Blanchiment – Jeux en ligne, crypto-monnais, retro-commissions : Les recettes qui contournent l’immobilier

Le Pjf, qui redémarre la machine de la Dic, est en train de fouiller les réseaux de blanchiment dans les secteurs comme les jeux en ligne, les monnaies électroniques et aussi le système de versement de rétro-commissions. Exit l’immobilier ?Par Justin GOMIS –
En train d’éplucher le dernier rapport de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), le Pool judiciaire financier a multiplié ces derniers temps des soit-transmis à la Division des investigations criminelles. Après l’homme d’affaires Mbagnick Diop «Souche», un opérateur de change a été placé aussi en garde à vue pour des opérations de blanchiment supposées de 5 milliards F Cfa. Le rapport 2024 de la Centif expose un mécanisme huilé de blanchiment de capitaux sous forme d’escroquerie sur les deniers publics consistant à utiliser des manœuvres frauduleuses pour obtenir indûment des fonds publics. «En effet, la plupart des opérations associées à ces infractions se caractérisent par : l’ouverture de plusieurs comptes sociétés dans plusieurs banques commerciales, aussi bien au Sénégal qu’à l’étranger ; la réception de plusieurs virements injustifiés de fonds publics ; les encaissements de chèques sans motif économique ; la souscription à plusieurs dépôts à terme auprès des banques commerciales ; la souscription à plusieurs bons de caisse ; la liquidation de bons de caisse au profit de tiers inconnus sans relation apparente avec les principaux souscripteurs ; le rachat de plusieurs créances détenues sur l’Etat ; la perception d’intérêts sur les bons de caisse ; le nivellement de plusieurs comptes par des dépôts en espèces et des remises de chèques.»
Telle fille, tel père ?
Il y a d’abord à souligner un cas de blanchiment de capitaux issus de la corruption, du trafic d’influence et de l’association de malfaiteurs pour une opération de rétro-commissions à la suite de virements d’un montant cumulé de plus de 1 500 000 000 F Cfa qui ont été effectués depuis un compte ouvert par une entité publique vers un compte bancaire ouvert au nom d’un cabinet conseil basé en Europe. «A l’analyse, il a été constaté un écart significatif entre les engagements contractuels et les paiements réellement effectués en faveur de la société, suggérant l’existence d’un mécanisme de rétro-commissions et un détournement de fonds sous couvert de prestations fictives. Au terme des investigations, des indices graves et concordants ont été relevés, permettant de considérer que ces faits peuvent être constitutifs de blanchiment de capitaux issus de la corruption, du trafic d’influence et de l’association de malfaiteurs», souligne la Centif.
Par ailleurs, le blanchiment dans le secteur des jeux en ligne est en train aussi de se développer. Il y a le cas de deux comptes dont l’un est complété par huit sous comptes ayant enregistré des flux financiers importants, totalisant 32 milliards de F Cfa et plus. Pour la Centif, il y a aussi des «indices graves et concordants de blanchiment de capitaux par le biais du conflit d’intérêts, de l’abus de biens sociaux et de la fraude fiscale, ce qui a motivé une saisine de l’autorité judiciaire».
Il faut aussi noter le cas de blanchiment via des souscriptions de contrats d’assurance-vie qui lie une fille et son père. Ce contrat, enregistré sous un numéro unique, a fait l’objet d’un unique dépôt initial d’un montant de 100 millions F Cfa. Alors que la fille a reçu deux virements de 50 000 000 F Cfa chacun en septembre 2023, en provenance de la société administrée par son père dont l’historique bancaire montre une prédominance de remises de chèques et de dépôts en espèces, avec un total de 1 milliard 864 millions 174 mille 300 F Cfa pour la période analysée. Dans ses conclusions, la Centif assure que des indices sérieux de blanchiment de capitaux ont été «identifiés à travers l’utilisation de mécanismes financiers permettant de dissimuler l’origine des fonds, ce qui a motivé une saisine de l’autorité judiciaire».
Le secteur extractif n’est pas aussi épargné. La Centif a pisté des flux financiers suspects estimés à plus de 4 milliards de F Cfa, provenant de transactions bancaires «jugées atypiques et disproportionnées par rapport aux revenus déclarés des acteurs mis en cause». «Les montants enregistrés étaient largement supérieurs aux revenus issus de leurs activités déclarées», note le rapport. Dans certains cas, ces dépôts étaient suivis de transferts rapides vers l’étranger, notamment vers des pays de transit connus pour le commerce de métaux précieux. La Centif relève également l’implication de sociétés de négoce soupçonnées de servir de couverture à des opérations de blanchiment. Ces structures, parfois récemment créées, présentaient des flux financiers massifs, sans justification économique claire. «Les éléments recueillis laissent penser à des pratiques de dissimulation d’avoirs issus d’activités illicites», précise le document. Et le dossier a été transmis au Pjf.
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