Tous les métiers du monde sont nobles. L’essentiel, c’est de subvenir à nos besoins avec honnêteté et respect. Mais il est des métiers qui inspirent, motivent et forcent l’admiration en raison de leur impact sur notre communauté. Celui des hommes de tenue en fait partie. Le port de l’uniforme d’un gendarme, policier, militaire fut parmi nos rêves d’enfance. Chacun de nous est nostalgique des beaux souvenirs du jour de l’indépendance, des défilés de nos vaillants militaires, des Enfants de troupe de l’école Charles N’Tchoréré, de nos braves anciens combattants, ainsi que des charmantes majorettes dans les parages de la Place de l’Obélisque, sous le regard attentionné du Chef suprême des Armées, des homologues et des hautes autorités de la Nation. Chaque pas marqué par un militaire éblouissait tout citoyen. Dans une parfaite harmonie, le concours de leur clairon donnait des frissons aux spectateurs. Toutes les générations ont adulé les hommes de tenue et ce, dès leur plus jeune âge. Rien n’est plus beau que se revêtir d’un uniforme ayant en bandoulière l’éthique, la résilience, la bravoure et être prêt à servir son pays.
Le Sénégal, pays de l’Afrique de l’Ouest ceint par un cercle de feu, ne cesse d’être glorifié pour sa stabilité sociopolitique qui l’épargne, depuis belle lurette, des instabilités guettant pas mal de pays confrères. Cette aubaine, il la doit sans nul doute à sa cohésion sociale, à ses cultures diverses, au dialogue islamo-chrétien, mais surtout à la neutralité politique et la posture républicaine de son Armée. Leur professionnalisme avéré émane de leur formation de qualité. Nos cadres sont la plupart formés dans les meilleures écoles militaires comme Saint-Cyr ou encore United States Air Force Academy.
L’Afrique a connu plus de 100 coups d’Etat. Même si le Sénégal reste toujours une exception, son aventure n’a pas toujours été linéaire si l’on se rappelle le magistère de Senghor et de Diouf. N’eût été la neutralité, le professionnalisme, l’expertise et l’intelligentsia militaires, on ne parlerait pas aujourd’hui d’une troisième alternance, ou de s’intéresser aux questions énergétiques et aux finances publiques. De brillants cadres ont été décisifs au cours de ce périple, en faisant preuve de retenue tout au long de leur parcours. Des commis de l’Armée, à l’instar du Chef d’Etat-major général des Armées Amadou Fall ou Jean Alfred Diallo, Idrissa Fall, Joseph Louis Tavarez Da Souza, Mamadou Sow, marqueront inéluctablement notre pays. Du côté de la gendarmerie, nous pouvons citer le Général Moussa Fall, qui a un parcours riche et très inspirant. On ne peut pas occulter l’opération Fodé Kaba II en 1981 en Gambie, la prouesse du Capitaine Mbaye Diagne lors du génocide rwandais en 1994. Forts de ces richesses, les Sénégalais doivent s’enorgueillir de nos hommes de tenue.
Cependant, il serait judicieux de s’interroger sur les relations entre les civils et ces derniers. Le doute s’installe, des fois, si l’on observe la manière dont les subalternes se comportent. L’homme de tenue dans nos pays africains est déifié. Le civil a peur de lui. Contrairement aux pays européens, il est tout le temps intimidé par le policier ou le gendarme. Or, ces derniers sont censés le protéger. Quel paradoxe ! Ils s’expriment souvent avec un langage marqué par une arrogance extrême, une condescendance exacerbée que rien ne justifie. Le gendarme ou le policier dédramatise les propos tenus à l’encontre de l’administré. Nous sommes habitués d’entendre de leur part ces mots : «dégage», «bordel», «foutez le camp», entre autres. Le port de l’uniforme ne confère pas un droit de vie et de mort sur le civil. La posture d’autorité ne justifie pas le manque de respect et de considération. L’autorité ne se force pas, elle ne se quémande pas non plus. Elle s’acquiert de manière respectueuse et spontanée. Les Forces de défense et de sécurité (Fds) gagneraient beaucoup plus à mieux approcher les civils.
Beaucoup d’entre eux ne savent pas communiquer. Ils utilisent un jargon démodé qui ne traduit pas une véritable considération, mais plutôt un mépris manifeste. On a l’impression qu’on est toujours dans la période coloniale : un policier qui parle à un civil, c’est comme un commandant de cercle qui parle à un chef de canton. Doit-on rappeler que cette époque est révolue, que les droits de l’Homme occupent, de nos jours, une place non négligeable ? Parler des comportements des hommes en uniforme revient à pointer du doigt certaines autorités administratives. Pourtant formés au sein des écoles les plus prestigieuses du Sénégal, leur comportement reflète une réalité longtemps tue. Ayant reçu une formation où la droiture, l’éthique, le respect et la considération envers l’administré sont érigés en ligne de mire, leur communication est à l’antipode des valeurs inculquées. Une bonne communication favorise une complicité entre l’Administration et les administrés. Ces deux groupes sont condamnés à vivre ensemble en très bons termes. Leur collaboration est un impératif. Elle permettrait à l’Administration de mieux comprendre les attentes des administrés.
A ces derniers aussi de respecter les exigences de l’Administration.
Récemment, la vidéo montrant l’altercation entre le Préfet de Kaolack et le maire de la même localité en est une parfaite illustration. C’est aussi le quotidien du chauffeur de Ndiaganiao et du commerçant de Fatick. Etant de simples êtres humains avant de porter l’uniforme, certains écarts de comportement sont parfois compréhensibles face à la pression sociale, l’immensité des tâches, l’entêtement et l’indiscipline du Sénégalais. L’erreur est humaine. Des fois, les problèmes sociaux prennent le dessus sur les exigences professionnelles. Chose qui peut refléter des comportements non souhaitables. Un rappel de la place du civil est aujourd’hui plus qu’urgent. Le même citoyen rabaissé est parallèlement le premier contribuable. Ce sont à travers leurs contributions que sont rémunérés les hommes en uniforme. Si l’Administration était un panthéon, l’usager serait le roi. La logique voudrait qu’elle se soumette à lui, cède à ses caprices, mais aussi le rappelle à l’ordre à chaque fois que de besoin. Avec la nouvelle alternance, doit souffler au Sénégal un vent de renouveau reposant sur une stabilité forte, guidé par un climat de paix durable et caractérisé par une inclusion et une entente réelles. Pas longtemps, nous avons traversé des périodes sombres, avec les tensions politiques de mars 2021 à 2024. Des périodes qu’aucun Sénégalais ne souhaite revivre. Quatre années de tensions, de violences, de perturbations, empreintes d’une haine des civils envers les policiers, et vice-versa. Des relations séculaires et fraternelles nous lient avec les policiers et les gendarmes. Ce sont nos frères et sœurs qui exercent ces métiers élogieux. L’heure est alors venue de pacifier les relations, de partir d’une approche inclusive en renforçant les rapports civils-policiers, et de consolider le concept Armée-Nation. Le rôle de l’homme en uniforme, c’est de protéger les civils et de garantir la sécurité et l’intégrité territoriale. Si l’on est à l’abri de toute attaque tant sur le plan interne qu’externe, nous le devons à nos vaillants hommes de tenue. Il existe, par ailleurs, un rapport de commandement-obéissance que doivent accepter toutes les deux parties en tenant compte de la valeur et de la dignité humaines. Quant au civil, un respect de l’ordre établi est plus que nécessaire. On ne peut pas continuer à être dans l’illégalité, à déroger aux règles fixées et à promouvoir les comportements subversifs.
Cela dit, il faut que policiers et civils, gouvernants et gouvernés s’unissent afin de bâtir un nouveau Sénégal où le respect mutuel, la considération mutuelle ne seront pas de vains comportements, mais de véritables actions qui dictent nos attitudes à tous les niveaux.
Medoune SALL
Etudiant en Master 1 Droit public, Ugb