Film – «The village next to paradise» de Mo Harawe : Une Somalie comme on ne la voit pas souvent

Parmi les prétendants à l’Etalon d’or du Yennenga, le Somalien Mo Harawe. Son film, «The village next to paradise», nous entraîne dans le quotidien d’une famille. En 133 mn, le réalisateur somalien présente son pays sous des traits qu’on ne voit pas très souvent.
Des années de conflit, une spirale de violence, mais la Somalie reste un pays encore debout. Dans le long métrage The village next to paradise, le Somalien Mo Harawe raconte le quotidien d’une famille. Le père, Mamargade (interprété par Ahmed Ali Farah), est tantôt creuseur de tombe, tantôt chauffeur, au gré des opportunités. Il vit avec son fils, Cigaal (interprété par Ahmed Mohamud Saleban), un élève très intelligent et dont la mère est morte. Avec eux, la sœur de Mamargade, Araweelo (interprétée par Anab Ahmed Ibrahim). Dans ce quotidien d’une famille pauvre, les liens affectifs sont évidents. Le père et le fils partagent une relation fusionnelle. La sœur, bien que hantée par ses propres démons, est pleine de bienveillance. Sans enfant, elle a refusé que son mari prenne une autre épouse. C’est la source du divorce entre les deux. Mais c’est aussi le début d’un nouveau chapitre de sa vie de femme. The village next to parasdise, le premier long métrage fiction du réalisateur installé en Autriche, est en compétition pour l’Etalon d’or du Yennenga qui sera connu ce samedi, au terme de 8 jours d’intenses activités cinématographiques.
Les personnages de Mo Harawe sont empêtrés dans des conflits. Le père cherchant les moyens de faire vivre son enfant et de lui donner une bonne éducation dans un pays où les attaques se multiplient, obligeant parfois les enseignants à déserter leur poste. Mais chacun des personnes est aussi un symbole de résilience. Face aux difficultés, ils se réinventent mais restent attachants. Dans ce film à l’esthétique léchée, Mo Harawe pose sa caméra pour témoigner d’un temps, d’une vie. La musique, les silences, les lumières, tout est minutieusement étudié. Les gros plans fixes sur le visage de Araweelo occupant l’écran sont comme un appel silencieux. Servi par des images époustouflantes, le film déroule sa trame sans effort, mais tout en maintenant le spectateur collé aux aléas de la vie de Mamargade. Dans une Somalie où le conflit est latent, la douceur et l’affection sont mises en avant par le réalisateur. A aucun moment, on ne verra du sang. Même la mort est traitée avec pudeur. Les linceuls blancs, le désespoir des survivants et des prières sont les signes manifestes de cette violence.
Figure de résilience
Hormis une séquence d’ouverture où des journalistes occidentaux annoncent un attentat avec plusieurs morts, la violence est traitée de façon pudique. Mais elle est présente dans la vie de tous les jours puisque dans l’école de Cigaal, le jour où le maître est absent, les élèves s’entraînent à éviter les drones. Elle alimente également le désespoir de Mamargade, las de n’avoir pas de corps à enterrer, qui se rend dans un hôpital pour poser cette question avec un espoir malsain : «Vous n’avez pas eu d’attaques ces derniers jours ?» Comme un héros de Shakespeare voué à l’anéantissement, quoi qu’il fasse, Mamargade est dans une course infernale pour se sauver et sauver son enfant. Mais le destin est implacable. Et dans The village next paradise, la résilience et l’abnégation sont féminines. Elles prennent le visage de Araweelo. Face aux obstacles qui se dressent sur son chemin, la jeune femme se plie d’abord aux règles. Elle acceptera même de contracter un mariage blanc pour faire avancer son projet. Mais c’est en prenant les choses en main que le destin lui sourit à nouveau. Et cela passe par cette relation qu’elle arrive à nouer avec son neveu Cigaal. Malgré les obstacles, elle reste focalisée sur ses objectifs et entraîne le petit Cigaal dans sa bulle, rendant tangible cet espoir de tout un peuple de dépasser ces cycles de violence et renouer avec un quotidien paisible et serein.