Situé à l’extrémité ouest du pays et frontalier avec le Mali et la Mauritanie, le département de Bakel, traumatisé par les dernières inondations provoquées par la crue du fleuve Sénégal, manque absolument de tout. Mapaté Sy, président du Conseil départemental de Bakel, déplore le manque d’infrastructures sociales de base dans la collectivité territoriale. Et les populations, pour se soigner, sont obligées de sortir du territoire départemental. Sans oublier l’enclavement des principales contrées et l’absence de médias pour relayer l’information. Dans cet entretien, il demande à l’Etat de mettre en place un Plan d’actions prioritaires (Pap) pour sortir Bakel de l’ornière.Avec le début de l’hivernage, est-ce que les craintes d’inondations sont réelles cette année après la crue de 2024 ?

C’est une peur bleue qui nous habite toujours. Surtout avec la météo qui annonce une année pluvieuse. Nous gardons intacts les tristes souvenirs des inondations de l’année dernière. Des centaines d’hectares ont été engloutis dans les eaux, des maisons effondrées, des familles entières restées sans toit. Beaucoup de gens vivent jusque-là dans des tentes, déboussolés et désœuvrés. Nous interpellons encore l’Etat. Sur le plan de l’appui en denrées alimentaires et produits d’entretien, l’Etat a fait dans la diligence. Aussitôt après la catastrophe, des dizaines de camions, remplis de produits de toutes sortes, avaient rapidement rallié Bakel pour soulager les populations. Aujourd’hui, ce qui urge, c’est de travailler à ce que les populations ne vivent plus le même calvaire.
Figurez-vous que les producteurs des zones impactées n’ont rien récolté l’année dernière. C’est dur. L’Etat doit réaliser des digues de protection et surtout mettre en œuvre le projet de réalisation des mares. Sans quoi, les populations ne sont pas encore sorties de l’auberge. Il y a juste une semaine, les chefs de village se sont retrouvés pour adresser une lettre au ministre de l’Hydraulique, afin de lui demander d’instruire le directeur de l’Office des lacs et des cours d’eau (Olac) pour réaliser des mares qui pourront recueillir le trop-plein d’eau du fleuve. Ces mares, une fois réalisées, pourront non seulement jouer un rôle dans la lutte contre les inondations, mais seront aussi de véritables sources d’emplois. Il y est prévu 9000 emplois directs, 18 000 tonnes de poissons pourraient y être pêchées, sans compter les unités de potabilisation d’eau qui vont y être implantées. Ce qui permettra d’alimenter plusieurs villages qui, aujourd’hui, malgré l’existence de la Falémé, ont soif.

Qu’en est-il du projet de dépôt des produits pétroliers et gaziers ?
En tout cas, nous l’attendons toujours. Nous espérions qu’il verrait le jour en 2024. Que nenni ! Nous avons reçu plusieurs missions de la Petrosen. Le Gouverneur de Tamba­counda d’alors, Oumar Mamadou Baldé, avait même organisé un Comité régional de développement spécial à Bakel dans ce sens. Mais jusque-là, rien n’a évolué.
Bakel est la porte d’entrée du Mali vers le Sénégal à travers Kidira. Plusieurs centaines de camions sont enregistrés chaque jour à la frontière, tous en provenance du Mali. Un tel projet contribuerait grandement dans la lutte contre les nombreux accidents notés dans la circulation. Mieux, il permettra à nos routes de durer encore plus longtemps. Car les nombreux camions qui rallient chaque jour Dakar pour du carburant pourront s’approvisionner à Bélé, là où est prévue l’installation du dépôt des produits pétroliers et gaziers. Ça va drastiquement diminuer le nombre d’accidents et impacter positivement l’état des routes. Au-delà de tous ces aspects, il y a l’impact sur la création d’emplois. Des centaines d’emplois vont naître avec la création de ce dépôt.

La non-disponibilité des fonds de concours aux collectivités territoriales impacte votre engagement ?
Ça a négativement impacté le fonctionnement des institutions. Vous savez, les collectivités territoriales dépendent pour beaucoup de ces appuis. Les conseils départementaux n’ont pas de ressources propres comme les mairies. Ils sont grandement tributaires des fonds alloués par l’Etat. Vous imaginez donc si ces fonds tardent à être libérés, quel impact ils auront sur le bon fonctionnement des institutions. Jusqu’au moment où je vous parle, nous n’avons rien reçu. N’empêche, nous faisons avec les moyens du bord. Nous avons été élus par les populations, quoiqu’il advienne, nous essayons de satisfaire leurs besoins.
Récemment, nous avons remis des motopompes aux producteurs impactés par les inondations de l’année dernière, des moulins à mil à des groupements de femmes et plusieurs rouleaux de grillage. Nous interpellons l’Etat pour une discrimination positive en faveur des conseils départementaux, car les mairies, elles, ont des ressources propres.
Le département de Bakel fait 6000 km². Le Conseil départemental n’a même pas de véhicule. Vous voyez bien la difficulté. Les tournées, je les mène avec mon propre véhicule. C’est vraiment difficile. D’où mon appel lancé aux nouvelles autorités à faire en sorte que Bakel dispose d’un plan de développement spécial.
Je terminerai en appelant les autorités centrales à travailler à reloger les victimes des inondations. Beaucoup de sinistrés logent toujours dans des tentes. Avec la météo qui annonce un hivernage pluvieux, si rien n’est fait, les dégâts risquent d’être pires. Il faut trouver une solution à ce problème de manière urgente.
Il était annoncé la construction d’un village de recasement, dénommé Village Diomaye, pour reloger les sinistrés. Que ce projet s’accélère pour les nombreuses victimes.

Qu’en est-il du projet de construction d’un établissement public de santé de niveau 2 ?
Je l’ai dit et décrié partout : Bakel est le seul département du pays qui se soigne hors de sa capitale régionale. C’est vraiment dommage. Nous sommes à 250 km de Tambacounda, la capitale régionale. Nous ne pouvons pas y aller tout le temps. La localité la plus proche, c’est Ourossogui, et elle est à 150 km. Elle dispose de 3 hôpitaux à elle seule, au moment où Bakel n’en a pas un digne de ce nom. Il ne se passe pas un seul jour sans que des cas d’évacuation ne soient notés. Malheureusement, avec des cas de décès du fait de l’éloignement. En ce 21ème siècle, ce n’est pas normal que des pertes en vie humaine soient enregistrées faute de structures sanitaires adéquates. C’est aberrant !
Il faut une discrimination positive pour Bakel et ses habitants. Nous interpellons le président de la République et son Premier ministre, Ousmane Sonko. Nous leur disons juste que nous voulons nous soigner. Il suffit juste d’une simple fracture au doigt pour être évacué à Ourossogui ou à Tamba. Vous pensez que c’est normal pour la localité chef-lieu du département ? Les populations de Bakel réunies réclament un hôpital digne de ce nom, avec toutes les spécialités.

Il y a une doléance qui vous tient à cœur : vous lancez quel appel à l’endroit des patrons de presse contre l’enclavement médiatique de Bakel ?
Malheureusement, nous n’avons que l’Agence de presse sénégalaise et la Rts radio comme médias à Bakel. C’est regrettable, et pourtant, il y a de la matière dans la zone. Nous lançons un appel solennel à tous les patrons de presse de venir implanter leurs organes dans le département. Ce qui contribuera à son essor. Bakel est un grand carrefour, avec une diversité culturelle extraordinaire, et il a besoin d’être vendu. Nous sommes frontaliers avec le Mali et la Mauritanie, il y a tellement de choses à dire et tellement de choses à montrer et à vendre dans la contrée. J’appelle tous les patrons de presse à faire comme l’Aps et la Rts, pour contribuer à la promotion du département.