Il y a eu, cette année, une exceptionnelle récolte dans la zone des Niayes. La carotte, l’aubergine, le piment et d’autres produits sont échangés à vil prix pour éviter leur pourrissement. Une véritable crise dans le secteur du maraîchage se dessine….Par Cheikh CAMARA – 

Les producteurs de Keur Mbir Ndao, un village de la  commune de Notto Gouye Diama (département de Tivaouane), dans la zone des Niayes, menacent de durcir le ton. Après moult cris de détresse lancés aux autorités compétentes sans suite, ils menacent de passer à la vitesse supérieure si la situation ne se décante pas. Ils alertent sur les nombreux facteurs qui menacent aujourd’hui le maraîchage qui, tiennent-il à rappeler, est un legs perpétué depuis des générations, une tradition qui reste l’une des activités principales qui permettent aux populations riveraines de survivre, une activité donc qui leur est très chère.

Déçus, disent-ils, par le gouvernement, les paysans protestent : «Nous sommes dans l’incapacité de rembourser les dettes contractées et sommes donc prêts à aller tous en prison, parce que nous n’en avons pas les moyens. Avec la baisse drastique des prix des légumes, comment pouvons-nous nous en sortir ? La carotte, qui était vendue à 30 000 F, est aujourd’hui proposée entre 7000 et 7500 F ; l’aubergine, qui coûtait 20 000 F ou plus, est vendue actuellement entre 4000 et 5000 F ; le kg de piment, qui coûtait 500 F, est à 75 F, l’autre espèce, qui coûtait 3000 F le kg, est vendu à 500 F ; l’oignon et la pomme de terre sont bazardés à des prix inconcevables. Des tonnes de légumes pourrissent dans les champs, une bonne quantité sert d’aliment de bétail.»
Le président du mouvement «Aar sunnu mômel», Bassirou Ba alias Toucoulorou Baye, et ses camarades, en tournée dans la zone des Niayes (Bayakh, Notto Gouye Diama, Mont-Rolland), déplorent le fait que dans «le domaine agricole comme dans celui du commerce, le Sénégal souffre d’un manque d’autorité qui fragilise le gouvernement». Ils disent ne pas pouvoir accepter «la négligence affichée par nos dirigeants vis-à-vis d’un secteur agricole capable d’occuper une bonne portion de la jeunesse tentée par l’émigration clandestine». Ces producteurs de la zone des Niayes disent «se débattre aujourd’hui dans un accablement sans précédent. Les paysans souffrent dans leur chair. Ils sont délaissés à tort par leurs autorités. Ce qui se passe dans le monde rural est inimaginable. Rien ne va dans notre milieu». Ils pensent qu’«il est temps que l’Etat rectifie le tir». Aussi de remarquer : «Le travail de la terre n’est pas chose aisée, les frais sont énormes, les difficultés immenses. Aujourd’hui, avec les dettes contractées, les producteurs peinent à honorer leurs engagements vis-à-vis des banques. Les récoltes sont bonnes, mais la production finit par pourrir sur place, sinon réduite à de l’aliment de bétail faute d’acheteurs.» Modou Fall Ndiaye, producteur à Notto Gouye Diama, lui, de pointer du doigt «la responsabilité de l’Etat, au niveau surtout de la concurrence déloyale causée par les importations d’oignon et de pomme de terre, outre certaines internationales comme les Indiens qui exploitent des centaines d’hectares et ont le monopole du marché». Aussi, il constate que «de Sangalkam à Potou, partout dans la zone des Niayes, la production est bonne, mais elle risque de pourrir sur place faute de chambres froide, de magasins de stockage, de structures de transformation».

Les agriculteurs souhaitent que le ministre du Commerce, à l’image de son collègue de l’Agriculture, prenne au moins la peine d’effectuer un tour dans la zone des Niayes pour toucher du doigt les réalités du terrain, par rapport à la commercialisation mais surtout la catastrophe que représente la porosité des frontières sénégalaises.
Correspondant