La disparition de Koyo Kouoh a été une grande perte pour le monde de la culture. Partie sur la pointe des pieds après une maladie, le monde de la culture a tenu à lui rendre un vibrant hommage dans ce Sénégal qu’elle avait choisi comme terre d’adoption. Cette célébration aux allures de funérailles, a été un moment pour rappeler le caractère universel de cette femme et son sens du rassemblement. Tous ont promis de perpétuer son œuvre.Par Justin GOMIS – 

Emportée par une maladie le 10 mai dernier, Koyo Kouoh a été célébrée ce samedi à Dakar par le monde de la culture. Un dernier hommage à la directrice du Musée Zeitz d’art contemporain du Cap en Afrique du Sud (Zeitz Mocaa). Venus des Etats-Unis d’Amérique, du Brésil, de l’Asie, de l’Afrique noire, etc., ils étaient des hommes et des femmes venus célébrer une personnalité singulière. Certains vêtus de noir, assorti de blanc pour d’autres. Même les deux troncs du manguier planté au milieu de la cour se sont drapés du linceul blanc. Raw Material Company, l’espace d’art qu’elle a créé et fait vivre au cœur de Dakar, a abrité ce moment de célébration. Un mois après le départ de Mme Koyo, la tristesse se lit sur les visages. Une atmosphère rendue plus lourde par cette matinée nuageuse du début de l’hivernage. Et ils sont encore nombreux à ne pas accepter ce départ. «Te célébrer ici, sous ton manguier, devant les tiens, c’est te retrouver. Parce que tu es là, présente.  Dans la lumière.  Dans le vent. Dans le feuillage, dans le cœur de chacun d’entre nous. Nous sommes ici, réunis sous ton arbre. Et dans ce geste, je crois, il y a une forme de vérité. Tu as été racine et cime, ancrage et expansion. Tu as habité cette terre, et tu l’as rendue intelligible au monde. Je parle au présent, parce que tu ne seras jamais le passé, Koyo», a déclaré Aisha Dème dans un discours empreint d’émotion. Pour cette amie fidèle, cette dame au cœur généreux, qui aimait partager et rassembler, a beaucoup fait pour la culture africaine. «Tu es la lueur au bout du tunnel,  pour nous, femmes en culture. Tu es cette lumière, présente ! Celle qui nous dit : Vous pouvez y arriver», a-t-elle ajouté. «Te dire donc merci ici, à Dakar, devant ceux qui t’aiment, dans cette ville que tu as tant aimée, mais également tant façonnée de ta pensée, et de ta présence, te dire merci ici, est une évidence…Alors merci. Merci d’être passée. Merci d’avoir été sur le chemin. Merci d’avoir été le chemin», ajoute Mme Dème, pour qui Koyo Kouoh, de son vrai nom Marie Noëlle, était une lumière pour tous. «Tu es un phare. Tu nous as montré que oui, c’était possible. Que l’on pouvait être des Koyo Kouoh. Nous, femmes africaines, habitées par notre passion et notre amour pour l’art et la culture de nos ancêtres. Tu as ouvert pour nous d’infinis horizons. Tu nous as donné la certitude que l’on pouvait avancer, debout…».

Maintenir la flamme du Raw
Un avis partagé par une autre proche de la disparue. «Koyo, c’était la vie, la liberté, la créativité. Elle avait un fort besoin d’aider les autres», a soutenu à son tour, Frieda Ekotto. Cette enseignante aux Etats-Unis se dit très touchée par la mort de Mme Koyo. «C’est une perte pour les amis, pour la famille et pour son fils», a-t-elle ajouté. Selon elle, cette femme, qui parlait l’allemand, l’anglais, le français et le Baoulé, était une femme universelle qui disait que «les gens sont plus importants que les choses». A l’en croire, elle enseignait beaucoup la qualité et la rigueur dans son travail. «Son travail, c’était l’épanouissement des autres», a-t-elle confié. Dans le même sillage, Rasha Salti, commissaire d’art, ne tarit pas aussi d’éloges à l’endroit de la défunte. «Elle aimait collaborer, se nourrir des autres», a témoigné aussi celle qui, jusqu’ici, peine à accepter son départ. Selon elle, Mme Koyo est un modèle à montrer aux jeunes générations. Une idée que le monde de la culture compte perpétuer en promettant de s’assurer que Raw Material Compagny puisse perdurer. Ce sera la seule manière de se rappeler de celle qui leur a donné le courage et l’affection. «Nous veillerons. Nous ferons vivre ton héritage. Parce que tu ne peux pas mourir. Tu n’es pas morte. Ton corps peut se reposer. Mais pas tes autres corps, ceux que tu as éveillés en nous, sur le continent, partout dans le monde. Ces corps-là,  eux, sont là pour poursuivre le chemin. Nous ferons corps. Nous ferons UN. Non… Mieux : Nous ferons UNE. Nous continuerons, chère Koyo. Dans ce vide lumineux que tu laisses, nous continuerons. Avec ce que tu nous as transmis : la pensée libre, le geste juste, l’humain avant le reste», a promis Aicha Dème.
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