L’Etat pastéfien est très souvent dans l’abstraction, au sens où il s’écarte le plus souvent du réalisme économique pour des choix de politiques économiques idéalistes, comme s’ils avaient l’illusion d’être dans un pays autosuffisant (souverainisme). Il ne s’agit pas de vouloir financer le développement par ses propres moyens, mais d’avoir la capacité de pouvoir le faire de façon autonome. Or, la réalité en est que nos pays au Sud du Sahara ont des capitaux encore faibles, justifiant notre relative dépendance aux capitaux étrangers, en dépit, pour le Sénégal, de la survenue assez récente de l’exploitation du pétrole et du gaz qui est une bouffée d’oxygène, sans pour autant qu’elle soit suffisante pour nous permettre de voler de nos propres ailes. Cette contrainte majeure situationnelle doit principalement dicter la politique économique du Sénégal qui reste  toujours vulnérable aux variations des cours mondiaux du dollar, des prix des biens et services ou crises climatiques ou sanitaires.

Si bien que la seule alternative valable pour nos économies en situation, c’est  d’opter pour une politique volontariste d’attrait de capitaux étrangers pour des investissements directs, mais aussi de pouvoir coupler  cette politique d’attractivité par la propension à réaliser des  investissements publics structurants assez conséquents, surtout dans le domaine des infrastructures et du secteur primaire à travail intensif. La seule manière de réaliser ce double objectif, c’est d’avoir une politique économique basée non pas  sur un modèle économique d’accroissement strict des recettes de l’Etat à travers la fiscalité qui, au demeurant, n’est qu’une autre manière d’amoindrir la capacité d’investir des entreprises, mais de creuser le déficit budgétaire à des niveaux soutenables pour  encadrer un endettement viable. Car c’est l’investissement qui booste la croissance, et le tout impôt freine la capacité d’investir et ralentit la croissance.

Si on pouvait obtenir aujourd’hui le rééchelonnement de la dette publique du Sénégal afin de réduire sensiblement son service, en plus d’un cash-flow important de la Communauté internationale à travers le Club de Paris, ce qui est parfaitement dans nos cordes, le tour sera joué pour une bonne remontée des finances publiques et de l’économie sénégalaise. Ces arrangements à notre portée, parce que plusieurs fois obtenus avec les bailleurs de fonds (la Bm qui a eu à effacer une partie de la  dette publique sénégalaise), sont tout à fait dans nos cordes, mais cela suppose la restauration de la confiance avec les partenaires internationaux et le secteur privé national. La confiance est la seule variable non aléatoire principale dans toute modélisation, au point que la préoccupation essentielle de nos gouvernants devrait reposer sur un bon environnement des affaires.

Au demeurant, le Fmi n’a pas utilisé les termes de falsification ou maquillage des chiffres dans sa récente revue des finances de l’Etat, mais a utilisé dans sa communication l’expression d’une dette non répertoriée, ce que certains appellent «dette cachée» ; la nuance étant importante. La dette non répertoriée est celle qui existe hors circuit budgétaire, provenant du secteur parapublic ou d’autres actifs et portefeuille de l’Etat avec la titrisation, qui est une ingénierie financière innovante existant dans le circuit bancaire pour capter des fonds.
C’est une pratique courante dans l’écosystème bancaire au sein de l’Uemoa. Il faut faire attention au sens des mots qui n’ont pas les mêmes significations et qui pourraient nous plonger dans des discussions sémantiques, au point que certaines questions renvoient le plus souvent à des considérants doctrinaux. L’approche keynésienne de résolution des crises économiques et financières s’appuie sur le creusement du déficit budgétaire pour relancer la machine économique par des investissements structurants, en ce qu’il permet l’accroissement de l’offre nationale de production de biens et services, et de la demande nationale de consommation. La dette étant considérée comme n’étant pas un problème, c’est l’absence d’investissement qui est le vrai problème.
Kadialy GASSAMA
Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque