait perdre à votre groupe de presse son audience qui allait crescendo. C’est sans doute votre droit absolu d’être en désaccord avec vos compatriotes dans le champ politique, mais l’entrepreneur que vous êtes pouvait bel et bien agir avec plus de tact, pour ne pas entraîner ses structures médiatiques dans un baroud très préjudiciable. Il est du reste triste de constater que certains de vos collaborateurs, perdus par le succès qu’ils estiment avoir obtenu, en qualité de chroniqueurs, se croyant devoir vous soutenir dans «votre combat», ont fini par y installer une pensée unique au détriment de la pluralité d’opinions qui fait le charme d’un média public. Cette hérésie a fini de casser les plateaux télévisés sur lesquels des acteurs politiques, de bonne facture, contribuaient à l’enrichissement du débat démocratique. Hélas, quel gâchis ! Ce revirement spectaculaire, source d’incohérences, a rebuté nombre de Sénégalais qui, en définitive, ont zappé la SenTv. Cette désaffection a été exacerbée par le départ de nombreux journalistes et animateurs talentueux dont la présence à l’antenne était captivante. On peut en citer certains dont feu Momar Seyni Ndiaye, Momar Diongue, Serigne Saliou Guèye, le professeur Sanoussy, etc. Pour combler le vide, vous avez recruté des successeurs qui, se prévalant parfois d’une compétence qu’on ne leur connaît pas, loin de répondre à leur profil, soulent tous les soirs les téléspectateurs de commentaires et d’analyses aussi farfelus les uns que les autres.
Mon frère Bougane, sachez que les téléspectateurs de SenTv sont devenus nostalgiques du passé où ils naviguaient entre la SenTv et les chaînes précitées. Ils sont nostalgiques des vendredis où Ndoumbelane rivalisait d’audimat avec Penco de Walf Tv et Jakarloo de Tfm. Une entreprise, une fois créée, «n’appartient» plus à son géniteur, mais plutôt aux bénéficiaires de ses services, à plus forte raison quand celle-ci est investie d’une mission de service public. Sous ce rapport, nous vous disons mon frère : rendez-nous «notre télévision» !
Mamadou FAYE
Hamo Grand-Yoff
Militant de la démocratie et adepte de la télévision SenTv