Dans son nouveau single «Seuyou Djolof», l’artiste sénégalais Tex LBK ouvre une brèche dans le mur du silence conjugal. Epaulé par le chanteur et compositeur Ndary Diouf, il transforme ses années derrière l’objectif en une charge musicale douce, mais implacable contre les illusions du mariage.Par Ousmane SOW – 

Parfois, une chanson vaut tous les cris. Et avec Seuyou Djolof, sorti depuis le 2 avril dernier, Tex LBK ne chante pas pour faire joli. Il déplie les douleurs ordinaires, celles des femmes trop souvent abandonnées après la fête. «Que reste-t-il des rêves partagés une fois la cérémonie passée ?», interroge l’artiste. Une question lancée comme un coup de poing dans un espace social où les désillusions conjugales se vivent en silence. Pendant sept ans, entre 2015 et 2022, Tex a été photographe de mariage. Plus de 300 unions immortalisées, des sourires figés dans l’éternité numérique. Et puis, un jour, il voit l’envers du décor : des femmes qui reviennent, discrètes, presque gênées, pour lui demander de supprimer les images de leur mariage de sa page Facebook. «Trop de mariages s’effondrent et trop souvent, ce sont les femmes qui ramassent les morceaux», raconte-t-il. Sans doute, ce constat, glaçant de banalité, l’a poussé à écouter, à noter, à écrire. Non pas pour juger ou accuser. Mais pour témoigner. «Après un divorce, c’est la femme qui assume seule les enfants. Elle gère tout. Et pourtant, personne ne dit rien», dit-il. Et c’est à partir de ce silence social qu’est née Seuyou Djolof, une chanson qui refuse la complaisance et qui dénonce avec tendresse et lucidité, renseigne le communiqué de presse. Il invite alors Ndary Diouf à le rejoindre sur ce titre. Avec Seuyou Djolof, il veut réveiller. Avec tendresse, mais sans détours. L’alchimie s’est faite presque par hasard. Ce jour-là, Ndary Diouf, musicien au lyrisme reconnu, passe chez Tex. Il écoute le morceau en cours de gestation. Coup de foudre artistique. «Ndary, c’est un artiste qui te transporte», raconte Tex, admiratif. Ensemble, ils tissent un dialogue musical où l’un raconte et l’autre enveloppe. «La voix chaude de Ndary répond aux mots de Tex avec justesse», précise le communiqué. Et en effet, la fusion est vibrante. Le refrain, porté par l’expression «Sarap li », sonne comme un avertissement. Tex en fait une injonction aux hommes. «Avant de te marier, comprends ce que représente réellement une femme. Elle ne doit pas régresser à tes côtés. Si elle était à six sur dix avant le mariage, fais en sorte qu’elle atteigne neuf, pas cinq», insiste-t-il. La métaphore, brutale, traduit un ras-le-bol féminin trop peu relayé. Tex ne prêche pas. Il parle aux hommes comme à ses frères. Il rappelle que le rôle d’un mari dépasse largement les charges financières. Il faut rassurer, protéger, encourager. Pour lui, la musique n’est pas un prêche, mais un miroir. «Entre hommes, parfois, le message passe mieux. La musique permet ça. Elle soigne. Elle éveille», confie-t-il.
Depuis la sortie du titre, renseigne le document, «les retours pleuvent. Les femmes s’y reconnaissent. Certains hommes, eux, se sentent bousculés. Et c’est voulu. Car c’est dans l’inconfort que naît parfois la remise en question. Plusieurs hommes ont d’ailleurs écrit à Tex pour lui dire qu’ils n’avaient jamais vu les choses sous cet angle». Tant mieux. D’autres s’interrogent sur le mot «Sarap li», le trouvent brutal. «Il l’est. Mais il fallait ça», répond Tex. Car pour lui, «les femmes sont fatiguées. La société les fatigue. Le mariage les fatigue. Il faut que nous, les hommes, en prenons conscience». Ce morceau, ajoute le document, «est aussi une main tendue, un appel à la solidarité masculine envers celles qui, chaque jour, tiennent debout pour deux».
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