Vous perdez votre temps Monsieur le Premier ministre : le Sénégal a choisi la démocratie


Monsieur le Premier ministre,
Vous perdez votre temps.
Le Sénégal a déjà fait son choix, et rien ni personne ne le détournera de ce chemin. Ce pays a choisi la démocratie, la liberté et la vérité, et il ne reviendra jamais en arrière.
Ces derniers jours, la Nation assiste à une scène aussi triste qu’inquiétante : les arrestations de Maïmouna Ndour Faye, patronne de 7Tv, et Babacar Fall, journaliste à la Rfm, pour avoir exercé un droit sacré, c’est-à-dire informer. Leur crime ? Avoir interviewé Madiambal Diagne, un confrère qui, qu’on l’aime ou qu’on le conteste, reste un acteur de la vie publique.
En République, parler n’est pas un délit. En démocratie, donner la parole n’est pas un affront. Mais voilà que l’on criminalise la parole, que l’on redoute les débats, que l’on craint les vérités.
Alors, Monsieur le Premier ministre, qu’y a-t-il donc à cacher ?
Que sait Madiambal Diagne que vous ne souhaitez pas que les Sénégalais sachent ?
Pourquoi tant d’empressement à faire taire au lieu d’éclairer ?
Un pouvoir sûr de lui n’a pas peur des mots. Il y répond par des faits, non par la force.
Et pendant que vous vous acharnez contre des journalistes, le pays souffre.
Touba, ville sainte, est encore sous les eaux. Les inondations reviennent comme une malédiction, chaque année plus destructrices, chaque année plus humiliantes pour l’Etat. Des familles dorment dans des mosquées, des enfants étudient dans des écoles inondées, des malades attendent dans la boue.
Dans la vallée du fleuve Sénégal, de Matam à Podor, les champs sont noyés, le bétail risque de périr, et les populations n’ont pour seul secours que leur patience.
Le pays profond, nous ne dirons plus celui des oubliés car Macky Sall y a réalisé beaucoup de choses, n’attend pas vos arrestations. Il attend vos solutions.
Pendant que vous cherchez des coupables dans les médias, le Peuple attend des pompes fonctionnelles, des routes praticables, des écoles sûres.
Le Sénégal a besoin d’ingénieurs et de techniciens, pas de commissaires zélés devant les chaînes de télévision.
Et la jeunesse, cette majorité silencieuse, brûle d’impatience.
Elle attendait de vous une politique audacieuse pour l’emploi, des réformes courageuses, des perspectives claires.
Mais elle ne voit que désillusion, cherté de la vie et chômage.
Chaque jour, des jeunes quittent ce pays, non pas parce qu’ils ne l’aiment pas, mais parce qu’ils ne voient plus d’avenir ici.
Comme le rappelait Cheikh Anta Diop, «un Peuple sans jeunesse travailleuse, instruite et courageuse, est condamné à végéter».
Et comme l’enseignait Amath Dansokho, ce grand patriote : «Les Sénégalais sont des hommes libres, et ils aspirent toujours à davantage de liberté.»
Voilà le fond du problème, vous ne pouvez pas dompter un Peuple libre.
Monsieur le Premier ministre, laissez-moi vous poser une question que beaucoup se posent aujourd’hui : où étiez-vous le 23 juin 2011 ?
Ce jour-là, alors que le régime de Me Abdoulaye Wade voulait imposer une dévolution monarchique du pouvoir, le Peuple s’est levé.
Des milliers de Sénégalais (étudiants, ouvriers, religieux, journalistes, simples citoyens) ont dit non.
Ils ont bravé les gaz, les matraques et les balles pour défendre la République.
C’était une journée historique, une journée de résistance civique et d’honneur national.
Mais vous, Monsieur Sonko, étiez-vous de ce combat ?
Avez-vous pris part à cette insurrection citoyenne qui a sauvé la démocratie sénégalaise ?
Où étiez-vous d’ailleurs, silencieux, indifférent à cette bataille pour la liberté ?
Le 23 juin 2011, les Sénégalais n’ont pas défendu un parti ; ils ont défendu un principe.
Et ce principe, c’est celui que vous bafouez aujourd’hui : le refus de la peur, le droit de dire non, la liberté d’expression.
Vous êtes en train de devenir ce que vous dénonciez hier.
Ceux qui vous ont porté au pouvoir espéraient un souffle nouveau, une rupture avec les abus, pas une continuité dans la répression.
Mais sachez-le, le Sénégal n’est pas un pays de soumis.
Depuis les temps immémoriaux, notre Peuple sait résister.
Serigne Touba Cheikh Ahmadou Bamba, exilé au Gabon, persécuté par le colonisateur, a opposé le savoir et la foi à la violence.
Maodo Malick Sy, sage et visionnaire, prônait la vérité, la justice et la droiture morale. Il disait : «Le mensonge peut courir cent ans, la vérité le rattrapera en un jour.»
Ces figures spirituelles ne sont pas des reliques, elles sont l’âme vivante du Sénégal. C’est cette même âme qui s’est levée contre le joug colonial, qui a résisté aux injustices politiques, et qui continuera à se dresser contre toute tentation autoritaire.
Vous pouvez emprisonner des journalistes, mais vous ne pourrez jamais emprisonner la conscience d’un Peuple éveillé.
Aujourd’hui, pendant que vous détournez votre énergie contre la presse, le pays réclame des actes :
des barrages solides dans la vallée du fleuve ;
des canaux d’évacuation à Touba ;
des programmes crédibles pour l’emploi des jeunes ;
des hôpitaux équipés, des écoles dignes, des institutions respectées.
Le Peuple sénégalais, Monsieur le Premier ministre, ne veut pas d’un Etat qui surveille, il veut un Etat qui sert.
Il ne veut pas d’un chef qui menace, il veut un chef qui rassure.
Et il ne veut pas d’un pouvoir qui gouverne par la peur, il veut un pouvoir qui gouverne par la vérité.
Vous perdez votre temps, Monsieur le Premier ministre.
Ce Peuple, forgé dans la dignité et la foi, ne reculera jamais devant la liberté.
Il a résisté à la colonisation, il a résisté à la confiscation du pouvoir, il résistera à toute nouvelle forme d’oppression.
Oui, le Sénégal a choisi.
Il a choisi la démocratie.
Et dans cette démocratie, nul, pas même vous, ne peut se placer au-dessus du Peuple.
Car ici, la liberté n’est pas une faveur du pouvoir, c’est une conquête du Peuple.
Amadou MBENGUE
dit Vieux
Secrétaire général de la coordination départementale de Rufisque Membre du Comité Central et du Bureau Politique du Pit/Sénégal

