Instabilité au niveau de la mairie : Dakar, une anomalie municipale

En perdant la mairie de Dakar, Barth’ et Khalifa perdent aussi une vitrine politique, qu’ils l’admettent ou pas. Cette élection de Abbas Fall, qui a sans doute bossé comme un stakhanoviste pour dribler tout le monde, met fin à une «cohabitation» à Dakar depuis 2009 et aussi au voyeurisme de l’Etat central.
On peut rester sur des hypothèses : que se passera-t-il le 18 septembre ? En attendant, le nouveau maire de Dakar, avec un parcours politique sans relief, peut ne pas avoir le triomphe modeste en décrochant un job XXL. En conquérant Dakar, il permet à son parti de gouverner la plus grande ville du pays, où se mêlent les services publics, privés, les grandes industries et aussi le désordre que l’urbanisation n’a pas gommé.
Cette ville avait perdu cette tradition, car les Dakarois imposaient depuis 2009 une «cohabitation» au niveau de la mairie. C’est lors de ces Locales que Khalifa réussit son pari alors que l’ombre de Karim Wade était aperçue au niveau de l’Hôtel de ville de Dakar. Ses contempteurs assuraient que Dakar est une nouvelle marche pour consolider son ascension présidentielle sous forme de dévolution monarchique, après avoir été fait «ministre du ciel et de la terre». Même si Wade fils avait été élu Conseiller municipal, il avait perdu la bataille capitale.
Sous Khalifa, Dakar devient un reflet de la puissance politique, avec un budget assez lourd pour porter un futur plus fastueux en logeant à l’Hôtel de ville, situé à quelques centaines de mètre de la Présidence. Taxawu Dakar devient une force politique avec une projection nationale incarnée par le maire de Dakar. Après un mandat avec des relations en dents de scie avec Me Wade, son deuxième sera plus éprouvant. En 2014, il est triomphalement élu pour un deuxième mandat… deux ans à peine après l’élection de Macky Sall à la tête de l’Etat. Il y a la Sall exécution politique. Condamné dans le cadre de la Caisse d’avance, Khalifa perdra sa mairie, une béquille pour la Présidentielle de 2019 à laquelle il ne participe pas.
Les conflits entre la mairie de Dakar et le pouvoir central ne sont pas nouveaux. Ils se sont manifestés par le passé à travers la gestion des marchés, la surveillance de l’espace public et les réformes de décentralisation. Ces tensions sont le reflet d’une lutte pour l’influence politique dans la capitale, qui est un enjeu majeur du pouvoir au Sénégal. La personnalisation du pouvoir et les manœuvres politiques pour neutraliser l’opposition locale sont souvent citées comme des causes profondes de cette instabilité.
Par contre, l’instabilité à la mairie de Dakar est devenue récurrente, principalement ces dernières années. Ces frictions ont souvent pour origine la gestion de la ville et les enjeux de pouvoir nationaux.
La situation la plus récente concerne la destitution de l’ancien maire, Barthélemy Dias. Condamné pour coups mortels, sa révocation a été prononcée par le Préfet de Dakar, une décision qui a été contestée par l’intéressé. Cette affaire a mis en lumière les conflits entre les institutions étatiques et l’opposition municipale. Les partisans de Barthélemy Dias ont dénoncé un «acharnement politique», y voyant une utilisation de la Justice pour écarter un adversaire du pouvoir central.
5 maires en 7 ans
Suite à cette révocation, Abass Fall, ministre du Travail et cadre du parti au pouvoir, Pastef, a été élu nouveau maire de Dakar par le Conseil municipal. C’est la première fois depuis 2009 que la capitale est dirigée par un membre du parti présidentiel. Cette élection marque un tournant et pourrait potentiellement réduire les tensions entre la mairie et l’Etat central, au détriment du jeu politique local. Ces batailles politiques ont engendré une instabilité municipale : depuis 2018, la ville a connu 5 maires dont les deux «titulaires» ont été destitués à la suite de dossiers politico-judiciaires : Khalifa Sall et Barth’. Soham El Wardini, Ngoné Mbengue ont joué aux intérimaires (Mme Wardini a été confirmée), et Abass Fall.
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