Ceux qui ont regardé la série Game of thrones connaissent le personnage du dieu multifaces avec sa capacité à changer d’apparence. Sonko tente d’instaurer dans la tête des Sénégalais, qu’il est à la fois Premier ministre, homme politique et simple citoyen qui doit jouir des différents droits afférents à ces titres. Un triple personnage à ranger dans quel tiroir ? Pour quelle protection ? Une sorte de Game of thrones !

 

Par Bocar SAKHO – La nouvelle sortie de Sonko est comme une tornade qui a mis le bazar sur la scène politico-judiciaire. Pris depuis 2021 dans un ouragan de procédures judiciaires que tout le monde pensait closes après le vote de la loi d’amnistie, il a réchauffé le climat après la saisine de la Cour suprême pour un rabat d’arrêt dans l’affaire Mame Mbaye Niang. Son live du mardi l’a ramené au milieu des bourrasques, en annonçant la poursuite de ce dossier avec une nouvelle saisine judiciaire dont personne ne mesure encore les répercussions.
Aujourd’hui, le temps impose une évidence : le président de Pastef marquera durablement la scène politique. Positivement ou négativement ? En tout cas, il est plus qu’un ambidextre, car il veut jouir des trois facettes de sa personnalité. Lors de la déclaration, il a tenté de jouer sur trois tableaux pour revendiquer ses droits dont certains auraient été confisqués par la Justice. Jusqu’où cela ira-t-il ?

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D’abord, le Premier ministre

Après un long séjour dans l’Empire du Milieu, le chef du gouvernement a fait un compte rendu détaillé de son voyage : signature de conventions de partenariat avec les hommes d’affaires chinois, rencontre avec les leaders du Parti communiste, audience avec des hommes d’affaires pressés d’investir au Sénégal. Dans les prochains jours, il a promis la publication d’un «Plan de redressement économique», pour boucher les trous «béants» laissés par le régime précédent. «On ne pleurniche pas», dit-il. Mais, il parle toujours de la situation économique du pays, de l’encours de la dette qui frôle les 100%.

Aujourd’hui, il promet un plan de redressement économique dans les plus brefs délais. «Ce sera un excellent plan pour sortir le pays de cette situation», assure le Premier ministre. Ce document viendra renforcer les idées du «Projet» et de la Stratégie nationale de développement Sénégal 2050. S’agira-t-il d’une version amendée des autres documents ? Sans doute, il sera la recette magique pour conjuguer définitivement au passé le capitalisme de prédation dont le Premier ministre déclare sans ciller avoir hérité, pour entrer dans le souverainisme. Les Sénégalais, frappés par la crise, espèrent qu’il s’agira de la pièce maîtresse du programme de relance économique et sociale du gouvernement qu’il dirige, après avoir été gratifié d’une confiance absolue avec un renforcement élargi des pouvoirs du Premier ministre par le chef de l’Etat qui a affirmé vouloir «d’un Premier ministre super fort».

Ensuite, l’homme politique
Aujourd’hui, Ousmane Sonko veut s’offrir un tour de piste victorieux sur le plan judiciaire. Après la décision de la Cour suprême, le leader de Pastef veut s’offrir un feu d’artifice politique en annonçant sa volonté de rouvrir le dossier Mame Mbaye Niang, pour lequel il a été condamné pour diffamation, et obtenir une vengeance judiciaire contre l’ancien ministre du Tourisme, qui l’a privé d’une participation à la Présidentielle qui a couronné son candidat élu grâce à son suffrage. Un destin auquel il se prédestinait. Cette dernière sortie fut un moment répétitif pour vider les contentieux toujours latents avec la Justice. Il a montré, en dépit des apparences, qu’il a toujours un goût de cendre dans la bouche. «C’est avec ce dossier qu’on a écarté ma candidature. Ce sont les mêmes magistrats qui sont à la Cour suprême, et je voulais qu’ils aillent jusqu’au bout de leur logique», assure Sonko, déterminé à poursuivre son combat.

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«J’ai écrit au ministre de la Justice, le 5 mars 2025, pour lui dire que je veux que la Justice prenne ses responsabilités. Il m’a répondu, le 26 mars, en disant que ma fonction de Pm va rendre difficiles d’éventuelles procédures. Le 2 avril, je dis que c’est le citoyen Sonko qui vous a saisi. Je n’ai peur d’aucun dossier. Je serai prêt à répondre devant la Justice pour qu’elle instruise les dossiers à charge et à décharge. Nos avocats vont saisir le ministre de la Justice, dès demain (hier), avec des faits nouveaux avec les rapports que nous détenons. Où est la personne qui nous accusait ? Elle a fui le pays. Il faut que la Justice sénégalaise soit à la hauteur des attentes des citoyens. Que le dossier soit rouvert, mais il n’a rien à voir avec notre inéligibilité. C’est un combat de principe. Je me bats pour que le pays change. Politiquement ou étatiquement (Sic) qu’on soit magistrat, Directeur général ou fonctionnaire. Je ne suis jamais allé chercher mes passeports, et on est venu me faire mes passeports diplomatiques et je voyage comme je veux. C’est la Justice qui se discrédite elle-même, même si on est tous d’accord qu’il y a d’excellents magistrats», tente de relativiser Sonko.

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En tout cas, le Premier ministre reste toujours agacé par la tournure des évènements. «On n’oublie pas ce qui s’est passé à cause de magistrats à qui on a donné des terrains et de l’argent pour m’empêcher d’être candidat. Cela a créé beaucoup de tensions, avec des morts et des emprisonnements», dit-il. Il ajoute : «On attend la Justice sur ces questions, sur des vols de milliards. Je n’ai jamais appelé un magistrat, ni un procureur. Je veux être indépendant. Comme ça, j’aurai la liberté de critiquer, parce que je ne pas serai pas lié par un poste de Premier ministre. Ni l’Etat ni un poste ne peut me changer.»

Enfin, le simple citoyen
En dépit de ses charges primatorales, Ousmane Sonko veut jouir de ses droits citoyens. Cette aspiration le pousse à sérier sa personnalité, voulant pousser les Sénégalais à faire le distinguo entre le Premier ministre, l’homme politique et le simple citoyen. Il l’a revendiqué en allant rendre visite à Azoura Fall en prison, lorsqu’il a été détenu pour injures publiques. Comment y arriver ? Il faudra recourir à un microscope pour faire la part des trois profils qui forment évidemment un seul personnage pourtant protégé par ses charges gouvernementales. Quel simple citoyen n’aurait pas été arrêté pour outrage à magistrat, après sa sortie d’hier ? A Rebeuss, à l’heure actuelle, de simples citoyens sont enfermés pour avoir dit moins que ce qui a été diffusé hier, concernant nos institutions et les personnes qui les incarnent actuellement.
Le Premier ministre sait donc pertinemment que, juché sur ses épaules, le simple citoyen Sonko sera toujours protégé par les fonctions primatorales contre tous ceux qui voudraient s’en prendre à lui.
bsakho@lequotidien.sn