Dans la perspective de la modernisation de l’Administration sénégalaise, il nous a paru nécessaire d’apporter quelques éléments à titre contributif susceptibles d’une part de permettre à cette administration de satisfaire de manière qualitative les exigences des clients, d’affronter la révolution numérique et l’irrésistible mondialisation des échanges d’autre part.

En effet, la réforme de l’Administration, pour ne pas dire la notion de service public en déclin, est un défi majeur auquel le Sénégal doit faire face s’il veut se libérer de cet excès de bureaucratie, de centralisme et de corporatisme qui le caractérise.

En s’appuyant sur l’analyse de ce qui se fait dans d’autres pays, à l’exemple de la Grande Bretagne et de la Suède qui ont entamé une réforme efficace de l’Etat, Bernard Brunches, président du Conseil de surveillance du Groupe Bernard, énonce quelques facteurs de réussite. Ces pays, écrit-il, sont partis d’une idée simple : un service public est un service public qui s’articule autour de la relation du consommateur citoyen et client plutôt qu’à l’usager, ce qui veut dire que la notion d’usager est devenue presque désuète.

A la lumière de cette approche, il convient pour l’Adminis-tration sénégalaise de changer de discours, c’est-à-dire fonder des normes de valeurs en adéquation avec son fonctionnement réel et privilégier avant tout les deux modes d’exercice de pouvoir, à savoir la déconcentration et la décentralisation, qu’il faut repenser parce que devenus statiques. La réforme de l’Administration sous-tend aussi une vaste communication qui est le moteur de tout changement.

Au-delà de tous ces aspects, le constat aujourd’hui est que la mutation du fonctionnement de l’Administration appelle, à notre avis, une nouvelle gouvernance politique basée sur le numérique et le digital.

Parmi les changements, il y a lieu d’insister sur l’importance de multiplier les coopérations entre responsables publics et entrepreneurs privés et les interactions entre les différents acteurs concernés, car l’Admi-nistration ne peut plus décider, ni ne doit plus gouverner seule, d’où l’importance également de construire collectivement et démocratiquement de nouvelles règles de jeu et enfin développer le monde associatif aux exigences du consumérisme.
Cependant, si on se réfère à la science administrative, c’est-à-dire la science qui décrit et explique les structures et activités des organes administratifs, on se rend compte que les opinions, attitudes et conduites des hommes qui animent l’Administration n’ont pas changé vis-à-vis des clients depuis l’indépendance.

En effet, le constat est que les animateurs de l’institution administrative sont porteurs de comportements qui constituent des goulots d’étranglement à son bon fonctionnement tels que l’arrogance, la suffisance, l’absentéisme chronique, le manque de culture administrative, la recherche de gains faciles, etc.

Au-delà de ces obstacles, les mêmes animateurs semblent ne pas maîtriser les produits idéologiques de cette Administra-tion, à savoir la notion de service public, la fonction de l’intérêt général vis-à-vis des clients, de l’Etat, de la société, et la signification de l’Etat en tant que mythe et symbole, et surtout la neutralité chère à Jean Jaurès.

A ce niveau, une réelle politique de relation publique s’impose, allant dans le sens d’humaniser les rapports entre les clients et leurs partenaires que sont les fonctionnaires.

En outre, les outils de communication tels que la parole, l’écrit, les services d’accueil, les brochures destinées aux clients doivent reposer sur des informations exactes et objectives.

Cependant, l’Administration sénégalaise, perçue sous l’angle normatif, fait partie des meilleures administrations au monde.

En effet, la qualité de l’élaboration des actes administratifs (lois, décrets, ordonnances, arrêtés, décisions) ne souffre d’aucune ambigüité. Tant du point de vue de leur initiative, de leur confection, de leur présentation que de leur publication, tous ces actes suivent un processus administratif clair, net et précis. Par ailleurs, l’Administration sénégalaise, en tant qu’organisation, possède des ressources humaines de qualité aux formations et compétences aussi variées que diversifiées, capables de traiter ou de piloter n’importe quel dossier ou projet de quelque nature qu’il soit. Cependant, il y a lieu d’avoir à l’esprit qu’une organisation, en tant que personne morale, n’a aucune ambition. Ce sont les hommes qui sont porteurs d’ambition pour elle.

Que ces hommes soient des clients, des partenaires ou des privés. Mais pour permettre à ces animateurs d’être performants et productifs, ils ont besoin de reconnaissance, de valorisation, de motivation et d’intéressement.

C’est à ce prix que l’Administration sénégalaise sera une administration émergente, performante et efficace pour satisfaire l’ensemble des besoins et préoccupations de ses clients, et faire face aux enjeux et défis de notre siècle.
Kossoro CISSOKHO
Docteur en Droit
Spécialiste en Administration publique
Certifié de l’Institut international de Droit de Développement de Rome
Expert Juriste consultant