Les Sénégalais s’adaptent de mieux en mieux à la dictature du président Sonko. Les arrestations arbitraires, les procès d’intention, l’autocensure des opposants qui feignent l’indignation, et le diktat de l’Exécutif qui aujourd’hui concentre entre ses mains le Législatif et le Judiciaire, sont acceptés. 75% des Sénégalais ont moins de trente-cinq ans, ils sont le «pays réel», et c’est à eux que je m’adresse.
Pastef nous promettait la souveraineté nationale comme un véhicule vers le développement du capital humain, la promotion de la santé, de l’éducation et de l’égalité, l’accès à l’eau propre et à l’énergie abordable, le travail décent, l’innovation, la réduction des inégalités, l’ascension de la paix et de la justice, et le renforcement des partenariats. Mais alors, à quoi sert l’arrestation de Abdou Nguer lorsqu’on a de si grands projets ? Abdou Nguer, ce tailleur wolof de trente-quatre ans, qui représente aujourd’hui la quintessence de la conscience populaire et qui annonçait sans détour que le pouvoir entre les mains de Sonko deviendrait une dictature ? Il est aujourd’hui confiné dans l’immonde univers carcéral que décrivait Djiby Ndiaye, chambre 49, deux cents hommes qui sentent la sueur et l’étron, et dont la plupart privés de soins médicaux ne survivront pas à leurs maux !
Les violations du Code électoral sitôt qu’il fut élu, exigeant de l’opposition des autorisations de campagne, ensuite l’adjoint au Préfet de police sous les ordres du ministère de l’Intérieur destituant le maire de Dakar élu au suffrage universel direct avec la complicité de l’abominable Khalifa Sall, sergent-chef au syndicat de la trahison, décision soutenue par les membres de notre très honorable Cour suprême. Et enfin, l’incarcération pour délit d’opinion, pour faire passer à quiconque le goût de l’irrévérence, parce qu’on ne peut soupçonner Sonko que d’être droit et téméraire, et toute autre insinuation est une insulte à une Nation au bord de l’insurrection, qu’il pense incarner ! Et ce nouvel ordre s’installe pendant que Diomaye, qui rappelait aux membres du Forum africain des systèmes alimentaires les paradoxes d’un continent riche en terres et en ressources hydriques mais toujours confronté à l’insécurité alimentaire, répondait dans la même foulée à l’invitation des entrepreneurs de France à qui il «offrait le Sénégal». Les révolutionnaires de l’Aïd se sont éclipsés derrière leurs Weston !
Donc toutes les conditions sont réunies pour museler la révolte, parce que nous savons à présent que les «Solutions» fantasmatiques de l’ancienne opposition ne vont pas se matérialiser. Mais il y a pire, Sonko n’est qu’un symptôme.
On ne peut pas adhérer à une politique économique et financière fondée exclusivement sur la critique de l’impérialisme français après soixante ans d’indépendance, soixante ans de mise en scène tous les quatre avril pour dire au monde que nous sommes libres. Pour pallier nos manquements, nous avons créé un langage et des objectifs fallacieux. A la dégradation de l’enseignement public, nous opposons un patriotisme de l’anti-France où «faire des fautes de français est une forme de résistance». Acculés à la nécessité de survivre, nous avons renoncé à la vie, c’est-à-dire à un avenir meilleur sur terre, et nous avons cédé au fantasme du communautarisme qui nous fait penser que l’Africain ne peut pas s’opposer au groupe au nom de l’harmonie sociale. S’il existait une solidarité africaine, nous ne vivrions pas dans les pays les plus corrompus du monde !
Notre monnaie est imprimée en France, nos politiques financières, c’est-à-dire les mesures qui déterminent la manière dont les ressources sont recherchées, utilisées et gérées afin d’atteindre des objectifs spécifiques, sont conçues par des organisations extérieures au Sénégal et qui n’ont nullement à cœur les intérêts des Sénégalais. C’est notre faute, et la responsabilité nous en incombe ! Les élites issues de la loi-cadre Deferre, perfectionnées par l’instruction publique, et toujours contrôlées par la métropole, puis le régime de la communauté (1958) que Sékou Touré refusa, suivi des indépendances octroyées des années soixante, ont maintenu le pays réel dans une impasse que la vieille garde, avec ses courbettes et sa nonchalance, nous impose ! Les kermesses électorales n’apporteront pas la révolution sociale qu’elles promettent !
Une conscience nationale ne peut pas se construire sur des souhaits aussi triviaux que la baisse du prix de l’huile ou l’illusion de l’abondance causée par la spéculation foncière. «Si la guerre comme rien d’autre cimente l’indépendance, ce n’est pas par la vertu du sang répandu, mais par la vertu qui rend un peuple capable de répandre son sang», disait Césaire. Or, il n’y a ni guerre ni même une mémoire collective de l’anéantissement pour cimenter chez nous la conscience nationale. Il n’y a que le souvenir des mensonges de la négritude, les divisions du multipartisme et de l’islam ostentatoire !
On peut être plus instruit et plus intelligent que son père ! Apprenez à désobéir, la soumission n’est pas une vertu !
Malick Noel SECK
Secrétaire général du Fnsp/Momsarew
malicknoelseck@gmail.com