Stratégie de diffusion de «Demba» : Une distribution centrée sur le consommateur local

«Demba», le deuxième long métrage du réalisateur Mamadou Dia, sera au Cinéma Pathé du 6 au 21 décembre. Pour faire découvrir le film, WawKumba Film, piloté par Oumou Diégane Niang, et Héritage for Africa de Aïssatou Ndèye Aïda Diop ont mis en place, avec Joyedidi, la maison de production, un modèle de distribution innovant.Par Mame Woury THIOUBOU –
Le pari est audacieux, mais il traduit tout l’engagement des producteurs du film Demba. Avec la société de distribution WawKumba Film, pilotée par Oumou Diégane Niang, et Héritage for Africa de Aïssatou Ndèye Aïda Diop qui évolue dans la communication, ils ont fait le pari d’aller à la rencontre du public sénégalais. Ecran gonflable, baffles et matériel de promotion, voilà ce que l’équipe du film trimballe d’une région à une autre pour faire adhérer le public sénégalais. Une projection à Matam, là où le film a été tourné, comme première étape. Ensuite, une sortie en salle du 6 au 21 décembre. Un modèle de distribution construit de bout en bout par les producteurs et distributeurs du film. «Avec Baamum Nafi, on avait testé des modèles. On a vu ce qui a marché et ce qui n’a pas marché. Et pour Demba, on a voulu prendre le temps et miser beaucoup sur la communication», explique Oumou Diégane Niang. Cette stratégie repose sur plusieurs actions combinées : «On va rendre hommage à tous les métiers du cinéma. Ici, tout le monde veut être réalisateur, et les autres métiers du cinéma ne sont pas mis en valeur. Donc pour Demba, on s’est dit pourquoi ne pas essayer de mettre en valeur toute la chaîne de production.» L’objectif d’attirer le public dans les salles est au cœur de cette fine manœuvre. «On veut consacrer des séances spéciales à chaque corps de métier, que ce soit le réalisateur, l’assistant-réalisateur, le régisseur… Aucun métier ne sera laissé en rade», promet Oumou Diégane Niang, qui a fait ses premières armes dans la distribution avec le premier long métrage de Mamadou Dia, Baamum Nafi. «On est venus à Matam, on a testé quelque chose, on est rentrés, on a mis le film en salle, mais on a vu qu’il y avait des manquements. Ensuite, il y a eu Le mouton de Sada de Pape Bounama Lopy, il y a eu d’autres films qu’on nous a confiés, et on a vu là où ça a marché, là où on pouvait mieux faire. Et on s’est dit que ce qui bloque, c’est qu’on n’a pas de consommateurs locaux», renseigne Oumou Diégane Niang. Ces consommateurs locaux, WawKumba a fait le pari d’aller les chercher et de les amener dans les salles de cinéma. Pour ce faire, l’équipe va tirer une autre ficelle, celle de la mobilisation des professionnels du cinéma, des associations et des organisations actives dans le soutien aux personnes en vulnérabilité. Une façon de joindre l’utile à l’agréable puisqu’après chaque séance, les discussions porteront également sur la dépression, le deuil et tous ces moments délicats que doivent gérer les hommes, à un moment ou à un autre de leur vie. «La dernière fois, on avait fait un contrat avec le Complexe Sembène Ousmane. Mais on n’a pas pu voir comment ça allait se dérouler parce que c’était en début mars 2020. Et à peine une semaine après, le Covid est arrivé. Cette fois-ci, on a fait un contrat avec Pathé et on a une superbe agence de communication, Héritage for Africa. On est en train de pousser au maximum pour voir quel sera le résultat», explique Maba Ba. Le producteur du film estime que l’option d’une distribution misant sur un public local peut bel et bien être payante, même si le gain escompté n’est pas pécuniaire. «Déjà, une chose est claire, c’est qu’on ne fait pas les films pour l’argent. On les faits pour l’impact positif que ça peut avoir et créer des conversations. Mais ce processus de distribution est le même qu’on a fait la dernière fois, en ayant l’écran gonflable et en allant dans les régions. Ce serait très bien si on avait des salles dans les régions», ajoute le producteur.
Construire un écosystème de distribution viable et pérenne, le pari peut être gagné. Et l’optimisme est aussi la marque de fabrique de la distributrice. «On aspire à un Sénéwood et on sait que ce n’est pas quelque chose qu’on va faire du jour au lendemain. Ça va prendre du temps, mais quand on fait quelque chose, quand on revient, on veut tout le temps améliorer. On n’a pas fait d’école de cinéma, on n’a pas fait d’école de distribution, mais on apprend sur le tas, on apprend de nos erreurs et on essaie d’innover», souligne Oumou Diégane Niang. La distributrice qui a commencé le métier en 2019, au Centre Yenenga de Alain Gomis, commence à maîtriser le territoire sénégalais et ses spécificités. «On vient juste de commencer, c’est le début. On va voir jusqu’à la fin. Peut-être qu’on aura l’occasion d’avoir cet entretien pour évaluer la suite des ventes, ce que ça a donné, ce qui a marché, ce qu’on doit rajouter», promet-elle.
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