Les arrestations de Babacar Fall et Maïmouna Ndour Faye ont suscité un émoi national, ravivant un douloureux passé avec une énième tentative d’étouffement de la presse assumée par le régime.

La joie des proches de Babacar Fall est à la hauteur du traumatisme vécu par ses collaborateurs dans les locaux de la Rfm. Babacar Fall a été arrêté dans son bureau, puis menotté par des policiers dépêchés par la Sûreté urbaine. Sa faute ? Comme Maïmouna Ndour Faye, arrêtée la veille de manière violente, le directeur de la Rédaction de la Rfm avait interviewé, dans son émission matinale d’hier, Madiambal Diagne. Dans un excès de zèle inédit, les flics ont débarqué à l’immeuble Elimane Ndour pour l’arrêter à la fin de la diffusion de l’entretien. Après plus de 12h à la Su, le journaliste a été libéré sans «qu’aucune charge ne soit retenue contre lui». Même si certains avaient pensé qu’il serait poursuivi pour «diffusion de fausses nouvelles, recel de malfaiteurs, acte de nature à jeter le discrédit sur les décisions du juge et complicité, acte de nature à compromettre la sécurité publique».
En tout cas, son pool d’avocats a précisé qu’il n’a jamais été placé en garde à vue et qu’aucune notification en ce sens ne lui a été faite. Et d’ajouter que toutes les infos sur son état de santé défaillant sont infondées. «Il a été retenu depuis ce matin (hier), une audition a été faite, et après l’audition, Babacar Fall et nous étions dans l’attente de la décision. Ensuite, le Lieutenant lui a dit qu’il peut rentrer chez lui. Il y a des informations qui disent qu’il est tombé en syncope, qu’il a fait une crise. Toutes ces informations ne sont pas vraies. Il n’a même pas été mis en garde à vue, on ne lui en a même pas notifié une. Raison pour laquelle on ne peut pas considérer qu’il a été arrêté», indique Me Ousmane Thiam.

A sa sortie du Commissariat central de Dakar, Babacar Fall a exprimé sa gratitude envers tous ceux venus le soutenir et a donné rendez-vous ce matin à ses auditeurs.

Arrêtée de manière spectaculaire dans ses locaux, Maï­mouna Ndour Faye a été placée en garde à vue dans la nuit du mardi au mercredi. Ces arrestations ont suscité de vives réactions au Sénégal, de nombreux acteurs politiques et de la Société civile, ainsi que des organisations de défense de la presse comme Reporters sans frontières, dénonçant une dérive autoritaire et une atteinte à la liberté de la presse. Hier, les radios et télévisions faisaient passer l’information en boucle avec une série d’éditions spéciales pour fustiger ces arrestations. Les critiques dénoncent une dérive autoritaire de l’Etat qui utiliserait des leviers judiciaires pour réprimer la liberté d’expression.

Dans la même logique de sanctionner les médias réfractaires qui ont diffusé l’interview du fondateur du Groupe Avenir Communication, les chaînes de télévision 7Tv et Tfm ont été coupées de la Tnt de manière impromptue.

Création d’un Front pour la défense de la liberté de la presse
Après ces évènements, les médias ont décidé de créer un Front pour la défense de la liberté de la presse. Ce sont des organisations représentatives de la presse nationale comme la Convention des jeunes reporters, le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse, l’Asso­ciation des éditeurs et professionnels de la presse en ligne et la Coordination des associations de presse, réunies hier dans les locaux du Gfm, qui ont décidé de «travailler sur un plan d’actions unifié». Selon un communiqué conjoint de ces structures, une Assem­blée générale constitutive est prévue ce samedi 1er novembre 2025. «En outre, nous, organisations de presse, décidons de tenir un sit-in devant les locaux de la 7Tv ce jeudi 30 octobre 2025 à 17 heures, suivi d’un plateau spécial diffusé simultanément sur plusieurs chaînes de télévision. Nous nous donnons les moyens de mener toutes autres actions d’envergure nationale comme une marche dont la date sera instamment retenue, et invitons toutes les forces et organisations éprises de justice et sensibles à la défense de la liberté de presse et d’expression de se joindre à notre combat dans le sens bien compris de l’intérêt national.»