La France, partie au petit trot, revient au grand galop

Quelques semaines après la cérémonie solennelle de remise des dernières emprises des soldats français aux officiels sénégalais, accompagnée des vivats des souverainistes et des matamores du «France dégage !» dont le triomphe en est même modeste pour l’occasion, deux nouvelles nous tombent sur la poire.
D’abord, ô stupeur, le Premier ministre Ousmane Sonko et quelques membres de son gouvernement vont aller en séminaire inter-gouvernemental.
En français facile, les hauts fonctionnaires sénégalais vont aller apprendre à mener la barque Sénégal auprès de leurs collègues de l’Hexagone. Ce n’est pas dans ce genre d’agapes qu’on peut se permettre des sorties au vitriol sur le massacre des Tirailleurs sénégalais à Thiaroye, n’est-ce pas ? Il sera sans doute question de l’art et la manière de s’endetter sans stress, supporter ses charges sans brader ses bijoux de famille, entre autres artifices dans les jeux d’écritures en comptabilité publique…
Toute la communication autour de ce séminaire ne précise pas de date. Prudence raisonnable ? Le Premier ministre français et son gouvernement sont dans le collimateur de l’opposition parlementaire et courent le risque d’une motion de censure qui les enverrait au chômage. Raison pour laquelle François Bayrou posera la question de confiance au Parlement français ce 8 septembre 2025.
On devrait peut-être lui fournir une ceinture magique de Cheikh Bara pour survivre à cette mauvaise passe ?
Parce que si ça casse et qu’il se fait jeter, cet impair reportera alors le séjour parisien de notre vénéré Premier ministre aux calendes grecques… Chienne de vie !
Apparemment, ce potentiel coup de Jarnac proviendrait de la France Insoumise, entre autres indignés, comprenez le parti de Jean-Luc Mélenchon, l’opposant français que le Premier ministre sénégalais se fait un honneur d’inviter à l’Ucad avant tout le monde, dès l’avènement de Pastef.
On n’est jamais trahi que par les siens ?
Quand Senghor disait en 1978 à propos des Sénégalais, «à chacun son Français, et à l’occasion sa Française», jamais je n’aurais cru qu’il voyait aussi loin.
Un séminaire intergouvernemental franco-sénégalais n’est pas une première certes, mais là, on est bien loin de l’époque où l’opposant exalté Ousmane Sonko, apôtre du souverainisme et panafricaniste intransigeant, exige devant une foule en liesse que la France ôte son genou de notre cou. Traduction : Marianne, cette immonde sangsue, nous pompe notre sang, que dis-je, nos richesses jusqu’à l’asphyxie.
Manifestement, côté sénégalais, le ton s’est vachement adouci.
Lorsque le Président français Emmanuel Macron annonce urbi et orbi le retrait des troupes françaises d’Afrique, notamment du Sénégal, une décision française qu’il laisse le soin de faire annoncer par les chefs d’Etat africains, «par courtoisie», le Premier ministre Ousmane Sonko y va de sa foucade : il dément le Président français en précisant que c’est le Sénégal, en toute souveraineté, qui prie les bidasses français de prendre la porte sans ménagement en emportant leurs paquetages. Et ce n’est pas qu’un au revoir…
D’ailleurs, pour marquer la nouvelle orientation du Sénégal souverain, juste mais pas encore prospère, il visite nos voisins putschistes qui dégagent les Français en premier, claquent la porte de la Cedeao -cette antichambre de la France- et menacent de larguer le Cfa.
Pour cette dernière question, ils sont encore hésitants : le franc malien n’a pas fait un tabac dans les années soixante, pour éviter de parler de… franc succès.
En plus des voyages en Chine, en Turquie, annoncés à grands titres, que la presse accommodante commente à gorges déployées en faisant des yeux de merlans frits au tandem «Diomaye môy Sonko» dont les retombées ne semblent pas instantanées.
Notre Premier ministre pourtant explique à Erdogan, avec tellement de sincérité dans le ton qu’il en a des trémolos dans la voix, que nous traversons une passe délicate question finances publiques. Cette tête de Turc devrait se bouger plus vite que ça, les factures n’attendant pas…
Le potentat d’Ankara ne doit pas comprendre le français de détresse.
Pendant tout ce temps, le Fonds monétaire international, le tristement célèbre Fmi, le bras financier de la France à Bretton Woods, se permet des chinoiseries sur la sincérité des chiffres de l’Administration sénégalaise, qui avoue pourtant spontanément ses entourloupes passées.
De toutes les manières, dans le «Projet» dont la finalité est de recouvrer notre fierté et combler notre amour-propre, les félicitations du Fmi ne sont pas les bienvenues.
Si ce n’était que ça…
Mais non, on apprend avec stupeur que le Président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, après un raid au Japon pour nous ramener de l’investisseur nippon, prolonge le périple en faisant escale en France.
Bien entendu, on a droit au selfie sur le perron de l’Elysée, sans lequel un séjour présidentiel sénégalais à Paris n’en serait pas vraiment un. En bonus, devant les caméras et les objectifs, les échanges de coups de tête présidentiels qui m’ont fait croire à une déclaration de guerre franco-sénégalaise.
Mais non, ces coups de boule font office de salutations cordiales.
Après ça, le Président sénégalais devrait faire face au Mouvement des entreprises de France, Medef, dont il est l’invité spécial des Rencontres. Une manière de dire «France, reviens» ?
Guy Marius Sagna doit regarder fixement le bout de ses babouches ces temps-ci.
Les lanceurs d’alerte font leur entrée dans le grand monde. Problème : leurs premières cibles se trouvent forcément dans le camp de la majorité qui les adule. Moi, je souhaite juste que le sang des gladiateurs de la délation et de leurs victimes ne m’éclabousse surtout pas.
Dakar a un nouveau maire, Abass Fall, qui n’a toujours pas démissionné du gouvernement. Il est élu par des conseillers municipaux, en lieu et place des électeurs dakarois, dans l’indifférence générale.
Je ne sais pas vous, mais moi, il m’arrive parfois de me sentir seul au monde…
Par Ibou FALL