Loyers au Sénégal : Le temps de l’action intelligente est venu

Vers une régulation efficace et durable alliant incitations fiscales, justice sociale et réforme structurelle
Aujourd’hui, le constat montre que plus de 54% des revenus des ménages sénégalais sont engloutis chaque mois dans le paiement du loyer. En plus, l’accès au loyer est devenu un enjeu social crucial, en particulier dans les grandes agglomérations comme Dakar. Lors du dernier Conseil des ministres d’avril 2025, le Premier ministre Ousmane Sonko, selon le site d’information Dakaractu, a remis sur la table une problématique persistante : la régulation inefficace du marché locatif, malgré l’existence de la loi de 2014 censée encadrer les loyers.
Le message est clair : il est temps d’agir, et vite. Mais cette fois, au-delà des mesures classiques, c’est une approche novatrice qui s’impose, c’est-à-dire allier régulation, incitations fiscales et réforme territoriale.
La régulation actuelle est inefficace parce que plusieurs blocages structurels expliquent l’échec de l’encadrement légal des loyers. Et il s’agit :
De l’absence de données fiables sur l’offre et la demande, rendant impossible toute planification rigoureuse ;
D’un manque d’incitations et de sanctions, avec peu de contrôle sur les loyers appliqués ;
D’un déséquilibre territorial criant du fait de la concentration des opportunités à Dakar, et d’une urbanisation désordonnée, ainsi que les lenteurs dans la mise en œuvre des programmes de logements sociaux.
Fiscalité : un levier stratégique sous-exploité
Aujourd’hui, le constat montre qu’il ne s’agit pas de contraindre uniquement par la loi pour réguler les loyers au sénégal, mais plutôt que l’Etat utilise intelligemment la fiscalité pour orienter les comportements sur le marché locatif. Car les niches fiscales bien ciblées peuvent devenir de puissants outils de politique publique si elles sont conditionnées à des obligations sociales strictes. A ce titre, voici quelques pistes concrètes pour une application pédagogique du levier fiscal :
Faire appliquer des exonérations partielles d’impôt sur le revenu foncier pour les bailleurs pratiquant des loyers sociaux ;
Appliquer le crédit d’impôt pour ceux qui investissent dans la réhabilitation de logements abordables ;
Faciliter l’accès préférentiel aux garanties publiques pour les propriétaires respectant les plafonds légaux.
Dans ce cadre, l’objectif visé par ces mesures fiscales est d’encourager les bons comportements sans déstabiliser complètement le marché, tout en augmentant les recettes fiscales grâce à une meilleure traçabilité.
Une stratégie
combinée avec le Pnalru : un tournant à ne pas manquer
Le gouvernement semble avoir compris l’urgence.
A travers le Programme national d’accès au logement et de rénovation urbaine (Pnalru), lancé en février 2025, un nouveau cap est fixé pour corriger les erreurs du passé (notamment l’échec du programme des 100 000 logements) et réduire durablement le coût du logement. Ce plan s’appuie sur :
18 000 hectares identifiés dont 4000 sécurisés pour la construction ;
Un financement ambitieux : plus de 800 milliards F Cfa en cours de mobilisation avec des partenaires comme la Bhs et Shelter Afrique Bank ;
Une gouvernance transversale associant ministères, collectivités, promoteurs et institutions financières.
A la lumière de la déclinaison de ce nouveau programme (Pnalru), a notre avis, cinq mesures clés s’imposent pour une réforme durable du loyer au sénégal. Pour que la réforme soit crédible et efficace, les propositions à formuler d’ici juin 2025 doivent intégrer à la fois des leviers économiques, fiscaux et sociaux, et il s’agit :
Mettre en place un observatoire national du loyer pour collecter et publier des données fiables sur les loyers par zone, type de logement et niveau de confort, pour guider les décisions politiques.
Lancer une plateforme digitale de location règlementée. Ceci, à travers un portail public transparent recensant les logements disponibles, leur prix, leurs caractéristiques, avec un système de notation des bailleurs et des locataires (ceci peut aider à l’accès au crédit).
Mettre en place un statut du bailleur responsable avec des avantages fiscaux progressifs selon le respect de la grille tarifaire, mais aussi un bonus-malus fiscal en fonction de la conformité.
Décentraliser les opportinuites économiques et sociales en investissant dans des pôles urbains secondaires (Thiès, Saint-Louis, Ziguinchor, Tou-ba…) pour désengorger Dakar.
Encadrer les agences immobilières par des mesures de certification obligatoire, de fixation des barèmes de commissions plafonnés, des contrôles accrus, et de l’éthique professionnelle au cœur du dispositif.
Réguler, oui, mais avec les acteurs
Aucune réforme durable ne peut se faire contre les propriétaires. Il faut une concertation nationale inclusive réunissant :
Locataires et leurs associations ;
Bailleurs et syndicats de propriétaires ;
Promoteurs, notaires, avocats, huissiers ;
Collectivités territoriales ;
Banques, Sfd et acteurs du financement immobilier ;
Emetteurs de monnaie électronique pour la traçabilité des flux.
En conclusion : une réforme systémique, pas cosmétique
L’heure n’est plus aux demi-mesures. Il s’agit de bâtir une nouvelle doctrine du loyer, où la régulation intelligente, la fiscalité incitative et l’équité territoriale marchent de concert. Le loyer ne peut plus rester un luxe réservé à une minorité. Il doit devenir un droit effectif, garanti par l’action publique, mais aussi soutenu par des mécanismes incitatifs bien pensés.
Le Sénégal a aujourd’hui l’opportunité de montrer la voie d’une régulation moderne et juste du loyer. Ainsi, ne pas la saisir serait criminel, car les citoyens attendent des résultats concrets sur la problématique de la régulation et de la baisse des loyers.
Souleymane Zakaria CISSOKHO
Administrateur général du Cabinet Prospect
Expert en évaluation économique et financière de projets
Mermoz Pyrotechnique Immeuble 39 2ème Etage Porte 4 Dakar, Sénégal
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