Le site mégalithique de Wanar, vestige d’une ancienne civilisation localisée dans le Ndoucoumane (Centre), tarde à révéler au monde toute sa splendeur, du fait d’une valorisation insuffisante. Même classé patrimoine mondial de l’humanité en 2006 par l’Unesco, ce site demeure le parent pauvre du tourisme culturel de la région de Kaffrine, indique-t-on. Il est pourtant l’un des patrimoines les plus connus de la zone, un trésor dont la portée historique dépasse largement Wanar, le village abritant ce site, dans la commune de Mabo. Dissimulé derrière une végétation touffue et une piste goudronnée par endroits, en latérite la plupart du temps, le site de Wanar abrite l’un des plus fascinants héritages culturels du Sénégal ancien. Situé à quelques kilomètres de Birkelane, en passant par Mabo et Wanar Gou Makk, ce sanctuaire de pierres, aussi mystérieux que majestueux, demeure aujourd’hui sous-exploité, au grand regret des habitants qui voient ce trésor archéologique tomber dans l’oubli, malgré de nombreux travaux universitaires dont il a fait l’objet.

L’entrée du site renvoie à un décor des plus énigmatiques. Elle comprend vingt et un cercles de pierres dressées, hautes et imposantes, dont certaines atteignent près de cinq mètres de diamètre. Au milieu de cette vaste nécropole, les blocs de latérite se tiennent comme des sentinelles immobiles, témoins silencieux de sociétés disparues. Certaines pierres bifides, dites «pierres-lyres», confèrent au lieu une dimension presque mystique, renforcée par le calme solennel qui enveloppe la plaine. «Ce site est la preuve que l’Afrique a une histoire, une civilisation et une mémoire profonde», relève Babacar Senghor, professeur d’histoire-géographie et conservateur du Centre d’interprétation inauguré en 2023. Il explique que ces vestiges traduisent un mode de vie raffiné, une société organisée et des croyances fortes en l’Au-delà. Le site de Wanar, d’une superficie de 11 700 mètres carrés, fut, pendant des siècles, un espace funéraire. Les archéologues y ont mis à jour des fosses en forme de cloche ou de silo, scellées par des plateformes de terre crue. Ces fosses abritent des dépôts d’ossements humains et des parures.

Une organisation sociale hiérarchisée semble transparaître dans la taille et la disposition des cercles qui rappellent l’agencement des villages traditionnels : lieux de vie, espaces de dialogue, zones de rassemblement communautaire. «Il s’agit d’une véritable nécropole, avec des ossements et vestiges. Et les objets exhumés, à savoir les vases, les poteries, les bracelets, les flèches et les arcs, témoignent des activités et du mode de vie des populations anciennes», note le professeur d’histoire-géographie. Babacar Senghor soutient que ces découvertes contredisent les préjugés coloniaux présentant l’Afrique comme une terre dépourvue d’histoire et de civilisation. Pourtant, malgré sa richesse patrimoniale, le site reste le parent pauvre du tourisme culturel. Pas d’électricité, pas d’eau courante, même pas une route praticable pour aller directement aux pierres dressées, déplore Ndiaga Cissé, le gardien du site. «Des centaines de touristes viennent chaque année [visiter le site], mais les retombées sont inexistantes», regrette-t-il. Le maire de Mabo, Aliou Cissé, ne cache pas son amertume. «Nous plaidons sans cesse auprès de l’Etat. Wanar est notre unique identité en matière de patrimoine et de marketing territorial. Sa valorisation pourrait devenir un moteur de développement pour toute la région de Kaffrine», plaide M. Cissé.

Entre mystère et désolation, Wanar symbolise à la fois la grandeur d’une civilisation ancienne et la négligence con­temporaine. Un joyau archéologique qui attend toujours d’être révélé au monde dans toute sa splendeur. Le Centre culturel régional de Kaffrine, en tant que service déconcentré du ministère de la Culture, travaille à la valorisation du site, avec le soutien de comités locaux et du Centre d’interprétation. Cette perspective implique l’organisation de visites et d’expositions, dans le but de rendre le site de Wanar encore plus accessible et vivant, selon son directeur Abdou­rahmane Diallo.
Aps