C’était la présentation qu’il ne fallait surtout pas rater lors de la cérémonie de lancement du Réseau des entreprises pour l’égalité des chances. Dr Mamadou Senghor, qui a passé plus de 20 ans dans l’enseignement, a rangé les craies pour proposer des solutions au monde de l’entreprise. Avec la plateforme Owari dont il est le cofondateur, il propose aux étudiants la pratique de manière virtuelle et aux porteurs de projet de s’assurer de la fiabilité de leur idée en la testant sur 5 ans. Dans cet entretien, il revient sur le concept «business games», qui a fini de faire ses preuves dans le monde. Pouvez-vous nous expliquer votre travail ?

Owari Game est une startup spécialisée dans la fourniture de solutions pour l’enseignement supérieur et le monde entreprenarial. Nous développons des simulations de création et de développement d’entreprises. Nous sommes là pour tous ceux qui souhaitent simuler une idée de projet. La plateforme vous accompagne dans l’idée de projet jusqu’à 5 années d’exercice, en ayant en ligne de mire les fondements qui permettent de réussir, mais surtout de voir quels sont les écueils potentiels, financiers, culturels, logistiques, qui peuvent s’opposer à la réussite du projet.

On entend souvent le terme «business games». Peut-on savoir c’est quoi au juste ? 
Les «business games» sont très développés en Europe, dans les grandes écoles. Ce sont des simulateurs de gestion d’entreprise. Les étudiants apprennent les fondamentaux de la gestion. Ils peuvent apprendre le marketing, la comptabilité et la finance de manière séparée, mais tant qu’ils ne sont pas en entreprise, ils ne savent pas comment ces disciplines s’interconnectent. Quand on leur fait une simulation, ils arrivent à savoir comment le marketing impacte l’aspect financier, comment la dimension socioculturelle peut impacter le marketing, comment les aspects administratifs sont importants pour gérer les aspects réglementaires. Ça permet d’avoir une vision holistique de l’entreprise et de savoir comment ces disciplines doivent être prises en compte de manière systémique.

Mais quelle est l’importance d’avoir des «business games» créés par les Africains et pour les Africains ? 
Au Sénégal, on a 300 mille personnes dans l’enseignement supérieur. Les entreprises ont la capacité d’absorber moins de 15 mille personnes par année. Nous avons 285 mille étudiants qui ne font jamais de stage par année. On ignore la date à laquelle l’économie du pays sera en mesure d’absorber ces étudiants. Il faut des solutions. Et le digital est là pour apporter des alternatives. Notre simulateur permet de virtualiser l’entreprise et offrir à ceux qui ne peuvent pas aller en entreprise la possibilité de pratiquer. Nous ne nous arrêtons pas aux étudiants. On le propose aux structures d’appui à l’entreprenariat. On avance avec le ministère de l’Agriculture pour accompagner toutes les coopératives en éducation financière. Qui vont pouvoir tester leurs idées de projet jusqu’à au moins 5 années d’exercice. Ils vont identifier eux-mêmes les difficultés et les opportunités. Au final, elles vont obtenir un business plan solide et fiable qui va leur permettre de lever des fonds.

Quelle est la plus-value que vous allez apporter dans la mesure où on exporte très souvent les pratiques occidentales qui ne collent pas forcément avec nos réalités ? 
Les «business games» occidentaux qu’on déploie ici ont été conceptualisés sur la base de la société occidentale avec des indicateurs économiques occidentaux, notamment le pouvoir d’achat, le mode de consommation, etc. Il ne faut pas oublier que le pouvoir d’achat du consommateur européen n’est pas celui de l’Africain. Les tendances de consommation ne sont pas les mêmes. Les variables socioculturelles ne sont pas les mêmes. Au Sénégal, on a 70% des acteurs qui sont dans l’informel. Quand on applique les «business games» qui viennent d’Europe au Sénégal, l’étudiant est complètement perdu, car l’environnement dans lequel il simule son business game est fondamentalement différent de celui qu’il connaît. Ce qui fait que nous avons développé une plateforme qui colle avec les réalités de nos sociétés africaines. Ainsi, ils vont travailler dans un environnement qu’ils connaissent, avec des données plus actualisées.

La plateforme est-elle strictement réservée au Sénégal ? 
Non. On l’a fait pour toute l’Afrique. On a un partenariat avec Djibouti, le Congo. On est en discussion avec la Côte d’Ivoire. Notre objectif est d’être la plateforme pour toute l’Afrique. Cette année, on prévoit de faire 70 mille licences. L’année prochaine, on prévoit d’en faire 500 mille.

Comment s’inscrire sur la plateforme ? 
On peut le faire quand on est une école, une structure d’appui à l’entreprenariat. Pour les particuliers, on les regroupe pour le déroulement.

Propos recueillis par Malick GAYE – mgaye@lequotidien.sn