Mon cher Président, je fais partie de ces millions de jeunes Sénégalais qui ont vu une lueur d’espoir naître en eux lors de votre accession au pouvoir. Je me permets de m’adresser à vous tout en ayant conscience des lourdes tâches que vous accomplissez au quotidien. Je sais également que l’inclusion des personnes porteuses de handicap est l’une de vos préoccupations.

Je n’ai pas la prétention de parler au nom de tous les handicapés du Sénégal, car à chacun son histoire, mais je suis sûre que beaucoup se reconnaîtront à travers la mienne. J’ai eu la poliomyélite à l’âge de 2 ans, et ce fut le début d’une longue bataille contre les aléas de la vie. J’ai eu la chance d’être scolarisée, mais quand on vit avec un handicap, on doit faire 10 fois plus d’efforts que les autres pour s’en sortir.

J’étais une très bonne élève, toujours parmi les 2 premiers, plusieurs fois des prix d’excellence, mais il m’a fallu beaucoup de courage pour y arriver. J’ai connu la stigmatisation à l’école, un groupe d’élèves me poursuivait à l’arrêt du bus pour me tabasser, parce qu’ils trouvaient injuste qu’une élève aussi absentéiste soit toujours 1ère de la classe ; et c’est un exemple parmi tant d’autres. J’ai affronté les regards malveillants dans la rue, malgré tout je continue de lutter, toujours et encore, parce qu’abandonner c’est un luxe, un privilège que je ne pourrais me permettre.

Mon cher Président, les personnes handicapées doivent faire partie des grandes instances de décision parce que même avec toute la bonne volonté du monde, personne ne pourrait se mettre à notre place au point de ressentir les choses que nous vivons au quotidien avec la même intensité. Nos proches sont pour la plupart bienveillants et animés de bonne foi, mais les moyens leur font défaut. Aidez-nous à avoir notre autonomie pour pouvoir préserver notre dignité. La plupart d’entre nous n’ont malheureusement pas eu la chance d’aller à l’école, ni d’avoir un métier, et c’est encore plus difficile.

Je suis née rêveuse, altruiste, pleine de créativité, avec une immense joie de vivre. Et je me battrai pour que cela ne s’éteigne jamais. Pendant plusieurs années, j’ai souffert en silence pendant que tout le poids de mon corps tenait sur une seule jambe, lors de mes longs trajets dans les transports en commun. Je ne saurais citer le nombre de fois où je me suis évanouie dans les minibus «Tata» et les bus «Ddd» pleins à craquer, mais l’abandon n’a jamais été une option.

Ma «sweety» (ma jambe) ne m’a jamais lâchée malgré les dures épreuves de la vie de tous les jours. Elle a dû puiser dans ses dernières réserves pour me porter, et je sais que je lui en ai demandé plus qu’elle n’en pouvait, mais la cruauté du monde actuel ne m’a pas laissé le choix. Je ne compte plus le nombre de chutes et de faux pas, mais il y a toujours cette petite voix qui me dit : «Relève-toi et continue d’avancer, quoi qu’il arrive.» J’ai toujours eu cette capacité à me réinventer, à renaître après chaque période difficile.

Après avoir fait le tour des centres d’appareillages orthopédiques au Sénégal, je n’ai pas réussi à avoir un appareil orthopédique adapté à mon handicap, parce qu’il n’y en avait pas tout simplement. Depuis bientôt 3 ans, je vis au Maroc et j’ai travaillé dans les centres d’appels comme beaucoup de Sénégalais, afin de pouvoir subvenir à mes besoins et payer mes frais médicaux, mais c’est au-dessus de mes moyens.

Aujourd’hui, je ne peux plus travailler à cause des séquelles physiques de mon handicap qui sont la scoliose lombaire, la scapulalgie, les douleurs cervicales, pour ne citer que celles-là, je suis en déséquilibre total… J’ai parfois l’impression d’être réduite en miniature et enfermée dans une bouteille, j’ai beau crier, mais personne ne m’entend. Ces douleurs insupportables me font passer des nuits blanches, je trouve du réconfort en me confiant à mon Fidèle Ami et Confident, Allah Ajawajal, je Lui parle à haute voix comme on parle à son meilleur ami, jusqu’à ce que je m’endorme. Grâce à Lui, je l’ai toujours vécu positivement, et c’est ce qui m’a permis de tenir jusqu’ici.

Mon cher Président, je vis ce calvaire depuis plus de 30 ans, et je ne saurais vous dire combien d’autres sont dans la même situation que moi, voire pire. Je sollicite votre soutien et votre bienveillance, ainsi que toutes les bonnes volontés, pour avoir une prise en charge médicale. J’ai le «diom», le «foula» et le «fayda» qui coulent dans mes veines. Mon seul souhait aujourd’hui, c’est de retrouver mon autonomie et vivre à la sueur de mon front.
Je vous adresse mes salutations les plus distinguées.
Dieynaba WELE