Qu’est-ce que l’Etat de Droit ?

L’Etat de Droit est un Etat où tous les citoyens, y compris les autorités publiques, sont soumis au Droit. De plus, l’Etat de Droit est un Etat où la Justice est indépendante, encadrée par la Constitution et garante des libertés fondamentales. Tandis que le droit de l’Etat est un système où le pouvoir politique dicte sa loi sans contre-pouvoirs. C’est précisément ce dernier modèle que le député Amadou Bâ et le président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, entendent instaurer au Sénégal. Ils foulent aux pieds les normes supérieures de la Constitution et les principes républicains. C’est grave et dangereux à bien des égards.

La menace de l’Extrême-droite contre les magistrats
L’Extrême-droite progresse partout dans le monde : de la France à l’Italie, jusqu’au Sénégal. Elle partage le même narratif et le même projet : démanteler l’Etat de Droit. Voilà le visage de ces nouveaux fascismes qui rôdent dans nos sociétés. L’Extrême-droite nourrit une haine viscérale à l’égard des juges qui appliquent les lois conformément à la Constitution. Les partis de cette famille politique veulent des magistrats qui se soumettent à leurs desiderata et caprices, afin que leurs projets fascistes puissent émerger.

Pastef, une formation politique d’Extrême-droite
Au Sénégal, pays du Président Léopold Sédar Senghor, homme universel et humaniste, le parti qui a épousé sans réserve les valeurs de l’Extrême-droite est Pastef. Cette formation politique a popularisé, au sein du corps social sénégalais, un discours basé sur les passions tristes, les vérités alternatives et la théorie du complot.

Le projet de ce parti n’est pas seulement autoritaire, il est aussi revanchard. A entendre le juriste du projet et le «semi-analphabète», ils veulent s’en prendre à tous les magistrats qui ont empêché l’insurrection, bloqué l’adoption de la loi interprétative d’amnistie et confirmé la condamnation pour diffamation de leur chef, entre autres. A celles et ceux qui ne le savent pas, le revanchisme relève d’un registre de discours propre à l’Extrême-droite.

Au regard de sa conception de la démocratie et de la République, le parti Pastef est bel et bien une formation politique d’Extrême-droite. Certes, il compte dans ses rangs quelques vieux marxistes-léninistes déçus, qui ont longtemps rêvé du grand soir et d’une revanche contre la France. Mais cette présence ne change rien au fond : Pastef s’inscrit bel et bien dans la tradition de l’Extrême-droite. Que cela choque ou dérange n’y change rien.

Dans l’imaginaire politique, l’Extrême-droite renvoie à l’autoritarisme, au nationalisme, à l’exclusion, au rejet du pluralisme et à la détestation des institutions républicaines. Pastef a dans sa besace tous ces qualificatifs qui le logent dans le camp des ennemis de la République. Les deux députés antirépublicains cités plus haut en sont l’illustration. Ils ont clairement montré les contours du projet qui se résume à ceci de pire : un programme coercitif, un dessein de renversement de la démocratie et de l’Etat de Droit. Dans un langage moins savant, ce projet vise à transformer les structures de l’Etat par la mise en place d’une administration répressive et radicale, façonnée sur mesure pour leur homme fort.

La faillite morale des intellectuels pétitionnaires
Ce qui est triste et révoltant, dans la nuit noire qui s’annonce au Sénégal face au péril fasciste, c’est le silence des intellectuels qui signaient autrefois des pétitions au nom de l’Etat de Droit. Où sont passés le collectif des 102 ou celui des 117 universitaires ? Face aux appels incessants de Pastef à remplacer l’Etat de Droit par le droit de l’Etat, j’espère qu’ils auront au moins la décence de se taire lorsque toutes les digues céderont. Mieux encore, ils pourront déserter les amphithéâtres, car ils n’auront plus aucune utilité pour la société.

A quoi bon avoir des universités si elles ne parviennent plus à former des citoyens instruits, capables de penser de manière critique ? A quoi servent des universités si elles sont incapables d’analyser les phénomènes sociaux et politiques avec distance et rigueur ? A-t-on besoin d’universités si elles ne peuvent plus nommer la menace existentielle pour la République, ni pointer les monstres qui surgissent dans l’espace public ?

Felwine Sarr, intellectuel décolonial, pétitionnaire et défenseur de l’Etat de Droit, disait, en guise d’introduction de son émission Chronique d’un temps politique, les mots suivants : «L’université se fait une profession de vérité. Elle se doit de comprendre la réalité sociale et de l’éclairer. Et son éthique lui commande de ne pas mentir sur ce qu’elle sait.»
Quelle honte !
Birane DIOP