C’est avec un immense intérêt cumulé à une profonde joie que j’ai lu la première Lettre pastorale de Mgr André Guèye, Archevêque métropolitain de Dakar. Par son intitulé «La paix soit avec vous», la missive montre l’attachement de son auteur à la paix, première vertu dans une société civilisée régie par l’immanence du Droit et la Transcendance divine. Mgr Guèye prie que la «paix inonde nos cœurs, nos vies, nos familles, nos relations et nos communautés» ; ceci dans une ère où les bouleversements dans notre pays préoccupent tout esprit attaché à la paix civile ; et ceux au-delà de nos frontières, à Gaza, au Congo, au Soudan, en Ukraine et dans tant d’autres ailleurs, fragilisent la Maison Commune. Trop de veuves et d’orphelins versent des larmes sur des poitrines décharnées parce que les bombes et les fusils parlent plus que la musique de l’amour et de la fraternité.
Mgr Guèye nous annonce qu’il a écrit sa Lettre pastorale de Rome, où il recevait des mains du Saint-Père, le Pape Léon XIV, déterminé à marcher sur le chemin de la vision synodale de l’Eglise, le précieux Pallium. Ce Pallium, symbole du lien de tous les ministres avec l’Eglise universelle, mais aussi bâton pastoral confié au berger des âmes dans sa province ecclésiastique et au milieu des siens. Dans le cas du Sénégal, terre des accords fertilisants et des brassages sublimes, l’expression «les siens», pour Mgr Guèye, renvoie aux Musulmans et aux Chrétiens, unis dans une même ferveur et dans un même esprit fraternel dans la cause du Très-Haut.
De la Cité éternelle romaine donc, l’Archevêque de Dakar nous enjoint à sacraliser la paix, à être les relais du message des Ecritures Saintes et à être des diseurs de vérités et des professeurs de la Bonne Parole. La Bonne Parole, souffle du Créateur Unique ; celle qui ne désunit pas, celle qui ne déshonore pas, celle qui apaise plus qu’elle n’indexe l’autre.
Le Livre Saint des Musulmans ne dit pas autre chose que l’Evangile ; Lui qui prescrit en même temps qu’il invite et ordonne : «Et cramponnez-vous tous ensemble au «Habl» (câble) d’Allah et ne soyez pas divisés ; et rappelez-vous le bienfait d’Allah sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos cœurs. Puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères» (89 :103).
J’ai particulièrement retenu l’insistance de Mgr Guèye sur la justice et la paix, deux vertus sans lesquelles tout processus vers le progrès, le bonheur et la félicité est illusoire. «La paix est l’œuvre de la justice», disait Jaurès.
Nous ne saurions bâtir un Sénégal de paix et de prospérité si la justice, un des plus précieux intrants de la vie en société, est bafouée. La loi du plus fort ne saurait être la meilleure ; et son application hasardeuse et irréfléchie conduira fatalement et irrémédiablement au délitement de l’Etat et à la lassitude de celles et ceux qui forment le grand peuple des oubliés et des opprimés ; ces pauvres âmes, éternelles victimes des puissants et des bourreaux sourds à la clameur du Peuple.
Face aux tourments du monde, la tentation du désespoir est réelle. Partout les balles crépitent et les cris des dominés fusent sans que ni les hommes de pensée ni le Droit international ne viennent constituer un rempart face à la violence de l’absolutisme et à l’horreur de l’injustice. Dans cette nuit noire, la missive de Mgr Guèye constitue une éclaircie tant elle nous invite à nous tenir droits, fermement dressés sur la digue de l’espérance. Mgr Guèye nous rassure : «Restons fermes dans l’espérance (cf. He 6,19) qui ne déçoit pas (cf. Rm 5, 5).»
La parole de cet homme de foi, de paix et de sagesse ne saurait conduire vers l’impasse. Or donc, je fais mien son appel et je tiens, certes inquiet et tragique, sur la corde de l’espérance.
Ps : Dans mes multiples lectures de la Lettre pastorale, j’ai été touché par l’invocation récurrente par l’auteur de l’Archevê-que émérite, Monseigneur Benjamin Ndiaye. En honorant ainsi son prédécesseur dans le ministère ecclésiastique, Mgr Guèye nous honore, nous Sénégalaises et Sénégalais, filles et fils de Mgr Ndiaye. Mais il ne saurait en être autrement venant de lui, évêque de terrain douze années durant, car un grand homme d’Etat avait l’habitude de rappeler ceci : «Les fils de l’histoire ne se coupent jamais.»
Nous réitérons nos vœux d’une mission utile et apaisée au service de l’humanité au bien-aimé Mgr André Gu-ye, Archevêque métropolitain de Dakar.
Hamidou ANNE
Auteur, militant