Mostra de Venise : Kaouther Ben Hania reçoit le Lion d’argent

Le film choc, «La voix de Hind Rajab», de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania, qui raconte le calvaire d’une fillette palestinienne tuée début 2024 à Gaza, a été récompensé samedi du Lion d’argent à Venise, deuxième récompense la plus prestigieuse.
«Le cinéma ne peut pas ramener Hind et effacer les atrocités commises contre elle», a réagi Kaouther Ben Hania, accueillie par une ovation du public, en recevant son prix. Mais «le cinéma peut préserver sa voix […], car son histoire n’est pas que la sienne. C’est celle tragique de tout un Peuple, un Peuple souffrant d’un génocide infligé par un gouvernement israélien criminel qui agit avec impunité», a-t-elle insisté. Lors de sa projection à la Mostra de Venise, mercredi 3 septembre, le film a été applaudi pendant 23 minutes. Une première très remarquée qui faisait du film de la Tunisienne Kaouther Ben Henia, l’un des favoris en lice pour le Lion d’or, finalement remporté par Father Mother Sister Brother de Jim Jarmusch. La Voix de Hind Rajab remporte tout de même le second prix de la compétition. Le film sur une fillette palestinienne tuée à Gaza en janvier 2024 par l’Armée israélienne s’appuie sur les véritables enregistrements de ses appels au secours au Croissant-Rouge palestinien. «Ce film a été très important pour moi, car lorsque j’ai entendu pour la première fois la voix de Hind Rajab, il y avait quelque chose de plus que sa voix. C’était la voix de Gaza qui appelait à l’aide et personne ne pouvait entrer», a affirmé la réalisatrice, entourée de ses acteurs, en conférence de presse lors de la projection. «Je dédie ce prix au Croissant-Rouge palestinien et à ceux qui ont tout risqué pour sauver des vies à Gaza, ce sont de véritables héros. La voix de Hind, c’est celle de Gaza. Un cri pour être secouru, que le monde entier a entendu et auquel, pourtant, il n’a pas répondu. Nous croyons tous en la force du cinéma. Le cinéma ne peut pas ramener Hind, pas plus qu’il ne peut effacer les atrocités qu’elle a subies. Mais le cinéma peut préserver sa voix et la faire résonner par-delà les frontières», réagit Kaouther Ben Hania.
A Gaza, «l’histoire de Hind rouvre des blessures qui saignent encore»
Eyad Amawi, humanitaire à Gaza, raconte auprès de notre correspondante à Ramallah, ses sentiments contrastés face à la ferveur autour du docufiction : «D’un côté, il y a une profonde tristesse, parce que l’histoire de Hind rouvre des blessures qui saignent encore. Et en même temps, il y a aussi une sorte de soulagement et même de joie à l’idée de constater que la voix des hommes prend toujours le dessus sur les tentatives de l’étouffer.» Cette voix est celle de Hind Rajab, 5 ans. Fuyant des bombardements, elle se retrouve prise sous le feu de l’Armée israélienne. Dans la voiture, tous ses proches sont abattus. Seule survivante, elle passe alors près de trois heures au téléphone avec les secouristes. La petite fille sera retrouvée douze jours plus tard. Morte et la voiture criblée de 335 impacts de balles. Aucun Palestinien n’a oublié cette histoire ici. Et sûrement pas Mustafa Sheta, directeur du théâtre de la Liberté de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée : «Nous sommes fiers que Motaz Malhees, un de nos anciens étudiants, ait participé à ce film. Nous sommes vraiment heureux d’utiliser l’outil du cinéma, de la culture, de l’art pour toucher les gens et faire entendre nos voix. Peut-être que c’est un moyen de leur faire changer de regard sur la Palestine.» «Nous ne sommes pas des nombres», répètent souvent les Palestiniens. Ce film semble vouloir se faire l’écho du cri de tout un Peuple.
Rfi