De passage pour une tournée de quinze dates dans le Nord-est des Etats-Unis, les Gipsy Kings et leur leader, Nicolas Reyes, ont montré, une nouvelle fois, leur énorme cote de popularité outre-Atlantique, avec un spectacle devant plus de 2000 personnes au mythique Brooklyn Paramount le 20 octobre dernier. Le groupe originaire d’Arles a passé en revue une bonne partie de son répertoire, pour le plus grand plaisir du public.

La soirée est des plus fraîches, le vent est très fort sur DeKalb et Flatbush avenue, deux des artères principales de Brooklyn, où convergent les grandes lignes de métro de l’arrondissement le plus peuplé de New York. La façade du Brooklyn Paramount, reconnue par ses lumières bleues et jaunes, et son architecture rococo, est, le temps d’une soirée, un petit coin ensoleillé de Provence, un quartier d’Arles de ce côté de l’Atlan­tique. Les Gipsy Kings ne viennent pas en terre inconnue, eux qui, après presque 50 ans de carrière, sont des habitués des Etats-Unis, se produisant dans les quatre coins du pays à maintes reprises chaque année. «On pourrait penser que ce sont des inconnus ici, mais leur musique, leur réputation ont traversé les frontières de France, et chaque concert aux Etats-Unis fait salle comble, et beaucoup de gens connaissent leurs classiques, ont leurs disques chez eux», explique Terry Jones, fan du groupe et tombé amoureux de leur musique après un voyage à Arles dans les années 90. Un Grammy Award remporté en 2014 pour le Meilleur album de musique du monde, l’utilisation de leur version de Hotel California des Eagles dans le film des frères Coen, The Big Lebowski, et des collaborations avec des stars américaines, comme Joan Baez, ont aussi permis d’asseoir leur réputation sur le marché américain.
Il est 20h, la salle se remplit rapidement, et Nicolas Reyes et sa bande lancent la soirée avec une introduction instrumentale avec ses quatre guitaristes, tout sourire. Derrière ses verres fumés, le leader du groupe balance un «Buenas noches, Good evening New York !», et le public se lève, bras en l’air, prêt à démarrer sa semaine sur une note méditerranéenne. «Cette voix est unique, et Nicolas transmet, séduit avec celle-ci, car elle exprime des émotions, la vie, l’amour, la peine, la fête, la joie», sourient Jonas et Nicole Strand, couple de Brooklyn, qui viennent voir les Gipsy Kings à chacune de leur représentation dans la Grosse Pomme, «même si on n’est pas de la communauté gitane, ni d’origine espagnole, on ressent quelque chose de fort à l’écoute de leur musique, c’est quelque chose de quasi inexplicable». Le concert bat son plein, et les couples se forment, dansent, frappent dans les mains et chantent à tue-tête les classiques du groupe légendaire. Le Brooklyn Paramount se transforme en un petit coin d’Arles, au plein cœur du quartier réputé pour ses buildings vertigineux et ses centres commerciaux.

Culture gitane et guitaristes de génie 
Durant presque deux heures, les Gipsy Kings proposent un voyage à travers leur répertoire. Djobi Djoba, mais aussi Bem, Bem Maria, sans oublier Volare, repris en chœur par toute la salle, le groupe donne le sourire à son public, comblé et heureux de cette soirée qui sent bon le soleil et la fête. La culture gitane, le flamenco et le mélange de genres des sons du groupe séduisent, et les Gipsy Kings sont presque un ovni musical dans une Amérique où les groupes de musiques étrangères sont très peu visibles. «C’est vrai qu’à première vue, on se dit que les Gipsy Kings sont un groupe qui est très connu en Europe, qui tourne beaucoup là-bas, et qui est devenu légendaire après presque cinquante ans d’existence», souligne Eric Fisher, français et professeur de musicologie à l’université de Saint John’s, «mais ils sont très célèbres aux Etats-Unis, et il n’y a aucun autre exemple comme eux d’un groupe européen ou étranger issu d’une minorité qui est très peu connue, comme la communauté gitane, aux Etats-Unis. Mais leur mélange des genres, le côté festif et leur présence à de multiples éléments culturels à travers le pays leur ont aussi permis d’asseoir une réputation très solide». Les sons de guitares, les musiques méditerranéennes, l’espagnol rappellent les étés, les vacances, l’Andalousie aussi, et mettent du soleil dans les yeux d’un public assez jeune, qui profite de la soirée à fond dans cet automne très frais à New York. Les titres s’enchaînent, et les moments de solo de guitare émerveillent les fans, qui se régalent de prouesses de Reyes et d’autres membres du groupe. Les yeux de certains ne lâchent pas les mains du leader et de ses acolytes, dont Thomas, 17 ans, natif du quartier et amoureux de guitare et qui a été amené par son père, fan du groupe depuis de longues années. «Je ne connaissais pas vraiment leur musique, en dehors de quelques sons entendus à la maison en fond sonore, lorsque mon père les écoute, mais ils m’ont bluffé», sourit-il, «je suis un fou de guitare, j’ai eu ma première à mes neuf ans, et depuis, je sais que je veux en faire mon métier. La manière dont Nicolas Reyes et ses partenaires donnent vie à cet instrument avec leurs doigts, c’est juste ahurissant ! Ils en sortent des sons uniques, j’ai adoré».
La soirée se termine sur une standing ovation plus que méritée, et les Gipsy Kings ont régalé leur public, qui en veut encore. Les fans continuent de chanter alors que le rideau se baisse, tout sourire, et se montrent les photos et les vidéos prises durant le spectacle. «Ça fait vingt fois que je les vois en concert, et je me suis régalé comme lors de la première fois à New York, il y a plus de quinze ans !», s’exclame Maureen, une quinquagénaire amoureuse de musique flamenco et gitane, «je vais y penser toute la semaine, et me coucher avec le sourire et l’âme ensoleillée, grâce à Nicolas et sa bande. Je rentre chez moi en pensant à Arles, au flamenco, à leurs guitares et leurs sons magiques. Si je le pouvais, je les suivrais telle une groupie pour le reste de leur tournée !».
Rfi Musique