Le Sénégal vit pour la démocratie et la liberté

Le Sénégal est ce pays qui s’englue, jour après jour, dans une dynamique autocratique qui ne dit pas son nom. De façon douce, les jalons sont posés pour détricoter tout le voile de nos droits et libertés, un arsenal liberticide prend naissance sous nos yeux. C’est sans crier gare que nous risquons tous de nous retrouver dans un Etat où il sera interdit d’élever la voix, de manifester une opposition, voire de s’indigner. Autocratie, vous me direz que le mot est fort, mais au vu d’une année de gouvernance se voulant de rupture, tout est mis en œuvre pour taire les voix contestataires et dissidentes. La dernière en date est celle du chroniqueur Abdou Nguer, dans une détention qui risque d’être interminable, au point qu’il se décide d’entamer une grève de la faim. Espérons que le bal d’hypocrites qui s’alarmaient lors de la grève de la faim de Ousmane Sonko et de ses soucis de santé, qu’il qualifiera de partition d’une pièce qu’il jouait au moment de faire face aux autorités, auront le même entrain pour venir à la rescousse du jeune Abdou Nguer. Ce n’est pas pour une promesse de libertés réduites que des millions d’électeurs auront voté un soir de mars 2024 pour le ticket révolutionnaire «Diomaye moy Sonko».
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A la suite de toutes les critiques que les tenants actuels du pouvoir ont pu émettre contre les régimes précédents, on est bien en droit de leur dire qu’ils se sont transformés en la bête vorace qu’ils ont combattue de toutes leurs forces. Le temps a le malin plaisir de faire de tous les opprimés de terribles bourreaux en peu de temps. Que ce soit dans la Justice, dans le débat public et dans le fonctionnement de la démocratie, le régime Pastef est en train d’impulser une cadence solitaire, belliciste et revancharde qui affaisse in fine tout notre socle républicain. A force de jouer la carte d’une répression et d’une ligne dure, il finira par se mettre à dos les plus convaincus de leurs électeurs lucides qui ont vu en eux, une chance de promouvoir un autre Sénégal.
Le Sénégal a toujours été une terre de paroles libérées. Des voix plurielles et toutes sortes d’obédiences y ont toujours eu la possibilité de se faire entendre. Ce n’est pas aujourd’hui que cela va changer. Il est illusoire donc, dans un tel pays, de jouer les gendarmes des consciences ou les censeurs du débat public. Tant que des gens auront l’honneur et le privilège de nous diriger, il y aura toujours en face d’eux des hommes et des femmes debout pour leur apporter la réplique.
Dans les colonnes de journaux, sur les ondes des radios, sur les plateaux télévisés et sur les réseaux sociaux, les Sénégalais crieront leur mal-être, feront le procès de leurs gouvernants, tourneront en dérision l’action publique, à tort ou à raison. Ils évalueront tout ce qui est fait en leur nom, ils chahuteront des responsables publiques, ils acclameront leurs idoles. Vouloir empêcher cela est aussi vain que de vouloir arrêter la mer avec ses bras. C’est de cette façon que vit la démocratie à la sénégalaise. C’est de cette même façon que perdurent nos acquis de liberté d’expression, d’opinion et de manifester. L’autocratie maintenant, peut-on entendre dans certaines contrées ! Au Sénégal, l’heure est à plus de liberté, de transparence et de responsabilité. Cela, d’autant plus que la machine Pastef est arrivée au pouvoir en usant et abusant de toutes les libertés qu’offrent le débat public au Sénégal et le modèle démocratique de notre pays, au point critique de prôner l’insurrection et de passer à l’acte.
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Le président de la République Bassirou Diomaye Faye est arrivé au pouvoir grâce à un souffle démocratique, qui aura permis la respiration de notre système politique, sans accrochages ni heurts, au moment du décompte des voix et de la proclamation des résultats. Il a l’obligation de faire en matière de liberté publique, de sauvegarde et de promotion de la démocratie, plus que tous ses prédécesseurs. Avec lui, les hirondelles du printemps et les colombes de la liberté ne doivent cesser de battre leurs ailes au-dessus de nos têtes. Il sait ce qu’est la privation de libertés, il sait aussi ce qu’est d’affronter un régime et la toute-puissance d’un Etat. Prenant en compte cela, il a la chance d’offrir un cadre de débat sain, permettant à toutes les voix, dans la courtoisie républicaine, de résonner sans que des menaces de brimade et de répression ne s’orientent vers les porteurs d’une parole contraire.
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Comme dans tout pouvoir, le Président Faye a, dans son camp, des faucons et une suite d’oiseaux de mauvais augure dont le seul souhait est la répression à outrance. Il serait dans une grave erreur d’accorder une oreille attentive aux béliers de son camp qui tentent de prôner un tout répressif. Après tout, il est le Président de tous les Sénégalais et sa responsabilité sur le cours de notre démocratie est inédite. En tant que chef de l’Exécutif, il lui revient de poser balle à terre.
Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn