La duperie politique selon Pastef : Quand l’esprit partisan trahit l’élan du dialogue

Chapô
Le Dialogue politique du 28 mai dernier, voulu inclusif par le Président Bassirou Diomaye Faye, a tourné à la manœuvre partisane. Si les termes de référence amendés avaient été acceptés par tous, y compris Pastef, la réalité des travaux a montré un refus net d’aborder les sujets les plus sensibles : libertés, droits humains, répression. Une dissonance qui jette une lumière crue sur la posture ambiguë du parti au pouvoir.
Un Président au-dessus de la mêlée
Depuis son arrivée à la tête de l’Etat, le Président Diomaye Faye a affiché une volonté de rupture, de réconciliation et d’apaisement. Le Dialogue politique du 28 mai, inscrit dans cet esprit, avait pour ambition de refonder les bases de la démocratie sénégalaise sur une logique de concertation.
Fidèle à cette vision, le Président avait tenu à ce que les termes de référence soient ouverts à l’amendement par l’ensemble des parties prenantes. Contrairement aux craintes initiales, les amendements proposés, notamment sur les droits humains, les libertés publiques et les questions mémorielles, ont été acceptés et intégrés au document final. Un signal fort, salué par de nombreux acteurs.
Mais ce geste d’ouverture s’est heurté à un refus pratique d’en débattre, une fois les travaux lancés. L’attitude du groupe de la majorité, dominé par Pastef, a été de faire barrage à toute discussion réelle sur ces sujets sensibles.
Une méthodologie verrouillée… après coup
Ce verrouillage ne s’est pas fait sur le papier, mais dans la réalité du dialogue. Si les thématiques étaient bien inscrites dans les documents de travail, elles ont été ignorées, contournées ou reléguées au second plan dans les commissions, en particulier dans celle dédiée à la démocratie, aux libertés et aux droits humains.
Le résultat est sans appel : seulement 26% de taux de consensus dans cette commission, un chiffre qui révèle l’intransigeance du camp au pouvoir face aux exigences de justice et de reconnaissance exprimées par les autres participants.
Ayib Daffé lève le voile sur la vraie ligne du parti
Cette posture a été confirmée publiquement par Ayib Daffé, Secrétaire général de Pastef, lors de son passage sur Tfm. Interrogé sur les objectifs du dialogue, il a déclaré : «Le Dialogue politique devait porter sur le processus électoral, le système des partis politiques, leur rationalisation et l’organe de gestion des élections.»
Rien sur les libertés, les violations des droits ou la justice. Cette déclaration éclaire rétrospectivement la stratégie de Pastef : accepter les amendements pour donner l’image de l’ouverture, mais n’en discuter que ce qui sert l’agenda électoral du parti.
Une vision réductrice du dialogue
Ce choix révèle une conception étroite du dialogue politique, réduit à une série d’ajustements techniques autour du Code électoral. Les grandes questions de fond -mémoire des répressions passées, avenir des libertés publiques, garanties constitutionnelles- ont été mises de côté. Le parti au pouvoir cherche-t-il seulement à rendre les prochaines élections incontestables, plutôt qu’à démocratiser en profondeur le régime ?
Une trahison de l’esprit du «Président au-dessus de la mêlée»
L’esprit initial voulu par le Président a été vidé de sa substance. Le dialogue, présenté comme un espace de vérité et de refondation, a été instrumentalisé par l’esprit partisan d’un parti Pastef devenu force de conservation. Les pratiques du passé -le refus du débat pluraliste, le contrôle de l’agenda, l’obsession du rapport de force- refont surface sous une nouvelle étiquette.
Un avertissement pour la suite
La désillusion des progressistes est grande. Le crédit politique dont bénéficiait Pastef, bâti sur des années de combat démocratique, risque de s’effriter rapidement si ces dérives persistent. Le Peuple sénégalais n’a pas lutté pour changer de maîtres, mais pour changer de système.
Il revient au Président de reprendre la main, de garantir que l’esprit du dialogue l’emporte sur les réflexes partisans. La rupture ne peut être seulement électorale. Elle doit être démocratique, institutionnelle, éthique.
Souleymane GUEYE