Le président Bassirou Diomaye Faye doit se sentir bien seul au monde ce 22 septembre 2025, durant ce temps de flottement de quelques secondes à la tribune des Nations-Unies, dont les images font le tour du Globe. Un grand moment de solitude qui dure sans doute une éternité, au point qu’il se sente obligé de se retourner vers le présidium où trônent le prince saoudien Mohamed Ben Salmane et le président français Emmanuel Macron, lesquels coprésident cette conférence sur la Palestine.

Se tourner vers le président français pour justifier un flottement, concernant un président sénégalais souverainiste, il y a mieux comme souvenir à léguer à la postérité universelle, n’est-ce pas ?

Les feuillets du discours qu’il doit prononcer ne sont pas au rendez-vous. Son protocole, devant la bronca, se défausse sur le prédécesseur à la tribune qui serait parti avec la paperasse de notre président que l’on prend le soin de déposer auparavant, tandis que Bassirou Diomaye Faye arrive devant le pupitre les mains vides. Sur les réseaux sociaux, des images montrent des présidents qui arrivent avec leurs feuillets et repartent avec.

Que se passe-t-il donc autour du président sénégalais ? L’actuel ministre des Affaires étrangères, Cheikh Niang, n’a rien du novice : plusieurs années ambassadeur du Sénégal à Washington, il ne quitte ce poste que pour être notre représentant aux Nations-Unies. Il est manifestement en terrain connu…
Déjà durant le vol qui relie Dakar à New-York, une photo fait polémique : le Président s’offre une partie de scrabble qui fait le buzz. Elle est à double tranchant : soit Bassirou Diomaye Faye maîtrise son sujet et s’offre une récréation, soit il ne mesure pas les enjeux qui l’attendent à la tribune des Nations-Unies…

Les quelques secondes de désarroi présidentiel à la tribune des Nations-Unies jettent une lumière blafarde sur la scène du scrabble…

Surtout qu’à son départ de Dakar, le chef de l’État vient juste de se réconcilier avec le peuple intolérant des 54% qui change d’avis à son propos, alors que des ministères de souveraineté, à l’occasion du récent réaménagement ministériel, reviennent à son « meilleur Premier ministre de tous les temps ».
Et surtout après que celui-ci l’accompagne à la coupée de l’avion présidentiel en échangeant des sourires avec la deuxième première dame, (si, si,) celle-là même qui, selon les Pastéfiens de base, serait la source de la polémique de ces dernières semaines au sommet de notre chère République. À la vue du tableau touchant, leurs avis changeront instantanément comme les girouettes lorsque le vent souffle vers une autre direction : Madame la deuxième première dame est devenue subitement irréprochable puisqu’elle et le vénéré Premier ministre échangent des politesses…

Tout cela est bien joli, mais n’explique pas comment le président de la République du Sénégal peut avoir même quelques secondes de doutes lors d’une conférence sur la Palestine aux Nations-Unies.

On rembobine ?
Quelques années après la « Guerre des Six Jours » de 1967, durant laquelle l’Égypte perd la bande de Gaza et le Sinaï, la Palestine, Jérusalem Est et la Cisjordanie, quatre chefs d’États africains, Léopold Sédar Senghor en tête, entreprennent de négocier une paix durable qui permettrait à Israël et la Palestine de vivre en paix, chacun à l’intérieur de ses frontières…

Marché presque conclu jusqu’au dernier revirement de Golda Meir, cheffe du gouvernement israélien, une guerrière s’il en existe déjà… À partir de là, les pays africains, pratiquement en bloc, se tiendront du côté de la Palestine, nombre d’entre eux allant jusqu’à rompre leurs relations diplomatiques avec l’état hébreu.

Le Sénégal de Senghor ira plus loin que les autres.
En 1975, il prend la tête du comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. Le Sénégal est également le premier pays au sud du Sahara à recevoir en 1977 l’icône absolue de la lutte palestinienne, Yasser Arafat, avant d’accorder un statut de mission diplomatique à l’Olp en 1980 et reconnaître la Palestine en 1988 sous Abdou Diouf.

Excusez du peu…
Pourquoi donc, en ce 22 septembre 2025, lors d’une conférence internationale sur la Palestine, le président de la République du Sénégal devrait-il se sentir décontenancé, parce que quelques feuillets qui représentent une allocution de moins de cinq minutes ne seraient pas à leur place ? Ce moment de flottement passager, n’exagérons rien, n’est qu’un incident mineur.

C’est ce que cet imbroglio interroge, le vrai souci.
La première inquiétude renvoie au statut de leader, de chef. C’est-à-dire, cette capacité à prendre ses responsabilités, à décider lorsqu’on reste seul face à soi-même.

L’exercice du pouvoir est un art solitaire.
Vous avez beau vous entourer de muses euphorisantes, de conseillers cartésiens, de courtisans éblouissants, de détracteurs crédibles, d’adversaires brillants et d’ennemis éblouissants, vous êtes seul lorsque vient le moment de décider.

Ça ne se délègue pas.
Or, le président de la République, depuis son élection, ne cesse de nous rappeler qu’il n’est pas à sa place. Bassirou Diomaye Faye préfère de loin les matins bucoliques de son village natal aux tentures austères du palais présidentiel ; le chef de l’État actuel invite même devant la presse son Premier ministre, qu’il voit plutôt président de la République, à regarder fixement son fauteuil ; dernièrement, il vient de lui céder les ministères de souveraineté qui incarnent l’autorité que le même Premier ministre trouve manquer à la République.

Là, devant un incident mineur de protocole, Bassirou Diomaye Faye se montre désemparé. Comment se sent-il depuis le 24 mars 2024, alors que le simple inspecteur des impôts sort de prison pour se retrouver au palais présidentiel devant des situations bien plus biscornues ?
On devrait peut-être poser la question à Macky Sall qui fait le beau dans les salles voisines en ce 22 septembre 2025…
Par Ibou FALL