Après 48h de tensions, de censure et d’intimidation, la presse a réussi à desserrer l’étouffante étreinte du monstre. Un nuage noir au-dessus de l’espace médiatique du pays vite balayé par la détermination des journalistes et d’autres défenseurs des libertés choqués par la violence des interpellations. Juste une accalmie avant une nouvelle tempête ? Sans doute ! Car il y aura un nouvel assaut pour finir le job.
Les libérations de Babacar Fall et de Maïmouna Ndour Faye constituent une parenthèse enchantée dans un moment de menace généralisée contre les journalistes. Dans les rédactions, chaque mot est pesé, soupesé pour éviter des interprétations judiciaires, leur travail passé à la loupe par des «maître-censeurs».
Au Sénégal, il y a toujours eu des épisodes de répression avec les régimes précédents. Mais, ils ont toujours tenté de mettre leurs pratiques répressives dans des gants de velours et sans dégainer l’arme économique. Cette fois-ci, c’est un plan de gouvernance totalitaire des médias qui est assumé. Un plan de démantèlement des entreprises de presse pensé dès les premières heures de la troisième alternance qui a conduit Pastef au sommet de l’Etat.
La première mesure prise a été de geler les conventions et le Fonds d’appui aux médias, de bloquer la publicité publique. Et plus tard, il y a cet appel au boycott de certains groupes de presse exécuté comme un ordre politique. Ces mesures ont été prises avant que les nouvelles autorités ne se penchent sur la réduction des denrées de première nécessité, montrant que cette décision faisait partie de ses priorités. Il s’en est suivi la cynique stratégie de classification des médias menée d’une main de fer par le ministère de la Communication. Il a été stoppé net dans son entreprise par une décision de la Cour suprême à la suite d’un recours en référé introduit par Aïssatou Diop Fall. Or, cette décision de M. Alioune Sall devait être le dernier clou sur le cercueil des journalistes libres.
Aujourd’hui, toutes les stratégies échafaudées ne fonctionnent pas encore, au grand dam des penseurs du régime. Car la résilience des professionnels des médias est une preuve de l’échec de cette asphyxie assumée. Mais, d’autres méthodes plus sournoises, tirées des articles liberticides du Code pénal, sont ressorties des tiroirs pour faire taire des voix libres, traquer des «mal pensants», afin d’imposer un écran noir et casser des micros dans les rédactions. Les médias privés sont zappés des demandes de couverture de la Présidence, de la Primature et d’autres ministères pour faire accréditer la thèse d’un boycott des activités gouvernementales ressassée dans les réseaux sociaux.
Cette épreuve est une leçon de vie. Les journalistes peuvent accepter les compétitions éditoriales saines. S’ils poursuivent par contre leurs querelles partisanes, ce sera le crépuscule de leur profession. Ces dernières années, elles ont permis de fragiliser la profession, qui avait perdu sa capacité de résistance pour endiguer les tentatives de musellement. Les digues ont cédé. Les insultes ont suivi. Les menaces ont prospéré de manière feutrée, puis de façon brutale. Ce qui a donné à certains la prétention d’entretenir l’idée funeste d’effacer les médias du paysage sénégalais. Cette unité dans l’action a permis cette reculade du «monstre», qui veut gouverner selon les standards de l’Aes. Durant cette épreuve, il y aura des médias qui vont disparaître, des arriérés de salaires, des journalistes vont continuer à être embastillés.
Le climat de censure et d’intimidation en cours doit doper les défenseurs de la démocratie pour préserver l’un de ses piliers les plus importants. Un combat patriotique contre des dérives dictatoriales. Un engagement citoyen pour étouffer un souffle autocratique. Et anéantir un projet anti-démocratique !
Même les nuits les plus longues vont finir par s’achever. Et cela annonce un jour nouveau avec des perspectives réjouissantes.

Ps : Free Serigne Saliou Diagne et Cie !
Par Bocar SAKHO – bsakho@lequotidien.sn