L’esprit de la terreur et la terreur de l’esprit

«In the name of the deep roots of the sacred baobab of the majestic, the illustrious, the glorious, the distinguistic and noble lineage of the Diagne in the millennial Cayor», je jure comme tel pensant à juste titre qu’il y ait, quelque part à Ndumbélaan, quelqu’un qui ne veut -pour rien au monde- laisser Majambal le noir soudanais (trop sombre au goût de ses sinistres et vils détracteurs) et le monde exténué du «Ňaxtu national» parler pour se faire entendre.
Ah l’esprit ! En connaissez-vous l’esprit, ce jeu traditionnel africain très prisé des tout-petits, intitulé malicieusement «xalaa ma ndir bajoo ; xalaa-xalaa, doo fi jaar» ?
Tu ne parleras point ! Tu ne parleras jamais plus ici ! Ndumbélaan n’accepte plus les voix plurielles ; il est devenu sévèrement monologue. La parole autre, la posture contraire, l’idée contradictoire sont toutes devenues offense ou injure contre le grand vizir, et-ou sont considérées comme atteinte à la sûreté du royaume : ce qui constitue, aux yeux de la loi scélérate du trône, des crimes odieux qu’il faut réprimer méchamment, rudement, par un embastillement à défaut du bagne forcé ou de la déportation. Un sujet (euh pardon ; un citoyen plutôt !) mis aux arrêts pendant trois, six, huit, quatorze longs mois sans comparaître devant un juge pour ce qui concerne le fond de son dossier ou qui bénéficie -au bout de ce calvaire- d’un non-lieu, peut bel et bien lever le petit doigt et dire qu’il a été la victime sans défense d’un embastillement arbitraire, d’une condamnation hâtive au bagne ou d’une déportation subtile dans son propre terroir. C’est tout juste les amères effluves du cercle vicieux de la terreur qui s’installent dans Ndumbélaan ; ce cercle effroyable qui part lâchement de l’esprit de la terreur pour aboutir résolument à la terreur de l’esprit.
Depuis prés de deux ans, nous vivons une gouvernance alambiquée où l’utilisation de la peur rappelle les régimes totalitaires. L’esprit de la terreur est installé dans le pays pour contrôler les esprits libres, pour écraser l’opposition. La création de ce climat de peur inclut et légitime les arrestations arbitraires, les invectives, le lynchage médiatique, pour inspirer la soumission aux uns et aux autres. On nous impose la déification d’un individu, et tous ceux qui lui apportent la moindre contradiction dans ses déclarations, ses désirs, ses pensées obscures, risquent un tour à ndungsiin.
L’esprit de la terreur tue la résistance, la réflexion, et annule les volontés : les menaces aux quotidiens font plier les esprits les plus récalcitrants. La Société civile plie et se terre, les universitaires grands pétitionnaires (dans un passé récent) oublient comment signer. L’Etat devient un Etat-policier, un Etat-bourreau, un Etat-concasseur des libertés individuelles et collectives, un Etat sectaire où seule la voix des illuminati, des zélés, des bouffons, des saltimbanques, des zombies et autres adeptes de la violence physique et verbale qui supportent la position politico-politicienne des tenants du pouvoir, se font entendre. Et vous devenez un lâche qui abandonne femme et enfants si vous trouvez les moyens de vous soustraire à l’arbitraire en allant ailleurs, sous des cieux plus cléments, pour préparer votre défense contre des accusations des plus burlesques.
La terreur de l’esprit inclut la censure : la presse libre en pâtit au quotidien. La propagande agressive des tenants du pouvoir et de leurs partisans échaudés cherche à contrôler les esprits en imposant une idéologie officielle, en réprimant la dissidence et la liberté d’opinion. Cette manipulation effrénée qui débouche sur une désinformation qui essaie de façonner l’opinion publique afin que toutes les forfaitures puissent passer comme lettre à la poste. Violations des droits de l’homme, destruction de la Société civile, négation des droits civiques, menaces et tortures intellectuelles et morales, toutes ces dérives font flancher toutes velléités de résistance des citoyens nés libres. Plus les citoyens prennent peur, plus le pouvoir s’enracine davantage et déroule son agenda machiavélique. Seulement, le populisme comme le totalitarisme sont voués à l’échec : ils n’ont jusqu’ici -dans la marche de l’humanité- jamais participé au génie, à la lumière, à la sève qui oriente, qui éclaire et qui nourrit l’Homme dans sa quête quotidienne du bonheur.
C’est pourquoi notre vizir national a le toupet de prendre congé de nos problèmes comme Peuple pour aller s’occuper de son peuple dans un meeting. Quant au «Ňaxtu national», les organisateurs doivent aller voir ailleurs : l’imposante caravane de son excellence doit passer aux alentours. Et comme il existe un potentiel risque de trouble à l’ordre public… bof passons !
Amadou FALL
Inspecteur de l’enseignement à la retraite à Guinguinéo
zemaria64@yahoo.fr

