Poursuivre et punir sévèrement les délinquants financiers

Le chef de l’Etat a parfaitement raison. Traquer sans relâche les délinquants financiers est une condition fondamentale de la transformation économique et sociale du pays. Le chef de l’Etat a parfaitement raison d’exiger la reddition des comptes et de saisir la Justice pour le remboursement des montants volés par les anciens responsables publics. Les romains disent : «Fur est qui dolo malo rem alienam contrectat», c’est-à-dire : «Quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol.» Au Sénégal, il est intolérable d’abuser de l’argent public, de le détourner de son objectif ou de l’utiliser pour des raisons personnelles. C’est pour cela que la Justice est intransigeante sur cette question. Je rappelle les notes du journaliste et écrivain Jean Montaldo : «Messieurs les bandits de la finance, votre avidité et votre cupidité viennent de précipiter le monde dans la plus vaste destruction de valeurs de tous les temps… Bandits de la finance, par appât du gain, en toute connaissance de cause, sans honte et sans vergogne, vous nous avez tous plumés. J’entends ici vous clouer un à un au pilori.»
C’est vrai, tous les malfaiteurs et voleurs de deniers publics méritent d’être mis au pilori pour un signal fort à la génération future. La reddition des comptes est le début d’une révolution culturelle au Sénégal. Elle vise à récupérer l’argent volé pour combattre la pauvreté dans les communautés. Elles ont besoin de soins médicaux, d’emplois décents, d’habitats confortables, de formation adéquate, d’énergie pour la production et d’eau potable surtout pour le bétail. L’argent public ou denier public est l’ensemble des biens, fonds et valeurs appartenant à l’Etat et aux organismes publics. Le décret n°2020/978 du 23 avril 2020 portant règlement général de la Comptabilité publique en son article 2 dispose : «Les deniers appartenant ou confiés à l’Etat et autres organismes publics sont des deniers publics.» Et l’article 15 précise : «Sous peine des sanctions prévues par la loi, il est interdit à quiconque, fonctionnaire ou particulier, non pourvu d’un titre légal de s’immiscer dans l’exécution de loi des finances et dans la gestion des biens et deniers de l’Etat.» Par conséquent, il est formellement interdit d’utiliser frauduleusement de l’argent public.
Par rapport à ce phénomène dévastateur, Madame Christine Lagarde du Fmi disait ce qui suit : «Les jeunes perdent toute motivation à faire des études, puisqu’ils savent que la réussite dépend des relations et non des capacités. Abandonnant leurs illusions, ils deviennent désengagés, désenchantés, perdent espoir ; la corruption empoisonne les âmes.» Sous le régime du Président Macky Sall, plusieurs milliards sont dissimulés, une partie a servi à spéculer sur le foncier, une autre au blanchissent de capitaux. Arrogance, indiscipline, mauvaise foi et malhonnêteté sont les caractéristiques de toute sa mandature ; les rapports de la Cour des comptes le prouvent en grandeur nature.
C’est un impératif de retrouver ces montants cachés et reconvertis pour bâtir à nouveau le Sénégal. A mon avis, la procédure du Pool financier est longue, c’est pour cela que je formule les recommandations suivantes :
Criminaliser le détournement de l’argent public, la gestion de fait, l’évasion fiscale, la falsification, la corruption, l’enrichissement personnel sans cause, le blanchissement d’argent, les soustractions et escroqueries sur les deniers publics.
Réformer la Cour des comptes pour qu’il y ait cohérence entre ses missions fondamentales et les moyens d’action. Par exemple, permettre au Procureur général prés la Cour des comptes de s’autosaisir et de placer sous mandat de dépôt toute personne impliquée dans des pratiques frauduleuses. La Cour doit avoir la possibilité de contrôler les gestions en cours et permettre au procureur de la Cour de prendre des mesures après le premier rapport.
Réformer le Code pénal en la matière pour éviter les scandales financiers et les fraudes fiscales et douanières.
Le président de la République est déterminé à protéger les ressources financières et naturelles du pays. La culture du détournement et de la corruption fissure les institutions de la République et creuse le déficit budgétaire. Nous devons combattre la mafia pour permettre à l’Etat d’atteindre la souveraineté économique par la mobilisation et la valorisation des ressources internes. Je termine par la phrase du Président Jacques Chirac en 1996 : «La Cour des comptes doit être l’aiguillon d’un Etat moins dépensier et plus efficace.»
Alpha YOUM
Spécialiste de Gestion publique et Droit social
Président Paix /Citoyenneté-Sénégal