Madiambal nous la fait à la Carlos Ghosn…

Cette semaine passée, il y a pourtant du lourd dans notre turbulente actualité : le Président Diomaye Faye est encore à New York, mais on ne sait plus trop ce qu’il y fait et dit, parce que Macky Sall lui vole la vedette. Déjà, non seulement l’ex-Président se pointe aux Nations unies pour plaider la cause du continent africain devant les caméras et les flashes du monde entier, mais encore, pour faire le buzz, il balance un entretien sur H5 Motivation face à Aziz Rok, durant lequel on croit comprendre que le poste de Secrétaire général des Nations unies ne lui déplairait pas avant de mettre un terme à sa vie publique.
Il n’en faut pas plus pour déclencher une bordée d’injures des militants de Pastef, qui le voient plutôt à Rebeuss entre quatre murs, pour terminer en apothéose sa carrière.
Bien entendu, ce sera pour l’ingénieur Aziz Rok, fondateur de H5 Motivation, que l’on définit comme un «passionné d’intelligence émotionnelle», l’occasion de faire une entrée fracassante dans le cercle privilégié des titulaires de «sâga club».
Là, il va pouvoir se pencher sur la connerie émotionnelle, qui doit être tout aussi passionnante…
Et donc, alors que l’on croit en avoir fini avec les émotions fortes de la semaine, démarre un feuilleton qui tient le pays en haleine : Madiambal Diagne nous la fait à la Carlos Ghosn et prend la clé des champs, alors qu’on vient de le bloquer à l’aéroport de Diass au moment où il s’apprête à s’envoler pour Paris. Il serait interdit de sortie, apprend-il, après que la police de l’aéroport l’aura fait poireauter plusieurs heures, lui faisant rater son vol par la même occasion.
Il n’en fait pas tout un plat, se contente juste de passer chez lui en coup de vent avant de se fondre dans la nuit, pour réapparaître à Paris. Apparemment, il aurait emprunté le chemin inverse de celui que Juan Branco prend, lorsque, sous le coup d’une interdiction de séjour au Sénégal, l’avocaillon français débarque en pleine conférence de presse des avocats de l’opposant Ousmane Sonko, dont Me Bamba Cissé est l’une des figures marquantes.
Un prêté pour un rendu ?
Ça n’explique pas quand même que le ministre de l’Intérieur monte sur ses grands chevaux et limoge séance tenante le patron de la police de l’aéroport, tout comme le patron de la Dic. Sur les réseaux sociaux, les militants purs et durs en veulent plus : ils veulent le scalp du patron de la Police des frontières et du responsable du poste frontière avec la Gambie.
Ça ne suffira pas à calmer la fureur du ministre Me Bamba Cissé qui, il y a de cela quelques mois, alors qu’il est seulement l’avocat du «meilleur Premier ministre de tous les temps» selon Diomaye, avertit que quiconque manque de respect à son patron, pardon, son client, devra en répondre devant la Justice.
Justement, à ce moment précis, Madiambal fait une sortie sur un plateau de télé au sujet du Premier ministre, qui lui vaut une convocation devant la Dic. Il en ressortira comme il est venu, les mains dans les poches, en sifflotant gaiement…
Ça n’a pas dû plaire à Maître Bamba Cissé, et encore moins à Ousmane Sonko.
Quelques mois après, devant ses militants, le président de Pastef révèlera avoir mis en garde en vain le président de la République contre les dérives intolérables dont il fait les frais. «Le meilleur Premier ministre de tous les temps» en tirera la conclusion percutante que notre pays n’a qu’un problème d’autorité, ce qu’un esprit chagrin comme le mien se demande s’il ne peut pas se traduire par : «Nous n’avons pas le meilleur Président de tous les temps» ?
Lorsque Pastef s’offre une razzia au Parlement, la logique voudrait que le Premier ministre démissionne symboliquement avant de se faire reconduire dans la minute qui suit et proposer un nouvel attelage.
Rien de tout ceci. Apparemment, le duo «Diomaye môy Sonko» traverse une crise de nerfs à propos du réaménagement du gouvernement. Sur les réseaux sociaux, après la déclaration du président de Pastef, c’est l’hallali : Diomaye est le problème ! Et même sa seconde épouse, au passage… D’ailleurs, c’est clair, s’enflamme Guy Marius, pardon, Mohamed Sagna : il y a un président légal et un président légitime.
Y’en aurait-il un de trop au sommet de l’Etat ?
Lorsque le bras de fer accouche enfin d’un réaménagement qui voit le gros calibre Yassine Fall atterrir à la Justice après ses hauts faits d’armes dans la diplomatie, et Me Bamba Cissé bombardé ministre de l’Intérieur, le doute n’est pas permis : la guerre est déclarée à tous les adversaires du «meilleur Premier ministre de tous les temps», dont certains lancent même quelques jours auparavant, le «Mouvement Sonko dégage».
Madiambal Diagne n’est pas né de la dernière pluie. Le feuilleton qui vient de s’ouvrir, il le sent venir depuis le 24 mars 2024.
Ce qui change dans cette affaire, est que les convenances sont bafouées dès que l’on s’en prend à sa famille. Son épouse, ses deux aînés et un de ses proches, présenté comme son marabout, sont sous mandat de dépôt sans autre forme de procès.
Bien sûr, le régime aura beau jeu de se cacher derrière le glaive de la Justice pour expliquer la fureur avec laquelle le sort s’acharne sur celui qui ne cache pas ce qu’il pense de tous ces braves gouvernants, leur chasse aux sorcières et leur traque au délit de sale gueule depuis dix-neuf mois.
Jusque-là, l’affrontement relève tout juste de confrontations d’opinions, même si celles-ci valent à quelques citoyens des séjours carcéraux.
Les bornes du gentleman’s agreement qui viennent d’être franchies, ne nous disent pas jusqu’où tout cela nous mènera. A mon avis, il risque d’y avoir de drôles d’éclaboussures sur les murs de la République dans les temps à venir.
Merci, qui ? Ben, Macky Sall, voyons !
Par Ibou FALL