Placements : L’art africain contemporain, une valeur montante

Les artistes du continent africain sont de plus en plus appréciés. Malgré la hausse des prix et les prémices d’une spéculation, il est encore possible d’investir.
Il y a dix ans, se tenait, pour la première fois à Paris, un salon consacré à l’art africain contemporain. Baptisé Akaa (Also Known As Africa), il surfait sur le succès de l’exposition «Beauté Congo» qui s’était tenue à la Fondation Cartier. On aurait pu croire à un intérêt éphémère. Il n’en fut rien. Le salon fêtera, du 24 au 26 octobre, son dixième anniversaire au Carreau du Temple, confirmant l’intérêt pour ces œuvres. Cette année, il accueille une quarantaine de galeries françaises, européennes et africaines. Une nouvelle section est consacrée à la céramique, et la gamme de prix y est très large. Il attire un nombre grandissant d’amateurs, de collectionneurs et d’institutions à la recherche d’artistes novateurs. L’art de ce grand continent est en effet original, divers, coloré. Il peut être joyeux ou, à l’inverse, représentatif des conflits ensanglantant l’Afrique. Séduisant un public toujours plus large, il a trouvé sa place dans les courants artistiques actuels, au point que de grandes galeries, telle Daniel Templon, présentent ces artistes. De même, des maisons de vente réputées comme Sotheby’s et Artcurial incluent désormais des œuvres de peintres africains dans leurs sessions dédiées à l’art contemporain. Elles méritent en effet qu’on s’y intéresse, même si, pour le moment, rien ne garantit un retour rapide sur investissement.
Un mélange de techniques
A l’image de l’immensité de l’Afrique, les artistes sont nombreux et l’offre abondante. Pour un novice, il est difficile de s’y retrouver, sauf à se laisser porter par ses coups de cœur. C’est souvent la meilleure façon de faire de bons achats. A condition de décrypter les tendances. «L’art africain contemporain est essentiellement figuratif. La représentation de l’homme, de la femme et des enfants est partout présente dans les tableaux et les photographies», explique Margot Denis-Lutard, spécialiste de ce département chez Artcurial. Mais leur image est originale. Les artistes s’inspirent des canons occidentaux de la peinture ancienne pour les retranscrire à la mode africaine.
Sur la toile, les créateurs mélangent les techniques -collage, dessin, gouache et peinture- et ajoutent des textiles, des matériaux de recuperation, ainsi que des photos. Ainsi, le Nigérian Olamilekan Abatan reprend les thèmes de la peinture religieuse ou mythologique européenne avec des modèles aux coiffures et à l’allure modernes, sur fond de tissus wax. L’Ougandais Paul Ndema revêt de jeunes africains d’armures du Moyen Age ou d’uniformes de gardes suisses du Vatican. Dans un style naïf, le Nigérian Kelani Fatai peint ses modèles dans des tenues colorées, sur fond d’imprimés fleuris. Au travers de ses portraits, la Germano-Sudafricaine Marion Boëhm utilise la technique du collage et superpose les tissus, les bijoux et les perles. Le Sénégalais Omar Victor Diop, quant à lui, se photographie dans des costumes bariolés. Enfin, des sculpteurs, comme le Béninois Romuald Hazoumé ou le Mozambicain Gonçalo Mabunda emploient des bidons, de la ferraille, des clous et d’anciennes armes de guerre pour façonner leurs œuvres.
Le prix de leurs œuvres est très variable. On trouve déjà de belles pièces à partir de quelques milliers d’euros, comme celles de Gonçalo Mabunda (2000 à 3000 euros) ou de l’Ivoirien Saint-Etienne Yeanzi (3000 à 4000 euros). Pour des artistes plus recherchés, il faut compter entre 6000 et 20 000 euros. Enfin, certains peintres comme le Congolais Chéri Samba ou l’Ivoirien Aboudia sont très suivis, et leurs toiles s’échangent déjà entre 30 000 et 100 000 euros. De façon générale, l’engouement est marqué, ce qui entraîne une hausse des prix, voire une forme de spéculation sur certains noms. Des galeristes comme Cécile Fakhoury et Christophe Person considèrent que ce marché est encore en pleine croissance, certains jeunes peintres étant surévalués. A moins d’aimer le risque en pariant sur un poulain prometteur, mieux vaut donc acheter des artistes reconnus et présents dans les musées et les fondations privées. Leur production devrait se valoriser au fil du temps.
L’express