Le directeur d’Immosen, un des premiers privés à bénéficier de l’agrément de la Capip dans le cadre du développement des pôles urbains, passe au crible la politique sur le logement. Saliou Dramé, peu convaincu de la démarche entreprise par le nouveau régime sur la politique du logement, appelle à une vraie rupture pour une résorption effective du déficit en logement. Il a mis en avant la nécessité d’impliquer davantage le privé, soulignant aussi la nécessité d’un démarrage des projets au Pôle de Daga Kholpa.  Le pôle de Daga Kholpa tarde à démarrer malgré les agréments de l’Etat à des privés.  

Daga kholpa fait partie des zones où le nouveau régime avait demandé qu’on arrête tout, le temps d’y voir plus clair. Mais quand même, le temps passe depuis lors. Aujourd’hui, il y a les promoteurs qui ont été agréés au départ, qui ont des dossiers béton, ensuite, il y a, entre-temps, ceux qui ont reçu des baux à Daga Kholpa, certains même en catimini. Je pense que ce sont ces baux qu’il faut interroger pour voir les décisions à prendre et remettre en confiance les populations des alentours. C’est ce qui permet de libérer le foncier.

C’est la Safru, n’est-ce pas, qui est en charge du développement de ce pôle ?
La Safru ne pouvait pas développer le Pôle urbain de Daga Kholpa. La solution, ce sont les promoteurs agréés. Nous, Immosen, par exemple, on nous avait donné 109 hectares. Il y a d’autres promoteurs qui avaient 100 hectares, d’autres 25 ou moins… Au lieu de perdre du temps à chercher à aménager, vous me donnez une assiette foncière gratuitement et dans le cahier des charges, vous exigez que je fasse telle et telle chose dans un horizon temporel bien défini, dans telles conditions, selon telles modalités. Même si l’Etat doit me payer plus tard, même s’il doit me payer en nature, qu’il le fasse (…)  Le rôle de l’Etat, c’était de contrôler, de faire en sorte que chacun réalise ce qu’il a signé. Je pense que s’il faut relancer Daga Kholpa, il faut interroger les baux qui ont fait qu’aujourd’hui, les populations environnantes ont perdu confiance à ce projet. Il faut interroger cela et prendre les décisions qu’il faut. Il faut revoir les choses parce que la Safru, telle qu’elle a été pensée, ne peut pas développer Daga Kholpa.

Est-ce que les privés locaux comme votre boîte ont les moyens d’aménager des projets d’envergure ?
A Mont-Rolland, c’est une ancienne carrière que nous avons réhabilitée sur fonds propres. La part d’habitat qui est réservée au projet, ce sont 48%, et les 52 restants, c’est de la voirie et des équipements. Ça renseigne sur le caractère durable de notre projet. Nous avons monté ce projet, obtenu un financement avec l’accompagnement d’une banque locale et d’une banque étrangère. Nous avons réussi à mobiliser des partenaires techniques qui ont eu l’expérience de réaliser ça ailleurs, et nous avons proposé ce programme à la Sicap pour aller en partenariat public-privé. C’est un programme de 1000 logements en train d’être commercialisés par la Sicap. Des logements qui doivent se faire sur une seule année. Si nous sommes capables de faire ça à notre petite échelle, avec un bailleur social comme la Sicap, si l’Etat prend l’initiative, cela ne s’en portera que mieux.

Est-ce que vous pensez que la Dgpu a été mieux pensée que la Safru, au constat des réalisations dans les deux pôles ?  
Même la Dgpu a péché énormément à Diamniadio. Pour moi, ce sont même des goulots d’étranglement. L’Etat est assez bien structuré. Il y a la Direction de l’urbanisme et de l’architecture (Dua) au niveau du ministère qui est une direction forte en termes d’urbanisation, d’aménagement, d’architecture. On a des fonctionnaires de haut niveau. La Dua peut organiser tout cela.

Safru, Dgpu ou Sogip ne sont donc pas obligatoires ?
Ce sont des dédoublements, encore que je n’ai rien contre les uns et les autres, on ne peut pas développer, aller dans le sens de la rupture, sans venir avec des compétences qui sont prêtes, des gens qui ont de l’expertise, qui peuvent tout de suite permettre à l’Etat de prendre le bon chemin.

 Quelle appréciation faites-vous du programme des 100 mille logements ?
L’Etat sortant, là où il a péché, c’est dans la gouvernance de ces logements sociaux. Le programme, dans son ensemble, au départ, c’était un programme qu’on pouvait respecter. Mais dans la mise en œuvre, il y a eu beaucoup de problèmes. Le nouveau gouvernement est arrivé avec des ambitions affichées, en disant qu’ils allaient mettre l’accent sur les 100 000 logements ; ce qui n’était pas la bonne démarche. Ce qu’on attendait sur le terrain, c’est d’aller vers une rupture. La rupture, c’est d’élaborer un programme de développement qui permet de résorber le gap en logement social. Je fais partie des personnes qui croient que le gap de 500 000 logements peut être résorbé en 5 ans. Il n’y a pas de secret. Il faut aller dans la production de masse. On ne peut pas continuer de travailler de la même façon et espérer avoir des résultats différents. Ça veut dire que, depuis 17 mois, rien n’a bougé au niveau du ministère de l’Urbanisme de manière concrète.

 Des signatures de conventions ont pourtant eu lieu ?
Ceux qui sont partis ont signé beaucoup plus de conventions. Ça, ça ne veut rien dire. Ce régime a besoin de rupture, de concret. En 2012-2013, le gap en logement social, c’était entre 280 000 et 300 000 logements. En 2025, le gap est de 500 000 logements. Le résorber est techniquement et financièrement possible.

 Que devient le Carré d’or, projet immobilier d’envergure initié par Immosen ?
Ce qu’on était en train de créer, c’était un pôle économique et résidentiel en plein centre de Rufisque, qui devait permettre de régler tous les problèmes sérieux en centre-ville, d’amener de nouvelles activités à Rufisque. Ce projet répondait à neuf préconisations issues des Assises de Rufisque. On devait, à travers ce projet, réaliser trois tours en face de la mer pour un coût global de 54 milliards francs. Nous avions la garantie d’une grande banque de Chine, une banque de la place, qui avait accepté de financer le projet durant ses différentes phases, nous avait fait une offre.

 Et pourtant, cela n’a pas abouti.
On avait terminé toutes les études techniques et architecturales, qui ont coûté énormément d’argent. L’étude d’impact environnemental a été menée presque jusqu’à sa fin sur fonds privés, mais malheureusement, le projet ne s’est pas réalisé.

Pourquoi ?
Des hommes politiques se sont levés pour s’opposer au projet, qui en faisant dans l’ombre, qui à visage découvert, de sorte que le seul choix qui nous restait en tant que privé, c’était la voie judiciaire.

Vous êtes dans cette voie donc ?
Nous ne sommes pas encore dans cette voie, car nous n’avons pas voulu choisir la voie contentieuse pour régler cette affaire. Si on suit cette voie contentieuse, on gagnera parce qu’on a suffisamment d’éléments. Que ça dure 5, 10, voire 20 ans, on gagnera, mais entretemps y a des choses qui vont se passer.
Propos recueillis par Alioune Badara NDIAYE