Ibrahima Hamidou Dème parle d’une «histoire qui est en train de bégayer» en affichant ses inquiétudes de voir le Pool judiciaire financier (Pjf) prendre la même trajectoire que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Cette institution avait été «dévoyée» de sa mission, selon lui, le Pjf risque de connaître le même sort. C’est ainsi que le juge Dème est monté au créneau pour demander à ce que cette institution, qui vient d’être installée, ne soit utilisée comme un instrument «pour régler des comptes» politiques.
Par Amadou MBODJI –
L’ancien juge Ibrahima Hamidou Dème évoque la création du Pool judiciaire financier (Pjf) par les nouvelles autorités, tout affichant ses craintes. Celles-ci trouvent leur fondement, selon lui, sur une tendance à «politiser» cet instrument judiciaire, à l’image de la Crei, accusée «d’avoir versé dans une justice sélective».
«L’histoire est en train de bégayer. Il y a une dizaine d’années, après la deuxième alternance de 2012, une juridiction très utile contre la corruption et l’enrichissement illicite a été pervertie par son instrumentalisation par l’Exécutif», campe le juge Dème à travers un post sur Facebook.
«Actuellement, le Pool judiciaire financier, qui a corrigé certaines imperfections de la Crei, semble suivre le chemin d’une justice dévoyée par sa politisation», enchaîne le juge Hamidou Dème. Ce dernier appelle au respect de certaines obligations dans le cadre du recouvrement des deniers publics s’il s’avère qu’ils font l’objet de détournement.
«L’obligation de redevabilité et l’impératif de recouvrer nos deniers publics spoliés ne doivent cependant pas entraîner la justice à faillir à ses obligations d’une justice indépendante et impartiale, seule pouvant garantir un procès équitable», recommande-t-il. Cette sortie de Ibrahima Hamidou Dème fait suite à celle du coordonnateur du Forum civil, Birahim Seck. Ce dernier a fait part de ses préoccupations en appelant à une «démarche rigoureuse» du Parquet du Pool financier judiciaire (Pjf). C’est sous ce rapport que M. Seck interpelle ces magistrats sur l’ouverture d’une information judiciaire sur l’affaire dite des 1000 mille milliards. Mais aussi sur l’absence de communication du Parquet du Pjf «sur les autres» dossiers, selon lui.
Le Parquet du pool judiciaire financier a informé avoir été saisi, récemment, de plusieurs rapports de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), qui sont en cours de traitement. «Ainsi, l’analyse d’un des rapports a fait ressortir des faits impliquant plusieurs personnes. Les investigations menées révèlent des mécanismes sophistiqués de blanchiment de capitaux, par le truchement de sociétés-écrans qui auraient été utilisées pour des transactions suspectes d’une valeur estimée provisoirement à plus de 125 milliards de francs Cfa», lit-on dans le communiqué signé par El Hadji Alioune Abdoulaye Sylla, procureur de la République du Pool judiciaire. Installé le 17 septembre dernier, le Pool judiciaire financier (Pjf) est composé de 27 magistrats spécialisés dans la lutte contre la corruption et les crimes économiques. Cette structure se charge d’examiner les plaintes pour corruption, détournement de deniers publics, blanchiment d’argent et financement du terrorisme.
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