Amadou Hott avait le meilleur profil pour présider la Bad, et il a échoué. Hier également, la candidature de notre Président à la tête de la Cedeao a été torpillée par celle du Président sierra-léonais Maada Bio. Deux échecs qui mettent à nu les grosses lacunes de notre diplomatie.Par Mohamed GUEYE – 

Finalement, la diplomatie sénégalaise n’a pas fini de manger son pain noir. La déroute de Amadou Hott à la Bad était plus ou moins prévisible, mais le retentissant échec de Diomaye ne cessera pas de faire parler de lui dans les mois à venir. Alors que le siège que venait de quitter Bola Tinubu lui semblait destiné, le président de la République du Sénégal a trouvé le moyen de se le faire arracher de manière spectaculaire par le Président de la Sierra Leone, Julius Maada Bio. Une première dans l’histoire diplomatique du pays !
Il y a d’abord le fait que les rotations à la tête de la Cedeao se sont toujours faites par alternance linguistique. Le Cap-Vert ne s’étant jamais vraiment impliqué dans la rivalité, les choses se déroulaient entre francophones et anglophones. Il a fallu le forcing de Embaló et la pression amicale de Macky Sall pour qu’en 2022, le Président de la Guinée-Bissau hérite de cette présidence de la Cedeao. Il était donc convenu qu’après Ahmed Bola Tinubu, ce soit un dirigeant francophone qui prenne la présidence ; et les considérations de la géopolitique sous-régionale mettaient Diomaye en tête.
En effet, à la suite de son «coup d’Etat constitutionnel» dont il n’a pas encore fini de maîtriser les retombées, l’Homme Faure de Lomé, descendant de Gnassingbé, s’attendait à une réprobation de ses pairs de la Cedeao. En prévision de quoi, il n’a pas cessé de faire des appels du pied aux membres de l’Aes. Appels du pied qui visent aussi à positionner le Port de Lomé pour des échanges de produits de ces pays afin de remplacer les ports de Cotonou au Bénin et de Lagos au Nigeria. On sait en effet que les relations entre les putschistes de Niamey et le Béninois Patrice Talon sont au plus bas, ce qui a paralysé les échanges entre les deux pays, et bloqué le pipeline qui écoule le pétrole nigérian vers le Port de Cotonou. Mettre Talon à la tête de la Cedeao aurait signifié fermer définitivement la porte de la réconciliation avec les pays enclavé du Sahel, ce que tout le monde voulait éviter.
Quant à la Côte d’Ivoire, outre le fait que Ouattara venait à peine de laisser la place à Tinubu, il est empêtré dans ses embrouilles électorales en ce moment-ci et n’a pas l’esprit à la Cedeao. La voie royale était donc tracée pour le Président du Sénégal. Or, patatras !
D’où vient donc le faux pas ? On ne peut manquer ici de relever la nouvelle déroute de notre diplomatie, et le manque de prévision de notre cheffe de la diplomatie. Comment le gros calibre n’a-t-il pas pu envisager l’éventualité d’un gros coup de Jarnac au dernier moment ? D’autant plus que l’échec de Hott à la tête de la Bad était un signe que le Sénégal n’a plus la maîtrise de sa diplomatie de proximité. Saura-t-on pour qui a voté Alassane Ouattara cette fois-ci ? On ne peut croire que la diplomatie sierra-léonaise soit plus dynamique que la nôtre, d’autant qu’il y a deux jours encore, personne ne voyait la candidature de Julius Maada Bio à ce poste. Les choses se sont passées comme si d’autres en coulisse l’ont poussé à se présenter, justement, contre notre chef. Un coup de couteau dans le dos ?
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