Afrique du Sud – August House : La grande colocation d’artistes en plein centre de Johannesburg

Le centre-ville de Johannesburg en Afrique du Sud, autrefois quartier des affaires animé, est aujourd’hui devenu un lieu énigmatique : le crime a pris de la place, avec la présence de gangs et de toutes sortes de trafics, mais c’est toujours un haut lieu de culture. Si depuis la fin de l’apartheid, le secteur économique s’est déplacé vers le nord de la ville, les artistes, eux, sont restés fidèles au centre. On y trouve de nombreuses résidences d’artistes, parfois juste en face d’immeubles squattés. Dans l’August House, les peintres s’inspirent de ce centre-ville abîmé et donnent de l’espoir en mettant l’art en plein cœur de la ville.
Pour entrer dans ce grand immeuble du centre-ville, il faut ouvrir une petite porte en verre. Puis direction l’ascenseur. Premier arrêt dans l’appartement de Shandre, qu’elle occupe depuis un an. «Mon matelas est posé sur le sol. Autour, il y a mes chaussures. Et ici à gauche, c’est ma petite collection de livres avec tous mes romans préférés. Et ça, c’est un mannequin avec ma tenue de diplômée. Parce que je viens tout juste d’obtenir mon diplôme.» Comme une cinquantaine d’artistes, la jeune diplômée de 26 ans habite ici, dans une grande pièce éclairée par le soleil, où les pinceaux côtoient les ustensiles de cuisine. «On a de grandes fenêtres qui donnent sur la ville. Pour moi, c’est important parce que je travaille sur l’identité. En Afrique du Sud, il y a un problème de xénophobie. Et juste en bas de l’immeuble, ici, il y a beaucoup d’immigrés qui travaillent. Très souvent, je vois la police arriver, juste sous mes yeux. Ils viennent pour tout leur confisquer, les légumes, les fruits, tout ce qu’ils ont. Je trouve ça vraiment inhumain. Ce sont des scènes qui m’inspirent, car c’est un sujet que j’aborde dans mes œuvres. C’est donc important pour moi de vivre ici, pour voir ce qui s’y passe.»
Le jazz en peinture vu du Township
A chaque nouvel étage, une nouvelle porte dévoile un nouvel univers, comme celui de Kamogelo : un jeune papa, son fils est d’ailleurs devant la télé ce jour-là. Parce que dans ces appartements, les canapés du salon cohabitent avec les peintures inachevées. «Tout ce qu’il y a au sol, vous pouvez marcher dessus, ne vous inquiétez pas ! Donc juste ici, ce sont mes peintures sur le jazz. Pour cette série de tableaux, je m’inspire du Township d’où je viens. Là-bas, il y a des anciens qui se réunissent tous les dimanches. Qui apportent leurs collections de disques de jazz et qui accompagnent la musique avec leur danse. C’est une pratique qui date de l’époque de l’apartheid. Et je m’en inspire.» A l’image de cet immeuble dont le loyer est d’environ 350 euros par mois, on trouve une dizaine d’immeubles comme celui-ci à Johannesburg. Comme de grandes colocations d’artistes. Tous sont situés en plein centre-ville. «Le rôle d’un artiste, c’est d’inspirer les gens et de changer l’image que l’on a des choses. Il s’agit de raconter de belles histoires. Dans le centre-ville, oui, il y a de la criminalité ! Mais il y a aussi beaucoup de beauté, et c’est cette beauté que nous devons partager en tant qu’artistes», avance Kamogelo.
«Chaque pièce abrite un cœur, avec une histoire unique»
Au dernier étage, se trouve un groupe d’étudiants internationaux en plein cours de dessin. Melissa est derrière une porte en bois blanche : «En temps normal, c’est plus calme qu’aujourd’hui. Ici, c’est une échappatoire qui me permet de me vider l’esprit. Et les autres artistes vous inspirent, vous encouragent. Je n’avais jamais connu ça auparavant, quand je travaillais dans mon coin.» «Et comment pourriez-vous décrire ce bâtiment en une seule phrase ?» «Je dirais que c’est une sorte de labyrinthe sombre. Et dès que vous ouvrez une porte, vous entrez dans une pièce lumineuse, avec de la couleur et de l’inspiration. C’est magique ! Chaque pièce abrite un cœur, avec une histoire unique», développe Melissa. August House, où la Maison Auguste en français, un immeuble de Johannesburg où tous ces artistes inspirés vivent ensemble et font battre, quotidiennement, le cœur de la culture.
Rfi