C’est à Xalaat Tv que j’ai appris l’arrestation du concitoyen Madiambal Diagne. Pas parce que j’avais choisi d’écouter cette chaîne connue pour ses positions tranchées, mais parce que je visitais un ami friand de leurs émissions. La satisfaction et la joie débordante des «journalistes» ou chroniqueurs étaient si dégoûtantes que j’ai préféré ne pas prêter oreille à leurs commentaires. Après cette visite, je continuai de vaquer à mes occupations avec le sentiment que les choses allaient bien se passer pour Madiambal, victime d’un acharnement inacceptable. C’est tard dans la nuit, au travail, que je tombai avec plaisir sur la nouvelle de sa mise en liberté. J’imaginais la déception de ses adversaires viscéraux qui jubilaient sans réserve le matin, contents, pressés de voir un Madiambal remis à la Justice de son pays. Après avoir parcouru le communiqué de ses avocats, j’appris que «le Premier président de la Cour d’appel de Versailles a décidé de laisser M. Diagne en liberté, sous contrôle judiciaire, en tenant compte qu’il est une personnalité publique, journaliste connu, propriétaire d’un titre de presse». Aucun élément au dossier, insistent les conseils du journaliste, «ne laissait présager qu’il allait se soustraire à la procédure d’extradition. La procédure doit désormais se poursuivre». Les avocats de Madiambal dénoncent le «caractère totalement infondé des accusations contenues dans la demande d’extradition et son irrégularité manifeste». Ils «le feront valoir devant la Chambre de l’instruction de Versailles».
Notre cher Madiambal reste donc libre de tous ses mouvements : son passeport n’a pas été confisqué et il ne lui a été exigé aucune caution financière, comme le rapportent nos amis du journal Le Quotidien. En lisant ces informations, je ne pouvais manquer de noter la manière professionnelle et respectueuse par laquelle ce dossier a connu un début de traitement. Madiambal était-il dans un autre monde à Paris ? Monde différent de celui que nous avons au Sénégal ? La Justice française est-elle plus juste et plus civilisée que la nôtre ? Les Français sont-ils plus libres et plus citoyens universels que les Sénégalais ? Pourquoi au moment où notre concitoyen bénéficie d’un traitement humain et qu’une reconnaissance de son rang assortie d’une entière confiance lui furent accordées par une justice étrangère, de dignes, honnêtes, respectueux et représentatifs sénégalais sont traînés dans la boue par un refus du respect de leurs droits citoyens consacrés par leur Constitution ? Le cas le plus révoltant est celui de l’honorable député-maire Farba Ngom, malade et à qui on refuse éhontément la liberté provisoire. Qu’arrive-t-il à notre pays pour qu’on accepte qu’un pouvoir, fut-il issu d’une majorité légale, puisse utiliser la force d’Etat pour brimer d’honnêtes hommes et femmes dont le seul tort est de s’être battus toute leur vie durant en tant qu’indépendants, ayant frayé durement leurs propres chemins de réussite économique. Cette leçon que la Justice française vient d’administrer à la nôtre doit nous ouvrir les yeux, les esprits et les cœurs, en nous amenant à nous respecter mutuellement, car le monde nous regarde et s’interroge. Nous ne devons pas accepter que notre pays, vitrine démocratique, sombre dans l’intolérance et le règne animal. En tant qu’humains, nous devons refuser d’être traités moins que d’autres humains le sont sous cette terre. L’indépendance, l’impartialité, l’équité de notre Justice se trouvent interpellées à travers cette affaire Madiambal.
Comment notre concitoyen allait-il être traité s’il était aujourd’hui entre les mains de sa propre Justice ? Le sachant, il a préféré se retirer pour mieux préparer sa défense, et c’est comme si le Bon Dieu est de son côté, car Il lui a permis de quitter miraculeusement le Sénégal pour échapper à ses geôliers, affamés de lui qu’ils étaient. Dieu est avec la vérité ! Je renouvelle toute mon amitié et ma solidarité à mon frère et camarade de combat Ma­diambal Diagne, plus que jamais célèbre de par son courage et sa détermination. Je suis confiant que quelles que soient les péripéties, Ma­diambal et sa famille sortiront vainqueurs de cette épreuve. Ce qui se jouera dans quelques jours à travers l’audience prévue le mardi 28 octobre devant la Cour d’appel de Versailles, marquera une étape décisive dans notre marche pour une Justice moderne qui reconnaît l’homme dans toute sa dimension.
Idrissa SYLLA
New York
Membre du CC du Pit-Sénégal